Box de Lennox

Il était encore tôt lorsqu’une longue berline noire vient se garer sur le parking du Haras. L’homme qui la conduit se hâte de descendre pour mieux ouvrir la portière arrière. Une élégante femme en descend. Elle n’est plus de première jeunesse pourtant, sa silhouette est élégante. Son regard est caché par des verres de lunettes fumés mais ses cheveux blancs sont comme un éclat de lumière qui la couronne. Elle remercie chaudement l’homme qu’elle semble bien connaître puis elle se dirige vers les écuries. Elle semble connue comme le loup blanc au Haras et nombrons sont ceux à la saluer. Avenante et sympathique, elle trouve un mot gentil pour tout le monde. Elle en questionne certains sur leur semaine et leurs enfants, comme pour se tenir au courant des évolutions de leur vie.

Un bon quart d’heure plus tard, elle arrive enfin devant le box de Lennox. Le bel étalon est de taille moyenne. Sa robe blanche est pommelée de tâches plus sombres et harmonieuses. Robin sourit : elle aime dire qu’il est de cendres. La soigneuse qui s’en occupe sursaute en se rendant compte qu’elle est déjà là mais que le jeune étalon n’est pas prêt.

« Je suis désolée, je vais me dépêcher, je … »

« Ne vous inquiétez pas, Mélissa ! Nous avons parfaitement le temps de nous occuper de lui et surtout, j’ai envie de vous aider maintenant que je suis là. Vous lui graissez les pieds pendant que je le pionte ? »

La jeune soigneuse semble surprise mais elle s’exécute. Elle s’éloigne quelques instants pour prendre ce dont elle a besoin. Robin en profite pour se rapprocher doucement du joli mâle. Lennox tend ses oreilles dans sa direction. Ils ne sont pas des étrangers l’un pour l’autre. La femme aime la façon dont il a d’être proche des hommes. Elle prend donc le temps de le caresser comme de lui parler. Elle est satisfaite de ce dire qu’ainsi, elle participe un peu à le rendre heureux.

Lorsque Mélissa revient, Robin se tient déjà sur le petit tabouret. Elle a séparé les crins blancs de l’étalon en plusieurs mèches de même taille. Avec application, elle réalise une natte très serrée. Elle reproduit l’opération autant de fois qu’il y a de séparations. Une fois toutes les nattes faites, elle les recompte pour vérifier que le chiffre final soit impaire. C’est un détail mais comme tous, il a son importance. Robin a retiré ses lunettes : son regard est d’un bleu électrique. Elle jette un coup d’oeil discret vers Mélissa et sourit. Elles seront à l’heure.

Elle revient au plus près de la nuque de Lennox et attrape la première natte qu’elle enroule sur elle-même. Munie de deux élastiques blancs, elle les noue autour du pion, en serrant le plus possible. Elle enchaîne ce même mouvement et, en quelques minutes, toutes les nattes sont enroulées en pions. Ils ne sont pas si terribles : de même taille et bien répartis sur l’encolure du gris, ils feront l’affaire pour le concours interne d’aujourd’hui. Robin sourit : elle aime que les choses aillent dans son sens. Elle prend le temps de caresser Lennox et même de lui offrir une carotte puis elle aide Mélissa et les deux femmes terminent les derniers préparatifs en quelques secondes.

« Pouvez-vous me le garder le temps que j’aille me changer ? »

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Le chef de paddock appelle le numéro de dossard de Robin. Lorsque Lennox et elle passent devant lui pour se présenter, il la reconnaît. Son visage s’illumine et ils se saluent finalement comme de vieux amis. Robin serre ses talons sur les flancs de Lennox qui part au trot. Elle sait qu’il peut se montrer susceptible. Il faut être patient avec lui pour espérer en tirer le meilleur. C’est entendu. Le couple fait le tour du rectangle et Robin les présente aux trois juges. Ils entrent finalement sur la piste. En X, le couple s’immobilise et, après avoir attendu trois secondes, Robin salue les juges d’un ample geste. Lennox tourne une oreille vers elle mais se retient de tout mouvement. Les talons de la cavalière embrassent de nouveau les flancs du mâle qui repart dans un joli trot aérien. Discrètement, Robin caresse son épaule et sourit. Le soleil est au rendez-vous. En C, le couple prend la piste à main gauche.

