Box de Gravité

Pour une fois, Honey ne s’est pas perdue sur son chemin. Il faut dire qu’elle l’a appris par cœur, ce trajet jusqu’au paddock de la pouliche. La noiraude n’a que deux mois et son énergie est inépuisable ; la blonde ne l’a vue qu’à cinq reprises avant de la prendre en demi-pension et la petite Gravité joue avec l’attraction terrestre ; elle bondit, rue et cabriole gaiement sous le regard bienveillant de sa mère, et c’est un spectacle dont la jeune femme ne se lasse pas. Alors encore aujourd’hui, Honey s’accorde quelques minutes de contemplation silencieuses, alors que seul la mère semble avoir remarqué la présence de la cavalière. Si Honey n’a d’yeux que pour la demoiselle, cette dernière ne se soucie pas de son environnement, joyeuse et innocente comme le sont la plupart des poulains que la blonde a connu. Lorsqu’une accalmie pointe finalement le bout de son nez, la jeune femme se décide à se glisser, sans trop de difficulté avec sa silhouette souple, entre les rondins de bois qui forment la barrière du pré, un petit licol gris entre les mains. Remarquant l’intrusion dans son paddock, la noiraude s’immobilise totalement et dresse ses petites oreilles dans la direction de Honey, qui sourit. Il ne faut que quelques secondes à l’ingénue pour reconnaître sa visiteuse de la veille et, pas farouche pour un sou et déjà habituée au contact de tous les humains passant devant son pré, elle trottine jusqu’à la blonde en levant bien haut ses petits membres fragiles, semblables à des échasses en haut desquelles elle serait perchée.

La jeune femme abandonne le licol à ses pieds et se baisse à la hauteur de la pouliche cendre pour l’accueillir de caresses dont, inépuisable tornade qu’elle est, Gravité se passerait clairement. Elle reste malgré tout, sans doute intriguée par l’objet au sol, dont elle s’approche de quelques pas prudemment avant de le humer et de le pousser du bout du nez. La cavalière se redresse et la laisse découvrir l’objet patiemment dans un premier temps. La demoiselle se lasse assez vite du licol, inerte, et redresse ses petites oreilles en direction de la blonde, tête hautement redressée avec l’espoir peut-être d’être aussi grande qu’elle. Honey se décide alors à ramasser le licol pour lui présenter, muserolle ouverte. Gravité l’observe quelques secondes, nullement effrayée, et vient à nouveau sentir le nylon grisâtre, puis s’en désintéresse à nouveau. La jeune femme caresse le chanfrein de la pouliche cendrée avant de poser le licol sur son encolure ; si elle a un léger frisson, de surprise sans doute, la petite furie ne bouge toujours pas, se contentant d’ancrer son regard malicieux dans les yeux bleus de Honey, qui la caresse pour la récompenser. Elle continue doucement à passer le licol sur le corps svelte de la pouliche, qui ne bouge pas, intriguée, tandis qu’elle parle doucement pour la rassurer – même si cela ne semble pas des plus nécessaire au vu de l’attitude posée de Gravité. Ayant terminé son petit tour, la blonde repose le licol et câline la pouliche jusqu’à ce que cette dernière secoue la tête, sa concentration visiblement épuisée pour la journée. Honey a un léger rire en la voyant repartir au petit trot alors qu’elle s’éloigne. Cette petite perle promet de belles choses et elle a déjà hâte de la voir grandir et progresser.

Le quotidien d’Honey s’est agrémenté des visites quotidiennes à sa pouliche. Elle a désormais presque trois mois et la jeune femme ne se lasse pas de l’observer évoluer dans son pré, parfois en compagnie d’autres poulains, mais la plupart du temps, seule avec sa mère. Aujourd’hui, Honey se rend de bon matin au paddock que la demoiselle grise occupe, deux licols et une boîte de pansage à la main. Si Gravité a déjà enfilé plusieurs fois le licol désormais, la blonde ne s’est pas encore risquée à l’attacher. On ne peut dire que la pouliche s’est vraiment assagie pour l’heure, même si la cavalière sait que cela finira par venir – du moins, elle l’espère.

