Après une dizaine de journées de repos pour Millénaire, parsemées de soins et de rations complémentées en huiles essentielles, il était enfin temps pour lui et Jazz de se remettre tout doucement dans le travail. Une fois sortis des écuries, l’étalon fin prêt à être monté, sa cavalière se mit en selle avant de le diriger vers l’arrière du haras afin d’emprunter le chemin de balade menant à la forêt. Un trotting leur ferait le plus grand bien, autant physiquement que mentalement. Les jours, de plus en plus courts, forçaient Jazz à boucler ses plannings quotidiens avec plus de rapidité et elle se sentait plus fatiguée que jamais. Le rythme effréné de son colocataire et meilleur ami, Bailey, sur lequel elle se calait involontairement, n’était pas non plus pour aider à palier à son manque de sommeil. Soupirant, elle flatta l’encolure de sa monture qui observait les alentours avec curiosité, le pas vif et les oreilles dressées vers les arbres qui se présentaient déjà à l’horizon. Elle attendit qu’ils aient passé les premiers arbres avant de solliciter sa monture à prendre le trot. Se levant puis reposant les fesses dans sa selle en suivant le mouvement du diagonal droit tout d’abord, adaptant la cadence de son étalon dans une allure de travail ni trop lente mais surtout, ni trop rapide, de manière à ce qu’il économise un maximum d’énergie pour l’effort qui l’attendait. Jazz profita de leur petite sortie en extérieur pour se concentrer quelques temps sur sa position. Ajustant sa descente de jambes et assouplissant ses genoux, elle alterna plusieurs foulées en équilibre puis au trot enlevé. Soucieuse d’épargner le dos de Millénaire avant qu’il ne soit pleinement échauffé par ce temps froid et venteux, elle laissa de côté le trot assis et répéta l’exercice trois ou quatre fois avant de repasser progressivement au pas. Leur accordant un moment de repos pour souffler, la brunette en profita pour diriger son cheval vers une flaque sur le bord du chemin afin de tester sa réaction. Peu impressionné, l’étalon y approcha ses naseaux avant d’expirer fortement sur la surface et d’y plonger les membres. Il joua quelques secondes en tapant son antérieur dans le liquide puis s’en désintéressa presque aussitôt, arrachant un petit rire à sa cavalière qui lui fit reprendre le pas.
Après quelques mètres, le couple se remit au trot de travail. Jazz se rythma sur le diagonal gauche cette fois, puis entreprit de demander à l’étalon un peu plus d’impulsion, prenant garde à ce qu’il engage bien ses postérieurs pour le faire venir un peu sur la main. Millénaire montra tout d’abord sa désapprobation en secouant nerveusement la tête, puis il finit par céder lorsque sa cavalière referma les doigts sur les rênes tout en l’incitant à engager l’arrière main à l’aide de ses jambes. Une fois dans une position de confort, elle lui fit réaliser plusieurs transitions intra-allures allant du trot en extension jusqu’à un semblant de rassembler, bien plus compliqué à réaliser pour le pur sang. Ce dernier ne rechigna cependant pas et elle laissa finalement glisser les rênes en guise de récompense afin qu’il puisse s’étendre et étirer son dos. Portant finalement son attention sur le paysage plutôt que sa monture, Jazz prit conscience qu’ils avaient fait une boucle et se retrouvaient à présent non loin du haras. Un bref coup d’oeil à sa montre lui apprit qu’ils étaient partis depuis une bonne demie-heure : cela suffisait largement, d’autant plus pour une reprise après dix jours de repos. Caressant longuement l’encolure de Millénaire, elle le repassa au pas tandis qu’il redressait de nouveau les naseaux vers l’horizon, hennissant à l’encontre de ses congénères broutant tranquillement dans les prairies alentours.
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De retour en selle #2
Le couple, à l'heure malgré le retard de Bailey, rejoignit les quelques autres cow-boys perchés sur leurs montures respectives et avec qui ils travailleraient aujourd'hui. L'un d'entre eux se moqua gentiment de la taille de Dreamer ainsi que de sa robe immaculée, gagnant en retour une réponse moqueuse ce qui eut pour effet de faire rire l'ensemble du groupe, les concernés y compris. Le ton donné, la troupe se mit en route. Il était à présent neuf heures et il leur fallait se dépêcher s'ils espéraient atteindre le troupeau avant midi. La journée promettait d'être longue et éreintante.
