Chevaux de Nighty

Aglaë & Gentleman

début au pré...

La longe est fixée au licol de Gentleman, et ce dernier paraît certes un peu agité, mais pas complètement terrorisé. C'est un pas énorme dans sa rééducation de cheval domestique. Anne me regarde, me sourit.

-Tu as fait du bon boulot, Aglaë ! Je n'aurais pas pu faire mieux.

Je rougis légèrement et hausse les épaules comme si cela n'avait pas d'importance. En vérité, je suis touchée du compliment. J'aime travailler avec Gentleman, l'apprivoiser petit à petit. Et je suis contente de savoir que je le fais bien. Nous nous mettons en marche pour sortir du pré, ma monitrice devant. Elle ouvre la barrière, nous laisse sortir, la referme et nous suit. Le mustang s'agite un peu, il tire et s'arrête parfois. Aussitôt, je le motive de la voix et de petits coups sur la longe. Il repart à contrecœur. Voyant que je me dirige vers l'endroit où j'ai posé mes affaires, Anne s'exclame :

-Non, va à la douche ! Normalement, il n'y a personne qui douche son cheval à cette heure-là.

Je fais virer l'étalon pour aller l'attacher à la douche déserte. La monitrice revient avec toutes mes affaires et les pose à distance respectable du tuyau d'arrosage. Quant à moi, je caresse l'épaule de Gentleman pour le rassurer. Rendu anxieux par le fait d'être attaché, même long, il tourne sur lui-même et recule. J'ai peur de sa réaction vis-à-vis de la douche... S'il s'affole il peut se blesser et nous blesser. Nous attendons qu'il se soit un peu calmé pour allumer l'eau. Je tiens le tuyau dirigé vers le sol, loin du mustang. Je règle directement sur un débit très faible, pour ne pas affoler l'alezan. Le bruit de l'eau le fait immobiliser, et il tourne sa grosse tête rousse vers nous. Aucunement apeuré, il observe au contraire avec curiosité cet objet long et fin qui crache de l'eau. Je profite du fait qu'il n'a pas peur pour monter un peu le jet, qui vient mouiller ses sabots. Gentleman ne se décale pas, il baisse seulement la tête pour renifler l'eau et même... la boire ! Je ne peux m'empêcher d'éclater de rire, aussitôt imitée par Anne. Nous qui avions peur qu'il ne soit terrorisé, en fait il aime l'eau ! Nos rires le font cesser ses singeries. Il nous regarde, interloqué. Puis décide que ce n'est pas important et continue de boire. Quand il a suffisamment bu, je le laisse relever la tête et monte le jet sur ses jambes. Je peux même augmenter le débit, et le mustang en paraît ravi. Je peux asperger ses membres, ses épaules, ses hanches, son ventre, ses flancs, son poitrail et son dos sans problème. Tout content d'être mouillé par cette chaleur relative, Gentleman étend son encolure et ferme les yeux. Sur demande d'Anne, je monte encore et mouille son encolure, des deux côtés. Et c'est lui qui vient mettre sa tête en plein dans le jet. Je ris de nouveau, et termine de l'asperger entièrement. Quand j'éteins l'eau, l'étalon me regarde avec déception. «C'est déjà fini ?» semble-t-il demander.

-Eh oui, Gentleman, même les bonnes choses ont une fin ! Mais on reviendra, t'inquiète pas !

Je flatte son encolure trempée. Sa robe, ainsi mouillée, paraît alezane brûlée. Très brûlée, d'ailleurs. Mais ça va s'éclaircir en séchant. Anne prend deux couteaux de chaleur et m'en tend un. Après lui avoir fait sentir les objets, nous les passons sur son corps sans difficulté. Puis nous passons un chiffon sur les zones plus sensibles. Déjà, la robe du mustang s'est éclaircie. Il est alezan. Un bel alezan roux, superbe. Ma monitrice recule pour contempler notre travail. Il ne reste plus rien du cheval boueux. À la place, se tient un étalon reluisant. Mais si le nettoyage permet de le révéler, de le faire plus beau, il montre aussi sa maigreur. Ses hanches sont presque saillantes et, en m'approchant, je peux compter ses côtes. Anne a visiblement vu la même chose que moi, car elle lance :

-Eh bien, il va falloir le remplumer ce petit gars ! Mais avec l'herbe à volonté et quelques compléments alimentaires, ce sera vite fait ! Au fait, je ne t'ai pas dit : le véto vient demain à dix-sept heures pour Gentleman. Et le maréchal-ferrant passera samedi pour une dizaine de chevaux, dont ton protégé.

Je hoche la tête. Je connais le vétérinaire et le maréchal, ce sont des types bien, doux et respectueux des chevaux. Je sais que le mustang sera entre de bonnes mains. Mais il ne faudrait pas qu'il soit trop stressé par tout ça... J'entends soudain sonner les cloches. Dix-huit heures, déjà ? Je vais devoir rentrer ! Nous ramenons Gentleman au pré, et cette fois c'est Anne qui le mène. Quand elle le lâche, il s'éloigne au pas et se met à brouter, sans nous accorder un regard. Nous décidons de travailler demain, avant la venue du véto, sur le licol et la longe, le pansage et le prise des pieds. Ce sera utile pour plus tard.

-Au fait, je termine une heure plus tôt demain. Ça te va de commencer à 15h40 ?
-Pas de soucis ! répond Anne en souriant. À demain !
-À demain !

Je rentre chez moi tranquillement, emplie de hâte : demain, je vais revenir travailler avec Gentleman ! J'aime déjà ce cheval. Et il ne me reste plus que deux semaines de cours, puis le début des vacances, ensuite... Ensuite, peut-être que le mustang devra partir. Si Philippe le juge trop difficile, il sera revendu. Mais si nous parvenons à en faire un étalon montable par des cavaliers de niveau galop 5, c'est-à-dire comme moi, il restera. Et j'aurais toutes les vacances pour passer du temps avec lui !

+1 en confiance
+2 en soins

+5