La petite demoiselle dresse ses oreilles en direction de la blonde en entendant le loquet de l’enclos grincer alors qu’Honey se glisse entre les rondins de bois pour refermer la porte derrière elle, puis elle trottine jusqu’à la jeune femme, en levant exagérément haut ses genoux, comme si le sol la brûlait. Honey sourit et accueille la noiraude d’une caresse sur le chanfrein, mais celle-ci s’intéresse davantage à la boîte rectangulaire, grise claire, que tient la blonde. Cette dernière parvient à rentrer dans le pré et s’approche, en premier lieu, de Corona, à laquelle elle enfile un licol bleu clair, en réalité destiné à la version adulte de l’impétueuse pouliche. Les yeux de celle-ci se sont éclaircies durant ces dernières semaines, et tirent désormais sur un bleu turquoise, qui continuera sans doute à pâlir encore un peu. Honey n’est pas particulièrement surprise de ce changement, et même plutôt enthousiaste ; bien que tardif chez Gravité, ce n’est pas la première fois qu’elle est confrontée à un changement de couleur d’yeux chez un jeune poulain. Et puis, comme beaucoup d’amoureux des chevaux, elle trouve les yeux bleus particulièrement beaux sur les robes claires – car nul doute que Gravité arborera plus tard la même robe que sa génitrice, ce gris laiteux, tirant presque sur le blanc.

Ce n’est pas la première que Honey emmène la pouliche hors du pré, et elle lui enfile le licol sans trop de mal. La noiraude suit sa mère avec entrain jusqu’aux écuries principales. Là, elle attache Corona puis se tourne vers la pouliche et se baisse légèrement pour caresser une énième fois le petit duvet qui sert de toupet à Gravité. D’abord, elle vérifie que cette dernière se laisse manipuler, passant ses mains sur tout son corps, soulevant chacun de ses membres en s’assurant que la pouliche n’oppose pas de résistance particulière, puis elle attache au licol une petite longe : il est temps de passer aux choses un peu plus sérieuses. Elle lui présente au préalable l’objet puis effectue une légère pression sur ce dernier ; en premier lieu réticente, Gravité comprend vite ce que la blonde attend d’elle et fait quelques timides pas en avant, puis secoue sa tête gris foncé, comme contrariée. Honey plie légèrement les genoux pour s’accroupir en face de la noiraude, et pendant plusieurs minutes tire légèrement sur la longe de chaque côté pour l’habituer à ces pressions qu’effectue le nylon gris sur sa tête. La petite demoiselle se laisse faire de bonne grâce, sans doute lassée de l’exercice qu’elle a d’ores et déjà assimilé. La jeune femme se relève et promène ensuite la pouliche sans trop s’éloigner de la mère de cette dernière qui la couve d’un regard doux, mais pas inquiet ; encore une fois, Gravité se prête au jeu sans opposer de résistance.

Honey ramène alors la pouliche près de sa mère et l’attache à un anneau, en laissant bien plus de marge que nécessaire. La noiraude tente d’abord de reculer mais finalement, ne tire pas comme aurait pu le craindre la jeune femme. Fière de Gravité, la blonde la gratifie d’un petit morceau de carotte, puis lui présente une à une les brosses. La pouliche n’ayant pas l’air impressionnée, préférant attraper entre ses dents le sweatshirt foncé de la jeune femme ou l’une des brosses au sol, Honey pose une brosse douce sur le pelage foncé de la pouliche, puis décrit de grands cercles. Gravité cesse de mordiller le haut de la blonde pour observer avec curiosité les gestes de cette dernière, puis s’intéresse bien vite à autre chose. La jeune femme s’assure de pouvoir passer cette première brosse sur tout le corps de la noiraude, qui finit par s’impatienter un peu, attachée depuis trop longtemps à son goût. Honey la gratifie d’une caresse puis défait le nœud de la longe, estimant que c’est assez pour aujourd’hui. Elle ramène Corona et Gravité au pré et s’attarde un peu pour regarder la noiraude jouer dans le pré, puis range ses affaires et s’en va.