La première partie du chemin se fit ponctuée d'éclats de voix. Bailey prit des nouvelles de ses camarades puis conta une énième fois son dernier accident en date, celui-là même qui l'avait éloigné des pistes de rodéo. T'es trop vieux pour ces conneries, railla l'un de ses compagnons, à quoi il répondit que, lui au moins, pouvait encore se mettre à cheval tout seul. Tous éclatèrent à nouveau de rire avant de partir dans diverses discussions. Il sourit tout en caressant l'encolure de sa toute nouvelle monture, il était ravi d'être de retour parmi cette petite bande de cow-boys et au travail sur un cheval plutôt que sur ses deux pieds à réparer des clôtures toute la journée. Lorsqu'ils décidèrent d'un commun accord de passer au trot pour gagner un peu de temps, Dreamer sembla s'éveiller, tournant les oreilles vers son cavalier à l'écoute de ses ordres. Détendu, il lui fit suivre le mouvement, d'abord surpris par la réactivité de la jument avant de se reprendre pour se caler confortablement au fond de sa selle. La réaction de la paint le fit réfléchir et il profita du reste du chemin pour tester quelques choses avec elle. Posant la rêne gauche sur son encolure, elle dévia systématiquement sa trajectoire du côté opposé et réitéra la même chose en quelques secondes lorsqu'il essaya la même chose avec sa rêne droite. Bailey prit conscience qu'il lui faudrait doser ses aides avec soin s'il ne voulait pas partir en spin en plein milieu du troupeau. Dreamer semblait du genre à connaitre son travail mais surtout ce qu'elle devait exactement faire en fonction de la position de son cavalier. Trier le bétail s'avérerait surement être un jeu d'enfant pour elle, à condition que le cow-boy sur son dos se montre à la hauteur de sa finesse. Ainsi prévenu, le trentenaire devint impatient à l'idée de la voir au milieu du bétail et fit inconsciemment accélérer la cadence.
Le groupe fit une halte peu avant midi lorsqu'ils trouvèrent les premières traces du cheptel qu'il leur faudrait acheminer vers les pâturages d'hiver puis trier en vue de faire identifier les naissances survenues plus tôt cette année. Après une courte pause déjeuner, il leur fallut encore un bon trois quart d'heure avant d'apercevoir les vaches au loin. Dreamer redressa la tête, soufflant des naseaux à leur approche, visiblement curieuse bien que semblant un peu intimidée au premier abord. Elle se laissa cependant aller au rythme de ses congénères plus expérimentés en la matière et porta de nouveau son attention sur Bailey, prête à exécuter ses ordres dans la seconde. Le couple se dirigea vers un veau un peu trop éloigné, l'abordant de manière à ce qu'il retourne vers les autres. Coincé entre la jument et un fin cours d'eau, il finit par se décider à rejoindre sa mère au petit galop après un moment d'hésitation, suivi sur quelques mètres par le cow-boy l'aidant à s'orienter. La paint parut plus nerveuse aux côtés des spécimens adultes, décision fût donc prise qu'ils fermeraient la marche pour lui laisser l'occasion de s'y habituer sans en être forcément très proche. La descente vers l'enclos se fit dans le calme. Au bout d'une heure ou deux, Dreamer s'était finalement prise au jeu de l'acheminement de bétail et, la main de Bailey tenant les rênes posée sur le pommeau, elle s'affairait d'elle-même à corriger la direction d'une vache récalcitrante à l'idée de suivre le mouvement.
L'après-midi touchait déjà à sa fin lorsqu'ils atteignirent finalement l'enclos. Bailey s'étira depuis le haut de sa selle, il leur restait encore du travail à faire malgré la fatigue qui tombait doucement sur cow-boys comme chevaux. De nouveau, la paint eu l'occasion de mettre à profit ses toutes nouvelles connaissances en cutting, Bailey traversant le troupeau à la recherche des veaux n'ayant pas encore leur étiquette pendue à l'oreille afin de les séparer. Observatrice, Dreamer devança l'un d'eux qui essayait de faire demi-tour, se campant sur ses postérieurs et mouvant son avant-main à gauche pour le bloquer, prête à bondir de l'autre côté au besoin. Son cavalier la félicita de la voix tandis qu'ils firent avancer le fuyard avec le reste des derniers nés. Ils répétèrent l'opération de nombreuses fois, épaulés par les autres couples s'affairant aussi au milieu du troupeau. La tête lourde, Bailey n'aspirait plus qu'à retrouver le confort de son lit lorsque le tri fût terminé, l'agitation retombant pour laisser place à la fatigue. Il mit pied à terre, laissant échapper un soupire de soulagement puis étira longuement ses jambes avant de se diriger vers les écuries. Il lui fallait encore s'occuper de sa monture pour pouvoir aspirer à finalement rentrer chez lui.
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