Il était encore tôt dans la matinée. Synna s'était installée sur une bande d'herbe et laissa Vincent brouter de l'herbe avant la séance un moment avant de reprendre sa marche vers le manège. Sachant Vincent peureux et plutôt nerveux, elle avait décidé de faire leur première séance dans le manège où le couple serait coupé des distractions extérieures. Vincent avait passé le trajet jusqu'au manège à observer à droite et à gauche, ce qui conforta sa cavalière dans l'idée que le manège était le meilleur choix. À le mener ainsi, elle remarqua à quel point l'étalon était puissant, mais pas une seule fois il n'essaya d'exploiter cette force ; il se contenta de suivre sa cavalière docilement.
Une fois dans le manège, Synna pris le temps de marcher dans ce dernier afin de laisser Vincent observer et sentir ce qui pouvait lui faire peur. Rien ne semblait l'avoir dérangé particulièrement, mais le palefrenier l'avait prévenu à la sortie de l'écurie que Vincent n'avait pas été sorti seul depuis un moment. Il valait mieux prévenir que guérir. La brune ressangla et étira les antérieurs du cheval pour s'assurer qu'il n'y ait pas de pli avant de se hisser en selle. C'était la première fois depuis plusieurs années qu'elle montait seule, sans aucune supervision, ce qui n'était pas tout à fait des plus rassurants. Saurait-elle intéresser le cheval ? Pourra-t-elle organiser ses séances en autonomie correctement et avec une logique qui permettrait au couple de progresser ? Elle laissa d'abord Vincent marcher rênes longues afin de tester son pas naturel. Il n'était pas très allant mais à partir du moment où elle remonta sur ses rennes, elle sentit l'attitude de Vincent changer. Prêt au travail, il vint mâchonner son mors alors qu'elle pressa ses talons contre ses flancs pour lui demander un pas plus soutenu. Synna débuta par quelques arrêts avant de contrôler la réactivité de Vincent face à ses demandes. Ainsi, en pressant sa jambe intérieure contre son flanc, elle lui demanda de faire les coins et de venir s'arrondir progressivement autour de sa jambe lors de cercles moyens. La cavalière comprit aussitôt que ça n'allait pas être si facile puisque Vincent semblait avoir une bouche plutôt dure et manquait de souplesse. Aussi ne se contentait-elle pour le moment que d'une légère flexion de l'encolure sur les cercles et que d'une impulsion satisfaisante où elle sentirait bien les postérieurs du cheval passer sous la masse. Elle fit ensuite de même au trot. Le trot de l'étalon était long avec des foulées un peu lourdes, bien loin du rebond que l'on cherche à avoir en dressage. Mais là encore Synna n'avait, pour le moment, pas de grandes attentes et préférait au moins avoir un cheval allant. Sur un cercle, elle lui demandait avec sa jambe intérieure et une rêne d'appuie d'agrandir ou de réduire le cercle ce qui n'était faisable qu'avec une bonne réactivité à la jambe. S'il n'était pas non plus froid à ses demandes, il fallait souvent que la cavalière pousse un peu le cheval à se plier à ses demandes ce qui n'avait rien de bien agréable, mais rien de bien contraignant non plus. Elle le laissa marcher ensuite rênes longues. C'était une sensation étrange de dérouler une séance toute seule et elle profita de cette petite pause pour réfléchir à ce qu'elle ferait pour le restant. Il n'y avait pas besoin de quelque chose d'élaboré, cette séance visait surtout à permettre à Vincent et à Synna d'apprendre à se connaître. Ils auraient tout le temps ensuite pour se lancer dans des choses plus exigeantes. Vint ensuite la détente au galop. Vincent semblait plutôt heureux de pouvoir se défouler ; à peine Synna eut-elle placé ses aides qu'il se propulsa dans un galop dynamique. Cette fois, ce fut même la franco-russe qui dut brandir le haut de son corps et refermer ses doigts sur les rênes pour lui demander un galop de travail. L'étalon était un peu lourd sur la main et pour essayer de le redresser un peu, elle prenait l'initiative régulièrement de lui demander des transitions descendantes, ce qui n'avait qu'un effet temporaire.
Durant la détente au galop, trois autres couples entrèrent dans le manège. Synna sentit le changement aussitôt chez Vincent, qui se raidit sous les éclats de rire des autres cavaliers. Il semblait particulièrement dérangé dès qu'un grand cheval noir s'approchait. La cavalière estima qu'ils s'entendaient très mal, et que c'était surtout une bonne occasion d'habituer Vincent à ce genre d'imprévus qui le contrariaient visiblement. Après avoir pris une pause au pas, elle fit un bilan de la détente rapidement dans sa tête. Elle avait remarqué que Vincent n'était pas un étalon très appliqué, mais qu'il avait tout de même une forme de curiosité qui le motivait à aller dans le sens de son cavalier. Elle décida de jouer de ça pour le détendre un peu et le mit au trot sur un cercle, cherchant à former un contact entre ses mains et la bouche de Vincent pour le décontracter petit à petit. Mais plus ils augmentaient le nombre de cercles, et plus Vincent semblait se déconcentrer. Elle quitta donc le cercle pour passer au prochain exercice en repassant au pas et en lui demandant des cessions à la jambe en partant au centre de la largeur du manège. Les premières cessions n'avaient rien de fantastiques, les hanches partaient souvent trop loin par rapport aux épaules. Pour ne pas ennuyer l'étalon, Synna s'appliquait à le faire trotter entre chaque session et à repartir sur un cercle pour partir sur un exercice d'incurvation avant de repasser au pas et continuer les cessions. Les dernières cessions au pas étaient bien meilleures et la cavalière décida de redemander la même chose au trot. L'exercice devenait un peu plus demandeur pour Vincent qui s'agaça rapidement sous les demandes de sa cavalière, parfois pas très claires. Sentant l'agacement de l'étalon monter, Synna décida de mettre fin à la séance dès qu'elle obtenu quelques foulées de cessions satisfaisantes. Vincent avait au moins oublié de s'agacer au passage à proximité du cheval noir, ce qui était un bon point.
La cavalière dessangla d'un trou avant d'entreprendre de faire un tour au pas dans le Haras. L'initiative manqua de la mettre à terre ; un écart de Vincent la surprit face à une bâche secouée par un coup de vent, mais elle tint bon. Elle prit alors le temps de laisser Vincent s'approcher et sentir la bâche en question — avec un manque flagrant de bonne volonté — puis se dirigea vers les écuries.