Balade Improvisée

Il faisait un temps superbe ce matin-là. Je décidai, en ce dimanche, de partir faire une petite balade avec Sunshine. De toute façon, il faisait trop chaud pour travailler. Quelle belle excuse pour éviter tout travail et profiter des nouveaux chemins inconnus, et des paysages verdoyants !

- Sunny ! appelai-je.

Ma petite demi-pension passa la tête par la porte du box. Je passai son bout du nez dans le licol et bouclai la têtière au-dessus de la nuque. Je la sortis du box et l’attachai à l’anneau. Je pris le temps de la panser longuement. Un bon coup de brosse dure, puis la douce. Je curai les pieds, puis brossai les crins. Quand son état général ma satisfit je la sellai. Je lui mis un tapis noir tout simple sur son dos, un amortisseur, puis je posai délicatement ma selle. J’enlevai le licol pour mettre le filet, et je finis par attacher la sous-gorge et la muserolle croisée. Dernière étape, je pris ma bombe, que je mis sur ma tête avant de trouver un montoir. A la sortie de l’écurie, je le trouvai pour me hisser sur la montagne. Sauf qu’il y avait un détail qui me sauta aux yeux : je ne connaissais qu’un seul chemin de balade… Comment explorer de nouvelles contrées sans me perdre ? Je vis un peu plus loin un homme à cheval, sur un cheval à la queue panachée de blanc et de noir. Sans hésiter je me dirigeais vers lui.

- Excusez-moi de vous déranger ! Vous allez en balade ? Je cherche quelqu’un pour m’accompagner.

Il y a peu j'avais été faire un tour dans un salle des ventes de chevaux, à la base je cherchais un cheval à offrir à ma soeur. Je lui avais trouvé la jument parfaite, une jolie petite grise de quatre ans. Mais au final j'étais revenu avec deux juments. Et oui j'avais également craqué pour moi sur une jolie selle française de quatorze ans. Sa robe isabelle avait attiré mon œil et le geste qu'elle avait montré lors de sa rapide présentation de saut en liberté avait fini de me convaincre. Cette jument, c'était Jamaïc et aujourd'hui j'avais décidé de l'emmener en balade pour voir son comportement en extérieur. J'avais donc rejoint l'écurie passant d'abord par la sellerie pour prendre une carotte dans le grand sac d'une vingtaine de kilo qui était toujours dans un coin. Mon offrande à la main j'avais pris la direction du box où j'avais fait installer ma nouvelle monture.

Elle était en train de manger son foin et releva la tête avec intérêt quand j'apparus dans son champ de vision. Je lui tendais la moitié de la carotte, gardant le second morceau dans ma poche. Pendant qu'elle mâchouillai la friandise, j'ouvrai la porte et lui enfilai le licol. Elle se laissa ensuite sagement guider vers l'aire de pansage. L'étrille, le bouchon et la brosse douce se succédèrent sur la robe dorée puis je curais les pieds et m'occupai des crins, toujours un peu surpris par le coté bicolore de sa queue. Par précaution je posais une paire de guêtre sur les antérieurs avant de seller.

J'allais chercher un tapis propre, optais pour un bordeau liseré noir, sobre. J'ajoutai la selle et sanglai délicatement au cas où elle soit chatouilleuse mais elle ne broncha pas. Parfait. Je flattais son encolure avant d'aller chercher ma bombe et de la brider. Un filet simple, mors chantilly et muserolle française. Je voulais tester au plus simple possible et adapter ensuite en fonction de son comportement. Je vérifiai rapidement que le harnachement était en place et correctement ajusté avant de prendre les rênes pour guider la jument en dehors de l'écurie.

Je la stoppai devant le montoir, ressanglai et assuré que la selle resterait en place, m'installais sur le dos de l'isabelle. J'eus à peine le temps de chausser mon étrier droit et d'ajuster mes rênes qu'elle était partie au pas. Je l'arrêtais immédiatement. L'immobilité au montoir était un fondamental pour moi. Je la gardai arrêtée encore une poignée de seconde avant de lui permettre de repartir au pas. Je la guidais de manière légère vers les chemins de balade.

J'étais en train de me demander quelle boucle j'allais faire avec ma nouvelle bête quand j'entendis une voix dans mon dos. Je me tournai, arrêtant ma jument par la même occasion et découvrit une jeune cavalière sur une jument baie. Moi accompagnateur en balade ? C'était bien la première fois qu'on me demandait, ok je crois que la jeune femme n'avait pas vraiment d'autre personne à alpaguer, j'étais seul au départ à cette heure. Je la jaugeais un instant puis haussai les épaules

-Si tu veux.