Ils entrent immédiatement dans le vif du sujet. En S, ils s’installent ainsi sur un cercle de dix mètres. Les aides de Robin sont discrètes et, surtout, elle prépare bien en amont l’incurvation, afin de ne pas prendre en traître Lennox et donc, de lui laisser tout le temps de se préparer. Elle ne veut surtout pas le brusquer. Le mâle semble attentif et il vient ployer son col avec élégance, s’enroulant autour de la jambe de sa cavalière sans la moindre résistance. En E, le couple double pour changer de main et de nouveau, ils dessinent sur la piste de sable blanc un cercle de dix mètres. Robin caresse discrètement le mâle qui renâcle.

Ils retrouvent la lettre A et doublent au même instant, Lennox faisant l’effort de rentrer son postérieur intérieur sous sa masse et donc, de marquer l’angle du mieux possible. Le visage de Robin s’illumine à nouveau. Malgré son âge, elle est rayonnante et inspire la sympathie à tous ceux qu’elle croise. Elle le sait aujourd’hui et souvent, sa vie lui a commandé de s’en jouer. Mais aujourd’hui et surtout au Haras, elle sait qu’elle peut se montrer sincère et être enfin elle-même. Elle aime cet endroit et en profite à chaque visite.

En D, Lennox et elle entament une cession à la jambe. La cavalière veille à ce que les épaules du gris précèdent légèrement ses hanches. Elle presse plusieurs fois la sangle de l’étalon pour remettre un peu d’activité dans son arrière-main. Lorsqu’ils touchent à nouveau la piste, ils prennent le galop. Le départ est franc et Lennox monte une allure déliée et toujours aussi aérienne, agréable à voir. Malgré sa taille relativement modeste, le jeune mâle est proportionné de telle sorte à ce qu’il ait une image assez élancée, ce qui fait de lui un beau modèle. Arrivés à la lettre R, le couple dessine un cercle de quinze mètres à droite. En P, ils enchaînent sur un cercle de vingt mètres au galop moyen. Lennox est bien équilibré et il s’applique. La présence d’un public nombreux autour de la carrière ne semble pas l’inquiéter. Droit dans ses bottes, il s’en tient à ce qu’il sait faire et il déroule sans accroc la reprise que dessine sa cavalière.

Robin, il l’aime bien. Il la sait exigeante mais il sait aussi qu’elle est juste. Elle monte avec une certaine douceur et, surtout, elle ne lui impose jamais rien de trop complexe. Il lui fait confiance. Il sait qu’elle le mènera avec justesse. Le couple repasse ensuite au galop de travail et reprend finalement le trot en A. De V à M, ils amplifient un peu leur allure pour qu’elle puisse être là encore qualifiée de moyenne. Jusqu’en C, ils conservent le trot. Robin commence néanmoins à se grandir dans sa selle et à se contacter : elle prépare l’arrêt du mâle. Lorsqu’elle stoppe son bassin et qu’elle referme ses doigts sur les rênes, Lennox a eu le temps de se préparer à l’exercice. Il obtempère et s’immobilise au carré, droit sur ses aplombs. Robin sourit de toutes ses dents. Elle est merveilleuse de joie et elle semble rajeunir à vue d’oeil.

Après cinq belles secondes d’arrêt, le couple reprend finalement le pas. La suite de la reprise n’es que le parfait miroir de la première partie qu’ils viennent de dérouler sans erreur. Robin reste vigilante durant toute la durée de la reprise et plus l’étalon avance et plus elle prend confiance en eux. Ses gestes s’effacent de plus en plus et elle se transforme enfin en l’instrument. Elle n’est là que pour soutenir l’effort de Lennox qui se prend à son tour au jeu. L’encolure ronde et les postérieurs engagés sous sa masse, le bel Hanovrien a fière allure en dresseur. Il sillonne le rectangle avec aisance et élégance. Certes, le niveau de la reprise n’est pas des plus élevé néanmoins, le gris semble prometteur.

Le couple revient sur le double AC et marque un arrêt final en I. Robin attend encore quelques secondes avant de saluer les juges. Elle lâche alors ses rênes et se penche en avant pour prendre dans ses bras l’encolure humide de sueur du joli gris. Elle est radieuse et s’ils quittent le rectangle, ils se font hélés à la sortie de la carrière. Robin sourit cette fois comme une jeune adolescente : elle vient de reconnaître la silhouette de son époux. Il s’approche d’elle à grands pas et la félicite. Une main sur sa cuisse, il se hisse sur la pointe des pieds et Robin se penche jusqu’à lui. Ils échangent un bref baiser mais ils donnent encore cette image d’un jeune couple passionné qui ne se connaîtrait que depuis quelques mois.

« Félicitations, vous étiez resplendissants ! »