Rond de longe - Touns

Nez vers le bas, la jument marche en étendant son dos. Cela ne fait pas longtemps que tu l'as au travail, mais physiquement elle a déjà évolué. Son passé de poulinière est révolu, le naturel est revenu au galop: elle ressemble à une vraie jument de sport. Désirée peine à relever ses abdos, alors pour l'aider lors de cette séance, tu lui as mis un surfaix avec un gogue. Par ailleurs, du gras s'attarde encore au niveau de ses épaules, hors tu as bien espoir qu'il se transforme bientôt en muscles. Tu claques de la langue en lui demandant le trot, elle s'exécute, mais proteste par un mouvement de tête agacé.

Oui, elle se fait belle, toutefois vous peinez encore à trouver un terrain d'entente lorsque tu la montes. Désirée sait appuyer là où ça fait mal, ton égo en prend toujours un coup et lorsque l'on te pousse dans tes retranchements cela se termine rarement bien. Ton coach ne cesse de te répéter au sujet de la jument, qu'elle va tout t'apprendre, mais certainement pas l'inverse. Des erreurs tu en fais, comme tout le monde, c'est assez dur de le reconnaître, alors si ta binôme pouvait parfois être plus tolérante... Tu as déjà ton père pour jouer le rôle de l'éternel insatisfait. Tu affiches un sourire amer et réclame l'allure supérieure. La jument lève les postérieurs, se jette en avant en t'arrachant à moitié la longe des mains, elle te transperce d'un regard assassin et tu devines facilement ce qu'elle pense: Adrien, je n'ai que faire de tes problèmes, concentre-toi !

Suite à ce rappel à l'ordre, tu te ressaisis un peu. Admirant les allures rebondissantes de la baie. Elle est si harmonieuse, tu ne t'en lasseras certainement jamais. Pas-trot-pas-trot-galop. Tu répètes toujours les mêmes ordres, en variant la taille des cercles et les allongements. Désirée déroule le tout de façon monotone. Cela l'ennui certainement, hors sans encadrement tu n'oses pas la monter, du moins pas pour l'instant, tout est encore trop frais entre vous. Puis, des fois, c'est bien de ne pas provoquer de conflit. Tu l'as fait s'arrêter, lorsque tu t'approches d'elle, ses oreilles se plaquent en arrière. Le nez froncé, elle fait claquer sa queue de manière mécontente et lâche un léger couinement. En accrochant la longe de l'autre côté, tu lèves les yeux au ciel, décidément c'est une vraie fille celle-là !

À main gauche, cela semble plus compliqué pour elle. Tendue, elle garde un port de tête haut et peine à faire des allongements. Peut-être qu'une séance d'ostéopathie lui ferait le plus grand bien. Rien d'anormal après tous les changements dans son corps en peu de temps. Lorsque tu demandes le galop elle part à faux et quand elle ne le fait pas, elle change de pieds au bout de deux-trois foulées. Tu soupires et n'insiste pas plus, te contentant plutôt de ce qu'elle peut t'offrir à l'allure inférieure. Elle fournit des efforts considérables, son souffle se fait plus bruyant, saccadé. Sa peau commence à être trempée, de l'écume entour la commissure de ses lèvres.

Tu l'as fait s'arrêter. Méfiante, elle ne se montre guère plus aimable que la première fois. Ta main se pose sur son encolure, elle envoie les dents, mais d'un mouvement de doigt tu l'as stop dans son élan. Étonnamment sans public, tu te montres plus patient, au fond elle t'agace autant qu'elle t'amuse. Tu la détaches, puis recules. Dubitative, Désirée te darde du regard, ne comprenant pas bien ce que tu attends d'elle. Impatiente, elle tape le sol avec son antérieur, puis sursaute, s'attendant certainement à être reprise. Rien? Hésitante, elle renifle le sol, gratte de nouveau. Tu esquisses un sourire. Fière, elle te tourne le dos et ramènes ses longues jambes sous son corps. Avec grâce, elle se laisse alors tomber au sol.