Je me tournai de nouveau et après une caresse sur l'encolure relançai Jamaïc au pas. Direction la plage, vu la chaleur, la présence d'eau serait rafraîchissante et puis c'était un tour tranquille, la plage choisie était plus ou moins privée ce qui fais qu'il n'y aurait pas douze milles touristes étalés partout, pas de gamins hurlants pas de bouées aux couleurs plus ignobles les unes que les autres, le bonheur.

J’étais venue de bon matin pour faire une balade tranquille avec ma Super Sun. Qui dit tranquillité dit peu de personne au club. Sauf que qui dit personne au club dit aussi personne pour m’expliquer les chemins de balade… J’avais bien trouvé le chemin de la place une fois, mais je voulais explorer de nouveaux sentiers, visiter un peu le coin ! J’étais donc partie, toute guillerette sur mon idée de balade, avant de déchanter. Au pire, je m’étais dit que je pourrais retourner à la plage, mais bon…

J’avais donc sellé ma jument et j’avais mis le pied à l’étrier. De loin, j’avais aperçu un autre cavalier à cheval. Il était vêtu d’un débardeur et d’un pantalon noir, juché sur un animal jaune à crins noir et blanc. En m’approchant, je m’aperçus de deux choses : seule la queue était bicolore, la crinière étant complètement noire. Deuxième point : ce mec avait un look vraiment étrange… Dans le doute, je lui demandais quand même s’il comptait partir en balade tout en m’approchant un peu plus. Je me disais qu’il ne m’avait pas entendu la première fois, et je m’apprêtai à répéter, mais il se retourna sur sa selle. En fait, je compris ce qui m’avait paru étrange : son bras gauche, dont il s’était servi comme appui sur le troussequin, était entièrement recouvert de tatouages. De là où j’étais, je ne discernais qu’une croix inversée dessinée sur son biceps gauche. Il y avait également des tâches rouges, mais je discernais mal les contours. Sa silhouette était très fine, mais j’eus un blocage sur ses yeux : il avait des yeux gris, très froids. Ses lèvres paraissaient toutes aussi figées que le reste de son visage. J’avais peut-être pioché le mauvais numéro en fin de compte… Est-ce que je devais lui dire que finalement je me débrouillerai seule ? Bon bon bon… Il avait déjà éperonné sa fifille (de derrière j’avais vu connaître le sexe de sa bête à la couleur étrange.

Je fixai les tatouages de sa nuque sans oser piper mot alors que nous empruntions le sentier qui menait… Quelque part.

- Au fait comment tu t’appelles ? Moi c’est Eno, tout court. Et toi c’est comment ? Et au fait, on va où ? Et tu fais quoi dans la vie ? Ça fait longtemps que tu montes ?

Et voilà, je recommençais… Ce type me faisait un peu peur, et pour être franche, quand j’ai peur, je parle. Beaucoup. Trop. Je me mordis la lèvre inférieure. Il me faisait l’impression d’un bloc de glace, mais s’il montait à cheval c’était bien qu’il n’était pas trop dangereux, non? Quoi qu’il ne me semblait pas l’avoir jamais aperçu jusqu’à présent. Je n’étais pas là depuis bien longtemps, mais un mec aussi hors cadre, percé et tatoué, ça devait bien se remarquer non ?

- Attends attends, ne réponds pas tout de suite… Je parle beaucoup trop je le sais. Juste ton nom ça suffira pour commencer…

Il était tôt ce matin et la température était presque appréciable. J'avais donc décidé d'en profiter pour aller en extérieur avant que le soleil ne tape trop fort. Pour m'accompagner, j'avais choisi ma nouvelle jument, Jamaïc. Je l'avais donc longuement pansé. Le harnachement puis en selle. J'avais espéré pouvoir faire une balade tranquille, c'était sans compter sur la cavalière à moitié perdue qui m'avait interpellé à la sortie du Haras. Elle voulait un guide. Refuser m'aurait fait passer pour un rustre, j'avais donc fait comme à mon habitude, j'avais hoché les épaules, au final qu'elle me suive ou non ne changeait finalement pas grand chose à mon idée originelle non ?

En fait si... Elle ne s'arrêtait jamais de parler ? Je poussais un discret soupir pour me détendre, ma crispation avait durci mon attitude et Jam' avait commencé à se tortiller nerveusement, trottinant parfois. Je me relâchai au mieux pour qu'elle retrouve en sérénité et reprenne le pas calmement mais si elle gardait naturellement une cadence plutôt très active. Je m'apprêtai à la fusiller du regard quand elle s'arrêta et s'excusa. Elle parlait trop ? Ce n'était pas peu dire...

