Box de Petroleum

La nuit commence à tomber pourtant, les écuries grouillent encore d’activités. C’est que, pour beaucoup d’employés, la journée n’est pas terminée. C’est le cas du jeune homme qui avance vers le box de la jeune Petroleum. Il s’arrête d’ailleurs devant et il regarde la jeune femelle. Il semble plein de tendresse à son endroit. C’est qu’il a de plus en plus de mal à faire la part des choses … La jolie brune est née ici pourtant, il sait déjà qu’elle ne restera pas. Pourtant, c’est à lui de veiller sur elle et de prendre soin de son développement. Ce n’est pas la première fois qu’il s’occupe d’un poulain mais il a de plus en plus de mal à accepter de les perdre ensuite de vue. Il sait que tout ce qu’il fera avec elle, il n’en profitera pas, jamais. Petroleum est née du caprice de propriétaires qui ne s’intéresseront à elle que quand elle sera en âge de travailler et de concourir. C’est injuste. Ils ne la connaîtront jamais comme lui. Ils ne l’auront pas vu grandir ni s’épanouir. Ils ne sauront pas que, si elle semble rose, elle est pourtant pleine d’épines aussi.

Il soupire et même s’il s’en veut, il ne peut s’empêcher d’espérer que ses futurs propriétaires ne s’arrachent les cheveux à force de ne pas la comprendre. Mais Petroleum n’est pas comme ça. Elle est la bonté même. Tout ce qu’elle voit semble magique et douce mais intrépide, elle s’en approche toujours avec entrain. Elle, elle deviendra sans doute une grande jument. Le gamin sourit, un peu dépité. Le superviseur de son piquet lui jette un regard noir : il n’est pas payé pour s’extasier devant les derniers-nés. Ici, le temps est de l’argent. Les poulains ? Des investissements sur le futur. Il n’a pas le choix : il doit la travailler pour faire d’elle une jument vendable. Il entre donc dans son box. Petroleum se tourne immédiatement vers lui. Elle se redresse et tente de porter sa tête au plus haut de son petit corps. Le garçon rit : il aime bien ses tentatives désespérées pour se rendre impressionnante. Il la laisse faire son petit numéro puis, gentiment, il tend sa main vers elle.

La brunette feinte de s’en moquer mais elle ne résiste pas bien longtemps à la tentation : plus que curieuse, Petroleum s’approche rapidement de lui. Elle ne trouve rien dans ses mains mais cela ne la rend pas désagréable pour autant. Cette pouliche est pleine de ressources et, seulement curieuse, ce qui l’intéresse est de découvrir le monde. Depuis quelques jours désormais, le garçon l’habitue au licol. S’ils sont plusieurs à passer la voir pour lui donner confiance dans l’Homme en général (et non en un seul être bien particulier), c’est bien le gamin qui passe le plus de temps avec elle. Petroleum le connait et elle sait qu’elle n’a rien à redouter de lui. Elle se laisse donc faire. La plupart du temps. Elle est encore assez joueuse, comme tout jeune cheval de son âge. Ce soir, pourtant, elle ne cherche pas à se soustraire au petit licou que lui présente le môme. Il est un peu déçu : il aurait pu passer plus de temps avec elle. Qu’importe. Il la caresse longuement pour lui dire que c’est bien.

Il en profite pour passer à quelques exercices de manipulation. Dans un premier temps, il pose ses mains bien à plat sur son corps et il les fait ensuite glisser le long de ses flancs, de sa croupe, de son encolure puis de ses membres. Il veut s’assurer de pouvoir toucher n’importe quelle partie de son corps sans devoir faire face à une réaction épidermique. La peau de la belle tressaille par moments et elle cherche à se soustraire au contact à plusieurs reprises mais elle n’adopte jamais le moindre geste déplacé. Le gamin hoche la tête, satisfait. Il la caresse et la laisse un peu tranquille. Il en profite pour lui présenter quelques petits morceaux de fruits. La jeune jument ne le laisse pas tranquille une seconde : elle attrape entre ses lèvres sombres des pans de son pull et tire dessus. Il est obligé de la repousser. Il le fait gentiment mais suffisamment fermement pour que Petroleum comprenne qu’elle ne peut se permettre n’importe quoi.

La jeune femelle feinte de bouder quelques minutes mais sa curiosité l’emporte. Elle revient vers le garçon qui ne peut finalement que sourire. Il caresse son petit chanfrein et il reprend les exercices. Il fait glisser une main le long de ses membres et, avec patience mais assurance, il soulève chacun de ses pieds, un à un. La brunette donne les antérieurs plus facilement que les postérieurs mais, dans l’ensemble, son comportement est satisfaisant. Elle se laisse approcher par un peu tout le monde et semble avoir conscience de ce qu’elle peut ou ne peut pas faire, ce qui est un très bon début. De nouveau, le gamin tente de prendre ses distances avec elle mais Petroleum n’en démord pas. C’est un peu comme si elle voulait tout savoir de son environnement immédiat et, comme il se trouve dans sa sphère, elle ne semble pas prête à le regarder s’éloigner de trop. En deux belles foulées, elle le rejoint à nouveau et le bouscule du bout de ses naseaux satinés. Il sourit mais la pousse à son tour. La brunette aurait pu le prendre pour une invitation à jouer mais elle a appris, à son contact, qu’elle ne devait pas lui donner l’impression de l’oppresser ni de l’envahir.