Dans un grognement, elle se relève, puis répète son schéma, afin de se tartiner le deuxième côté de son corps. Lorsqu'elle se remet debout, elle s'ébroue, un nuage de poussière l'entoure un instant et retombes au sol. Elle te regarde avec moins d'animosité, mais ne s'approche pas pour autant et cela tombe bien, car tu n'es pas spécialement pressé de rentrer chez toi. Elle erre dans le rond de longe, du bout des lèvres elle parvient à chiper quelques brins d'herbe à travers la barrière en bois. Aujourd'hui, ce n'était pas grand-chose, mais malgré tout il y a du mieux. Tu dirais même que vous avez avancé. Finalement, peut-être que vous arriverez au moins à vous tolérer à l'avenir.

Ce court séjour aura mis la jument de bonne humeur, sans pour autant être ingérable, elle a un bon pas. Elle rentre dans le rond de longe sans se faire prier, tu as à peine le temps de te positionner au milieu de la piste, qu'elle est déjà en train de marcher. Désirée n'a qu'un licol plat, elle comprend sa mission, mais reste un peu dissipée. Tête bien haute, oreilles dressées, elle se sent concerné par le moindre bruit et n'est pas vraiment connectée à toi. De toute manière, tu ne lui demanderas pas grand-chose aujourd'hui, c'est juste histoire de la bouger un peu avant un retour à la normale.

Tu fais claquer ta langue et lui demandes le trot. C'est sans enthousiasme qu'elle prend l'allure supérieure. Ses sabots traînent dans le sable, plus d'une fois elle en vient même à trébucher. Mi-amusé, mi-exaspéré, tu orientes la chambrière vers ses fesses. Le message est passé, elle allonge ses foulées. Afin de la garder en action, tu varies la taille de ses cercles. D'elle-même elle varie son allure. Tu captes son attention, son nez plonge vers le sol, elle s'étire, soulageant ce dos qui a été manipulé il y a trois jours. Tu traces un rectangle, sur les longueurs la baie pousse, à un point tel que l'on ne dirait même pas que ses pieds touchent le sol.

Dans un mouvement de tête, elle cherche à t'arracher la longe des mains. Tu la ramènes au pas, afin qu'elle se calme un peu. L'idée n'est pas qu'elle monte en pression toute seule. Ses allongements t'émerveillent, en selle tu les ressens, mais tu ne les vois pas vraiment. Sauf que cela lui coûte, surtout pour une reprise, alors il te faut passer à autre chose. Tu la laisses marcher un moment, elle souffle, de nouveau son encolure s'abaisse. Au trot, elle garde cette attitude, alors tu la passes au galop. Les premières foulées se font le nez en l'air, puis Désirée se remet en place. Elle tient le cercle sur trois tours, elle commence à ralentir au milieu du quatrième, tu cèdes et la laisse tomber dans l'allure inférieure.

Tu restes campé au milieu, tu siffles. Les oreilles de la baie se tournent vers toi, tu répètes la note, elle se redresse, intriguée. Tes doigts se ferment un instant contre la longe, alors elle s'arrête enfin. Respectueuse, elle reste à distance, tu t'approches d'elle, puis la caresses. "C'est très bien ma fille." Ensuite, tu te places de son côté gauche, afin de la travailler à cette main là aussi. Aussitôt, tu te rends compte que l'ostéopathe lui a fait le plus grand bien. Sa démarche est clairement mieux, elle est moins tendue et elle se délie plus facilement. Moins agitée qu'au début, Désirée se plonge rapidement dans le travail.

Tes demandes sont cohérentes, tu as un plan de match dans ta tête et la jument l'exécute sans broncher une oreille. Vous êtes dans votre bulle, tu ne vois pas le temps passer, mais la respiration de ta binôme t'alertes. D'un bref coup d'oeil, tu regardes ta montre, effectivement, la séance commence à traîner en longueur. De nouveau, tu siffles et Désirée s'arrête immédiatement. Tu ne peux t'empêcher d'afficher un sourire ravi, il n'y a pas à dire, vous vous comprenez vraiment de mieux en mieux. Tu l'enlaces, puis déposes un baiser sur son encolure humide. Poussant légèrement le cadre, elle chipe ton t-shirt entre ses dents, amusé, tu ne la réprimandes même pas. Tu la préfères nettement comme ça, plutôt qu'à vos débuts.