Box de Finnian

Il est bien connu que passer un moment sans poser ses fesses sur une selle fait rapidement régresser. Si l'équitation ne s'oublie jamais complètement, ce n'est pas tout à fait comme le vélo. Mon cheval étant actuellement en convalescence, il me semblait toutefois évident que ce n'était pas une raison valable pour se laisser complètement aller et « prendre des vacances ». Au contraire, loin de relâcher mes efforts, il m'était apparu que prendre quelques cours avec un coach ne pourrait pas me faire de mal. Cela fait bien longtemps que je n'avais pas prit de cours avec qui que ce soit – en fait, depuis le jour où j'avais atteint un niveau suffisant pour travailler seule. Autrement dit, plusieurs années. A l'époque, travailler seule était pour moi la meilleure option possible : choisir mes séances, choisir mon rythme, pas de contraintes d'horaires, plus économique... Et la liste s'allongerait encore. Malgré tout, il est véridique que seul, difficile de jauger son niveau, ses faiblesses, et progresser. Et pour le coup, cela faisait effectivement quelques temps qu'il me semblait stagner, purement et simplement...
On m'avait alors attribué un cheval, du nom de Finnian. Un jeune étalon tinker, de réputation facile et très gentil. Parfait ; voilà qui change de mon amour de bombe à retardement. J'avais trouvé le cheval dans son box, plutôt tranquille voir nonchalant. Il était de taille moyenne, mais d'une beauté rare. J'ai toujours eût un faible pour les chevaux de couleur, et en l’occurrence, je me trouvais face à un splendide pie, aux crins longs et soyeux qui rappelait les chevaux de Barbie que je collectionnais dans mon enfance.
Nous avions fait connaissance tranquillement au box. Et laissez-moi vous dire que c'était un véritable amour. Du genre force tranquille, patient et agréable. Un totem de gentillesse. Même lorsqu'il m'écrasa maladroitement le pied de tout son poids, il le fit d'une douce manière.

Finnian sellé et moi équipée, nous descendons donc dans la carrière. On m'avait déjà prévenue de commencer la détente seule en raison d'un léger retard sur les cours précédents. Pas de soucis, niveau détente, je devrais gérer. Une fois dans mon installation, je trouve un montoir et grimpe sur le dos du petit géant – si si, ça se dit. Encore une fois, celui-ci ne bronche pas. Nous démarrons donc notre détente sans nous presser. Un peu de pas, un peu de trot, un peu de galop. Des changements de mains en veux-tu en voilà. Des transitions montantes, descendantes, dans l'allure... Pour le coup, Finnian est un véritable mou comme je les aime. Pas pressé, traînant les pieds, pas regardant... De ces chevaux que j'aime appeler « assurance vie », tant ni le vice ni l'énergie mal placée ne les caractérisent. Autant dire que pour un premier contact avec un autre cheval sous la selle, me voilà plutôt rassurée. D'autant qu'aujourd'hui, on m'a prévenu d'un travail sur les barres.
Et, est-ce que je vous ai déjà parlé de ma peur panique à l'obstacle ? Non ? Il n'est jamais trop tard. Cette peur est née il y a bien longtemps, après une multitude de chutes, toujours à l'obstacle. Des plus simples aux plus compliqués, en carrière comme sur le cross. Je ne suis jamais autant tombée que sur ces disciplines. Tant et si bien que ce qui au début n'était qu'une légère anxiété tout à fait contrôlable a fini par se muer en véritable peur panique. Et il y a des années que je n'ai pas passé la moindre barre, hormis bien sûr mes amies les barres au sol.
Autant dire, donc, que je n'étais pas particulièrement enthousiaste pour cette heure de cours.

Notre coach était arrivé, et nous avait fait détendre sur des barres au sol, avant de nous installer des cavalettis. D'après lui, travailler sur ceux-ci serait une excellente façon de travailler pour tous les deux : pour me faire reprendre confiance, mais aussi pour forcer Finnian à lever un peu les pieds. Il est vrai que sur le plat comme sur les barres aux sol, le cheval, bien qu'adorable, traînait un peu les pieds, et trébuchait souvent. Il avait du mal à caler ses foulées, et trouver son équilibre. Toutefois, cela ne me dérangeait pas. J'avais un cheval docile, et ses trébuchements incessants n'avaient pas – ou très peu – de répercussions sur mon propre équilibre.
Nous franchissons plusieurs fois un cavaletti isolé, afin de surtout se concentrer sur l'abord, et la réception. Je prends peu à peu confiance, sûrement grâce à la vitesse très moyenne, et surtout aux hauteurs peu élevées, qui ne me font pas me sentir soudain minuscule ou incapable. L'exercice se passe bien. Nous le réalisons au trot tout d'abord, au deux mains, puis au galop. L'étalon pie est un peu balourd, ce que je trouve terriblement mignon. Il est certain que ce n'est pas son exercice de prédilection. Néanmoins, il est plein de bonne volonté, et l'on voit qu'il fait clairement de son mieux pour passer la barre sans encombre. Notre coach nous installe ensuite un petit enchaînement. Et quand je dis « petit », je veux véritablement dire tout petit. Nous restons sur les cavalettis, mais ceux-ci sont disposés de sortes à ce que l'on doivent faire trois foulées entre . En sommes, c'est un chouette exercice d'assouplissement, tant pour moi que pour ma monture. Je réapprend les bons gestes, et surtout la bonne position.
La suite s'effectue sur des obstacles de petites tailles, le parcours se décomposant en une croix, suivie de deux verticaux, terminé par un petit oxer. Le tout à des hauteurs vraiment pas faramineuses. Libérée du stress, je prends le temps, et m'applique à bien décomposer ma position à l'abord comme à la réception. Mine de rien, ça fait travailler l'assiette – et les abdos par la même occasion. Je me détends, essaie de ne pas me crisper sur les rênes. Finnian touche un peu les barres de temps à autres, mais rien de méchant. Pour lui aussi, c'est un véritable exercice de concentration. On le voit décomposer ses mouvements, parfois un peu gauche, souvent déséquilibré, mais toujours partant et appliqué. Certes, il faut user un peu de tout ce qui est à disposition pour le pousser dans une cadence correcte, mais rien qui ne puisse me déplaire ; et il est tellement adorable qu'on ne peut tout simplement rien lui reprocher.

Après la séance et une petite marche tranquille pour le cheval, je ramène le tinker au box, le desselle, et le panse à nouveau. Je ne peux me décoller de l'étalon. Et il semblerait que ce soit réciproque. Pot de colle, extrêmement câlin, le splendide pie n'a de cesse de quémander plus de grattouilles. C'est un peu secrètement que j'espère le retrouver pour d'autres cours. Certes, ce n'est pas sur ce genre de cheval que l'on progresse à haut niveau, et j'ai entendu ça durant toute ma vie de cavalière. Mais c'est sur ce genre de monture que l'on se fait vraiment plaisir. Et pour l'heure, je ne peux parler que de plaisir et de sérénité retrouvée.