Chose curieuse : ce bipède qui vient toujours la voir veut néanmoins une certaine distance entre eux. Petroleum ne comprend sans doute pas tout mais elle se montre respectueuse. Intelligente, elle semble déjà cerner la différence entre ce qui est permis et ce qu’elle n’a pas le droit de faire. Il la regarde encore longuement et son coeur se serre dans sa poitrine. En guerre contre des moulins à vent, il se persuade qu’elle finira dans les mains d’un propriétaire peu scrupuleux qui n’attendra rien d’autre d’elle que de gagner des prix. Il lui trace toute sa vie et il ne l’épargne pas, sans penser un seul instant que d’autres que lui sauraient l’aimer à sa juste valeur.

Pour Petroleum, les choses s’accélèrent. L’après-midi commence à peine lorsque le gamin revient vers elle. Il a encore ce sourire un peu triste sur les lèvres. Il rit néanmoins lorsqu’il voit la petite brunette s’éveiller péniblement. Attendrit, il lui laisse le temps de se dresser sur ses membres. Il la rejoint ensuite et il la salue en murmurant son nom. La belle pouliche se redresse et tend ses oreilles dans sa direction. Elle se demande sans doute ce qu’il lui veut encore. Le garçon hausse les épaules. Comme la veille, il pose alors le plat de ses mains sur son corps. Il les promène ensuite un peu partout, refaisant inlassablement le même chemin. Lorsqu’il s’approche des flancs, la jeune hollandaise lève un postérieur. Elle ne tape pas et le repose immédiatement lorsque le contact cesse. La désensibiliser prendra encore un peu de temps néanmoins, le gamin est confiant : la jeune jument est respectueuse des hommes et, même si elle manifeste de façon visible son mécontentement, elle n’a pas la moindre once de méchanceté en elle.

Il caresse ensuite son encolure et Petroleum se redresse, aux anges. Il sourit : il aimerait pouvoir passer plus de temps avec elle mais ses journées sont très calibrées. Il revient donc quelques minutes plus tard, un licol à la main. Il le pose sur sa délicate tête très bien dessinée puis il fixe une longe. La brune dont le front est auréolé d’une large pelote s’étonne un peu néanmoins, ce n’est pas la première fois que le gamin utilise ce drôle d’objet. Elle a confiance en lui et, lorsque la longe se tend, elle se met en route. Elle semble ravie de sortir de son box. Ses petits sabots claquent sur le sol des écuries et l’on pourrait presque croire qu’elle danse tant elle se montre légère et délicate. Une véritable ballerine en devenir, bien loin de l’image pataude qui colle pourtant aux jeunes poulains.

Comme il fait terriblement beau aujourd’hui, le gamin décide de la mettre à l’attache dehors. Il la surveille à chaque instant : il ne faudrait pas qu’elle prenne peur et qu’elle ne se mette à tirer au renard. Il guette donc chaque signe de stress. Mais ces derniers ne viennent pas : Petroleum est bien trop curieuse du monde qui l’entoure pour se soucier d’être loin des autres chevaux de l’écurie qui sont ses congénères. Elle tente, à plusieurs reprises, d’attraper le seau de brosses. Le môme rit mais la rouspète un peu, juste pour la forme. Aujourd’hui, la belle a le droit à un beau pansage. Il attrape une étrille en caoutchouc, très souple. Avant de la passer sur son corps, il prend le temps de la lui présenter. La Hollandaise regarde l’objet avec intérêt et tente, bien rapidement, de s’en saisir. Le môme sourit et décide qu’il est temps de la brosser. Il ne la passe que sur les parties les plus charnues de son corps : croupe, flancs, épaules. Il n’insiste pas de trop : il sait que le bouchon suffira à la débarrasser du gros de la saleté.

Il change d’ailleurs de brosse. Petroleum commence un peu à s’ennuyer. Il décide donc de passer à la vitesse supérieure. Il repasse le bouchon sur les mêmes parties auxquelles viennent s’ajouter les membres, le haut du dos, l’encolure et le poitrail. La belle petite princesse se laisse faire et savoure même ce qu’elle assimile à un massage lorsqu’il vient brosser son poitrail. Pour la tête, il réserve la brosse douce dont l’utilisation passe comme une lettre à la poste. Il sourit, content. Il rince les muqueuses de la petite jument brune à l’aide d’éponges qu’il prend soin de nettoyer entre chaque passage.

Pour clore cette séance de nettoyage, il sort de sa poche un petit peigne et fait mine de s’occuper de la crinière de la brunette. Cette dernière n’est pourtant pas assez fournie pour espérer en tirer quoique ce soit. Le gamin sourit : il sait déjà que Petroleum sera une très jolie jument et il est persuadé que, dès lors qu’elle sera mise en vente, elle ne restera pas bien longtemps aux écuries. Son coeur se serre : il aurait aimé, rien qu’une fois, pouvoir aller du débourrage au début sur les grosses épreuves d’un cheval né chez eux. Mais cette chance va lui passer sous le nez, encore. Il maugrée. A cet instant, la belle Hollandaise tourne sa tête vers lui. Ses yeux sont noirs et profonds. Il sourit : il se rapproche d’elle et caresse avec douceur son chanfrein encore un peu court. Pour clore cette séance, il fait glisser sa main sur chacun de ses membres pour venir soulever ses pieds, un à un. La belle est déjà plus réceptive que la veille et, à ce rythme, nul doute que bientôt, elle deviendra la délicate et tendre jument à laquelle tout le monde s’attend.

La journée du môme est néanmoins chargée et, à contre-coeur, il se résigne à défaire le noeud de sa longe. L’encolure redressée et la tête portée haute, Petroleum marche avec allure dans l’écurie, hennissant régulièrement, comme pour attirer l’attention des siens. Le gamin sourit : la présence de la brunette lui manquera lorsqu’elle sera partie vers d’autres horizons. Mais il sait qu’ici, les choses marchent ainsi et il ne peut pas réellement lutter contre.