Gravité grandissait si vite que la jeune femme n’avait qu’à peine vu venir le moment où elle avait quitté sa mère pour rejoindre un paddock avec d’autres poulains de son âge. Sa robe cendre se transformait peu à peu en un gris très clair, mais ses crins restaient totalement noirs, ce qui donnait un contraste singulier, mais pas moins joli. Ses yeux, eux, étaient devenus totalement bleus et ce, depuis un moment, ce qui rendait la robe de Gravité d’autant plus originale. Honey eut un léger sourire à la pensée de ce qu’elle deviendrait adulte. Puis elle se glissa dans le paddock et chercha du regard la petite furie, qui s’arrêta de gambader en la voyant. Elle s’approcha de la jeune femme en levant bien haut ses frêles jambes, ses grands yeux expressifs semblant pétiller de malice. La blonde passa la main dans les crins désordonnés de Gravité, à la fois trop courts pour reposer sur son encolure et trop longs pour tenir en brosse, puis lui enfila le licol.

Elle fit d’abord faire à la grise un petit tour du haras, une habitude quotidienne pour dégourdir les jambes de la BWP – bien qu’elle en avait déjà le loisir dans le pré – puis l’emmena le long d’un mur pour l’attacher à un anneau près duquel elle avait déjà posé ses affaires de pansage. Gravité resta sage, ses grands yeux clairs posés sur Honey, observant chacun de ses mouvements avec une curiosité avide. La blonde lui présenta tout d’abord l’étrille, puis passa cette dernière sur les parties charnues de la grise. Elle changea ensuite de brosse et passa le bouchon sur le reste du corps de la pouliche, en s’attardant davantage sur ses membres et sur ses crins emmêlés. Elle termina par la brosse douce que Gravité semblait préférer aux brosses précédentes – Honey pouvait le comprendre, après tout.

La jeune femme s’attaqua pour finir au cure-pied. Elle avait habitué sa pouliche à donner les pieds sans rechigner mais cela avait été long, même si elle y était parvenue. Elle fit glisser sa main sur l’un des antérieurs de la pouliche puis appuya un peu de son épaule pour l’inciter à donner le pied, puis le garda quelques secondes avant de le reposer. Elle répéta l’opération avec chacun des membres de la pouliche avant de les nettoyer véritablement, même s’il n’y en avait pas vraiment le besoin – seul un peu de terre sèche s’était glissé dans les barres des sabots, que la blonde n’eut pas de mal à ôter. Elle récompensa chaleureusement Gravité puis la détacha, et ne tarda pas à la laisser rejoindre les autres poulains dans le pré.

Gravité avait eu trois ans quelques mois auparavant – et Honey ne cessait de se répéter à quel point le temps passait vite. Son débourrage allait pouvoir commencer et la blonde se réjouissait de pouvoir continuer à l’éduquer, alors qu’elle l’avait vue évoluer, de jour en jour pendant plus de trois ans, s’assagir et s’affirmer. Un licol en main, elle emprunta l’allée où se trouvait le box de la sportive belge, et salua la grise d’une caresse. Celle-ci passa sa tête par-dessus la tête du box et se laissa sagement faire tandis que la jeune femme attachait une longe au licol et ouvrait la porte du box. Elle sortit la BWP de ce dernier, referma la porte puis, presque machinalement tant ces gestes quotidiens lui étaient devenus familiers, emmena sa jument auprès d’un anneau.

