Première rencontre
“We only part to meet again.”
On dit souvent que l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt... autant dire qu'Owen ne partage pas cet avis, plutôt du genre à travailler la nuit et dormir la journée. Enfin pour une fois, le jeune Franco-Américain avait une bonne réponse de traîner du pied : de longues heures de vol derrière lui et ces jolies cernes bleues le trahissaient. Mais le jeu en valait la chandelle : intégrer les écuries du Haras de Pado. Domaine réputé pour ses installations de qualité et jouissant d'une réputation à toute épreuve dans le sport équestre. La crème de la crème.
Une chose est sûre : tout était différent ici, le climat, les personnes, les paysages, même l'air semblait différent. Sans parler de la nourriture. Dans un élan de courage inattendu, Owen se décide enfin à se lever pour prendre la direction des écuries du Haras, chaudement habillé de la tête aux pieds. Un froid glacial accompagné d'un épais brouillard recouvre le domaine. On ne voit pas à plus de quelques dizaines de mètres. Owen adore le brouillard, il trouve que cela à quelque chose de rassurant, cette brume épaisse qui a le don pour apaiser les endroits. En guise de compagnie aux bruits de ses pas, quelques oiseaux se disputant des brindilles pour solidifier leurs nids et les ronflements de quelques chevaux se trouvant dans les paddocks, chaudement recouverts eux-aussi par des couvertures, profitant de la rosée pour dénicher les brins d'herbes les plus savoureux.
Dommage, le temps ne permet pas de voir les installations mais nul doute qu'Owen aura l'occasion d'en profiter prochainement. Poussant les portes des écuries, le jeune homme s'enfonce maintenant dans les écuries, son regard s'attardant sur les quelques têtes curieuses qui dépassent des boxes. Il y a vraiment un grand éventail de couleurs, de races et surement de caractère. L'odeur du foin lui chatouille les narines. Les boxes ont été faits récemment. Après quelques pas, Owen s'arrête devant un box, son regard posé sur la plaque du box.
- Ozaro...
C'est le cheval qu'Owen avait choisi, rester maintenant à voir si Ozaro choisirai aussi Owen.
Du regard, le jeune homme parcourt le corps de l'étalon : même sous la fine polaire que porte le beau bai, on devine une ossature imposante et une musculature bien développée. Un vrai sportif malgré son jeune âge. Un dos pas trop long, un poitrail large mais surtout des articulations qui semblent solides. Quand on connait la violence du cross, mieux vaut partir sur un cheval costaud niveau membre, les "crevettes" sont rares. Une encolure bien faite avec juste ce qu'il faut de muscles. Dans l'ensemble, un superbe cheval à la morphologie polyvalente comme on les aime en complet : ni trop fin pour tenir sur un cross, si trop lourd pour terminer les reprises de dressage. Enfin, Owen s'attarde sur la tête de l'étalon : des ganaches assez marquées et de grandes oreilles, typique du standard des SF. Et un regard respirant bienveillance et espièglerie.
- Bonjour...
L'accent douteux mi-américain mi-français d'Owen n'avait pas l'air de déranger le beau Ozaro qui se décida à identifier ce visiteur à la porte de son box en s'approchant.
Owen tend sa main en direction de l'étalon, lui laissant le choix du premier contact. On parle souvent du consentement chez les humains mais rarement chez les animaux. C'est vrai, quelle idée d'imposer un contact à un être vivant quel qu'il soit. Ozaro renifle doucement cette main inconnue tendue vers lui puis attrape avec délicatesse l'un des doigts d'Owen pour jouer avec. Rien de méchant, juste de la curiosité. Owen tira un quartier de pomme de sa poche gauche, la montrant au bai avec son autre main.
- C'est ça que tu as senti ?
Aussitôt, toute l'attention d'Ozaro se focalisa sur ce petit bout de pomme. Il ne lui en faut pas plus pour franchir le dernier pas qui le sépare d'Owen, essayant déjà de chiper le bout de pomme sans avoir eu l'autorisation. Au moins, cela avait le don de faire sourire Owen.
- Doucement garçon !
Une fois le quartier de pomme avalée, Ozaro se mit à fouiller les poches d'Owen sans grande délicatesse, espérant y trouver une autre friandise. Owen le repoussa gentiment du bout des doigts et en profita pour caresser l'encolure chaude de l'étalon. Quelle agréable sensation avec ce froid polaire dehors ! Quel cavalier n'a jamais glissé ses mains sous la couverture ou le tapis de son cheval en hiver ?
Owen décide de passer l'heure suivante dans le box du beau bai après avoir déposé son écharpe sur la porte du box. Durant cette heure, il tente de découvrir les endroits à grattouilles préférés d'Ozaro, s'il est chatouilleux, s'il n'a pas de douleur sous le regard curieux et intrigué de l'étalon. Rien à signaler, peut-être un peu chatouilleux au niveau du passage de sangle mais vraiment léger.
- Bon, tout me semble parfait, si ça te dis mon grand la prochai...
Owen n'eut pas le temps de terminer sa phrase, surpris par le fait qu'Ozaro venait de subtiliser son écharpe et s'amuser à jouer avec, la faisant accessoirement traînée dans le foin et la paille.
Le jeune homme usa de nombreux stratagèmes avant de réussir à récupérer son écharpe pleine de bave, de foin et de paille. C'est vrai qu'on l'avait prévenu qu'Ozaro était encore un grand poulain et qu'il ne fallait rien laisser traîner. Ça lui apprendra pour les prochaines fois. Tout en enroulant son écharpe avec ses mains, Owen souffla lentement, cette histoire aurait pu être plus grave. Pour le bien de son nouveau petit protégé, il se devait d'être doublement vigilant à l'avenir.
- Je disais donc, gros gourmand, qu'à ma prochaine visite on ira faire une petite marche en main à l'extérieur.
Autant créer une relation à pied avant la relation montée. Le travail et la confiance à pied sont indispensables à une bonne alchimie d'un couple cavalier-cheval. Et autant profiter des somptueuses forêts qui entourent le domaine ! Ozaro ronfla en fixant Owen des yeux, comme pour acquiescer à cette sortie inhabituelle.
Après une ultime caresse sur le chanfrein du bai, Owen se décida enfin de quitter les écuries. Des pensées se bousculant dans sa tête : aucun doute sur le fait qu'Ozaro est un cheval génial en plus d'être un petit farceur, rester à voir leur évolution sur l'avenir. Il lui tarde de découvrir ce que lui réserve ce petit bout de cheval au grand cœur.
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