Dreamcatcher Ranch - Prairies

INTRODUCTION [1.0]

Lorsque Kylie était arrivée à destination, une vague de souvenirs l'avait frappée. Des souvenirs heureux, de l'époque où elle n'avait même pas dix ans, et où la vie semblait si simple et le bonheur à portée de quiconque tendait la main. Des souvenirs de cet endroit, alors au summum de sa gloire. De son grand-père, souriant, qui la faisait monter sur le dos de ses chevaux, tandis que sa grand-mère préparait des confitures succulentes avec les mûres du jardin. Kylie riait alors aux éclats, tandis que le soleil couchant diffusait une lumière orangée sur le ranch. Des souvenirs qui faisaient chaud au cœur. Mais alors qu'elle passait le portail du ranch, déjà bien délabré, elle eut une autre vision de l'endroit où elle avait passé la plupart de ses vacances. Des bâtiments à l'abandon, des murs tenant à peine debout, une végétation ayant envahi toute la cour. L'aspect chaleureux et accueillant du ranch avait définitivement disparu. La représentation même de ce qu'avait dû être la vie de son propriétaire pendant ces dernières années.
Kylie soupira et se laissa tomber sur un banc, espérant ne pas passer au travers du bois pourri. L'objet grinça, mais tint bon. La jeune femme baissa les yeux sur la lettre pliée entre ses mains. Elle l'aimait autant qu'elle la détestait. Les dernières volontés de son grand-père. John Parker avait quitté ce monde il y a deux semaines déjà, après des années à lutter contre une maladie chronique et la solitude. La grand-mère de Kylie avait perdu sa bataille contre le cancer lorsque la jeune fille avait onze ans, il y a déjà quatorze ans de cela. John n'avait plus jamais été le même après cela. Il s'était enfermé dans un silence et une tristesse dont personne n'avait jamais pu le tirer, et Kylie avait cessé d'aller au ranch après l'enterrement de sa grand-mère. Elle n'avait plus vu son grand-père non plus. C'était comme si il avait disparu de sa vie en même temps que sa femme. Kylie avait oublié le ranch et ses chevaux, et avait continué sur son propre chemin. Jusqu'à cet appel du dix-huit août. L'appel fatidique, celui qui fait remonter tout un tas d'émotions que l'on pensait bien enfouies. Cet appel qui fait regretter les occasions ratées, les mauvais choix et le temps qui passe et n'attend pas. Kylie avait beaucoup pleuré, même si elle n'avait plus de contact avec le vieil homme depuis plus d'une décennie. Il restait son grand-père, celui qu'elle avait tant aimé durant toute son enfance. Et maintenant, il n'était plus là. Il avait retrouvé sa femme, qui l'avait probablement accueillie les bras ouverts. C'était ce que Kylie espérait en tout cas. Quant à elle, on lui avait donné une lettre à l'écriture familière bien que la jeune femme ne l'ai pas vue depuis longtemps. John avait cette écriture presque illisible, aux lettres trop petites pour une personne qui pourtant devait porter des lunettes pour lire le moindre journal déjà à l'époque. Mais Kylie l'avait déchiffrée. Les premières phrases l'avaient émue de nouveau, des phrases évoquant les souvenirs qu'elle chérissait tant, des phrases pleines d'amour et de regret pour une petite-fille qu'il n'avait pas vu grandir à cause de son chagrin. Puis un cadeau, auquel Kylie ne s'attendait pas du tout. Un cadeau qu'elle ne pouvait refuser, même si tout son être lui disait que c'était une erreur.
Le ranch de Dreamcatcher. C'était là son cadeau. Ce domaine décrépit et presque à l'abandon, perdu au milieu de vastes prairies à perte de vue. Quand Kylie avait appelé l'homme en charge des biens de son grand-père pour discuter d'une éventuelle vente du terrain, d'abord totalement indécise quand à ce qu'elle devait en faire, on lui avait dit qu'il serait probablement détruit à cause de son état actuel. Kylie n'avait pu se faire à cette idée. Elle avait alors pris la route. Et elle était ici désormais. Toujours aussi perdue qu'auparavant, mais bien arrivée à destination. Elle leva la tête et jeta un regard aux alentours. Les barrières des prairies devant lesquelles elle se trouvait étaient cassées à plusieurs endroits, comme plein d'autres choses. Kylie se passa une main dans le cou, réflexe qu'elle avait quand elle était contrariée. Puis, elle se leva lentement. Il fallait qu'elle fasse le tour des installations, pour constater le reste des dégâts. Mais avant tout, elle devait vérifier autre chose. Son grand-père avait terminé sa lettre avec un dernier paragraphe divisé en six sous-parties. Parce qu'il n'avait pas seulement légué le domaine à sa petite-fille. Il lui avait laissé ses six derniers chevaux également.
Avec un soupir, songeant qu'elle s'était aventurée dans quelque chose de complètement fou, Kylie s'avança vers ce qu'elle se souvenait être les écuries. Il était temps pour elle de rencontrer ses nouveaux chevaux.