D’abord, Honey la pansa, vérifiant qu’il n’y ait aucune blessure sur la robe claire de Gravité, mais cette fois, au lieu de l’emmener se promener en main comme d’habitude, elle ne détacha pas la jument et attrapa un tapis qu’elle lui présenta. Gravité sembla animée d’un regain d’énergie et étudia avec curiosité l’objet, sans une once de crainte. La blonde le posa donc sur le dos de la grise, qui ne sembla pas s’en soucier – sans doute parce que l’objet, bien que nouveau pour elle, n’était pas bien lourd. Elle fit de même avec les guêtres avant de les poser et de les attacher. La jument tenta de les mordiller, leva un antérieur, puis le reposa, et finit par s’y faire. Honey préféra cependant les enlever pour lui présenter, cette fois, la selle, en sachant que ce serait sans doute ce qui lui plairait le moins. Lorsqu’elle la posa sur le dos de la BWP, sur le tapis, elle eut en effet un léger mouvement de recul, mais la blonde la rassura et étonnamment, elle se laissa sangler sans opposer de résistance, jetant des regards curieux à la jeune femme de temps à autre.

Pour finir, Honey lui montra le filet, et à l’aide d’un pinceau, enduit le mors de miel – elle eut un sourire en pensant à la signification de son surnom, devenu davantage naturel à ses oreilles que son véritable prénom – et comme n’importe quel cheval, Gravité ouvrit docilement la bouche pour lécher le miel, permettant à la blonde d’attacher la muserolle et la sous-gorge. La grise sembla un peu déboussolée par tout ce qu’elle portait soudainement sur son dos, et la jeune femme lui flatta l’encolure pour la rassurer, puis détacha le licol pour l'emmener marcher afin qu'elle s'habitue à son nouvel équipement, lui ayant au préalable remis les guêtres. Elle fit ainsi le tour des écuries, et récompensa la grise pour sa sagesse avant de lui ôter son harnachement et de la remettre au box.

évènement 14 ; tondre un cheval
À l'approche de l'hiver, le poil de la jument grise s'était considérablement épaissi, et Gravité ressemblait désormais davantage à une grosse peluche qu'à un cheval de sport. C'était la raison pour laquelle la blonde avait décidé de la tondre – ayant une certaine expérience de la chose, elle avait anticipé et habitué auparavant la BWP au bruit de la tondeuse, ce qui avait, d'ailleurs, pris un certain temps. Elle prit la direction de la prairie, où la grise se reposait suite à l'annonce de l'ostéopathe – des vertèbres de déplacées au niveau de la nuque, nécessitant quelques jours de repos. Honey prenait toujours beaucoup de temps pour sa jument, et s'en était occupé avec grand soin. Gravité vint d'elle-même en envisageant sa cavalière arriver, et la blonde resta quelques minutes à ne rien faire sinon à la regarder brouter avant de se décider à prendre le chemin des écuries.

Honey attacha sa jument à un anneau un peu à l'écart des boxes, proche de la sellerie, où elle avait l'habitude de préparer sa jument, ayant horreur de gêner le passage dans les allées de l'écurie. Elle pansa longuement sa jument pour faciliter le travail, même si, un peu précieuse, Gravité n'était absolument pas sale ; puis elle se munit d'une craie rouge pour dessiner le motif de la tonte – elle opta pour une tonte de course qui lui parut la plus adaptée. Elle lui laissa également un filet de foin à disposition pour l'occuper. La BWP observa avec curiosité sa cavalière faire, sans broncher. Honey alluma ensuite la tondeuse, ce qui entraîna un mouvement de recul de la jument. Patiente, la jeune femme prit le temps de la rassurer avant d'approcher l'objet de son encolure, puis posa les peignes parallèles à la peau, et remonta l'objet doucement. Gravité coucha les oreilles mais Honey ne cessa pas de la rassurer, ce qui eut pour effet de garder la jument calme. La blonde continua sa tonte pendant un moment sans cesser de parler à la grise, dessinant peu à peu la forme nette d'une sorte de couvre-rein naturel sur la croupe de la BWP. Huilant régulièrement les peignes pour qu'ils ne soient pas trop chauds tout en passant un coup de brosse douce pendant qu'ils refroidissaient, il fallut presque deux heures à la blonde pour achever sa tâche. Après quoi, elle brossa longuement la jument pour se débarrasser des poils couper et la récompensa pour sa patience, puis la couvrit d'une fine chemise avant de la rentrer au box pour la nuit.