-Logan, propriétaire du Domaine de l'Orichalque.

Je n'avais pas quitté mon domaine depuis plus de dix minutes que déjà je me demandais pourquoi il m'avait traversé l'esprit d'en sortir. Au moins à l'Orichalque j'avais la paix. Je lui glissais un regard de biais, j'attendais la prochaine vague, presque certain qu'elle n'allait pas me laisser profiter d'un silence que j'appréciai tant en temps normal. Mécaniquement je jouais d'une main avec la crinière noir de Jamaïc, tenant les rênes à demi-ajustées de l'autre, vu que je la connaissais peu je restais tout de même sur mes garde, j'avais eut quelques aperçu des potentiels caprices de jument, ou des tentatives d'intimidation de mes entiers pour ne pas relâcher ma vigilance lors des premières sorties.

Le chemin passait d'abord dans la pinède, les aiguilles crissant sous les pieds des chevaux, j'en venais presque à regretter d'avoir accepté qu'elle m'accompagne, qu'elle se débrouille en fait... enfin je n'allais pas me rétracter maintenant. J'entendais déjà Kitty me vanner pour mon coté asocial si je faisais ça, enfin si je lui disais qu'on m'avait accompagner en promenade j'aurais droit à tout autant de moqueries. Je les savais purement affectueuse mais ça restait tout aussi agaçant...

J’aurais mieux faire de partir seule je crois. Avec mon MP3 et mes petites musiques : Black Veil Brides, Poets of the Fall, Stratovarius, Omnia, des chansons plus sentimentales, certains groupes français, quelques airs de guitare et de piano,… J’avais des goûts très hétéroclites en matière de musique, mais au moins ça causait ! Quoi que, les bruits de sabot sur le sol, le vent dans les arbres, le pépiement des oiseaux… Tout ceci comptait énormément pour moi en balade, cela faisait partie du charme des balades ! Respirer à plein poumon l’odeur des arbres et de la terre, se mêlant à celle du cheval, qui avait quand même une odeur particulière. Une balade, c’était une poésie qui se déroulait lentement, qui s’appréciait à chaque nouveau mot, chaque nouveau pas, chaque changement de décor.

Le fameux Logan me pétrifiait. Ses tatouages, ses piercings, et son corps fin me faisaient penser à un fouet ; une arme dangereuse. Et son silence, ou plutôt sa seule phrase de réponse à mes nombreuses questions, ne faisait qu’accentuer le malaise. Pour éviter d’envenimer la situation, je ne répondis que cette simple marque de politesse :

- Ravie de faire votre connaissance Logan.

Plus un son ne sortait de ma bouche pendant un moment. Et la magie de la balade commença à opérer ; je me fiais davantage au bruit rythmé des sabots des deux juments qu’au malaise que pouvait m’inspirer cet étrange personnage. Et puis s’il y avait un souci, j’avais bien mon téléphone. Néanmoins, je notais un détail : je connaissais le chemin. Moi qui voulais découvrir de nouveaux terrains de jeu, je m’étais fourvoyée.

- Nous allons vers la plage, n’est-ce pas ? demandai-je doucement. J’entends le bruit du ressac derrière les arbres.

Je n’étais même pas certaine qu’il m’ait entendu. Je ne voulais pas l’irrité, il semblait déjà assez tendu comme ça.

Et maintenant elle me vouvoyait... Je prenais vingt ans d'un coup... Ou alors je lui faisais vraiment peur ? Je glissai rapidement un regard dans sa direction... Arf peut-être que oui je l'avais effrayé... Enfin j'admets que mon caractère d'ours et mon apparence peu commune n'avait pas aidé... tatoué en grande partie, percé presque autant qu'un gruyère mais bien plus esthétiquement qu'une meule de fromage, brun les yeux aussi froid que l'acier dont ils avaient le coloris.

Au final je snobais presque sa présence, bercé par le pas de ma nouvelle jument. Jamaïc marchait vite mais l'allure restait assez élastique pour ne pas être inconfortable à mon grand soulagement. Je la guidais dans les taillis qui menaient à la plage entre palmiers hautes herbes sèches. Je manquai de sursauter quand la cavalière m'adressa la parole, perdu dans mon univers je l'avais presque oubliée.

-Effectivement. Un bon terrain pour galoper.

Oui je comptais bien y faire courir ma jument, je l'avais vu sauter en liberté et je voulais aujourd'hui la sentir galoper, c'était un point important pour moi la vitesse et l'équilibre que pouvait avoir mes montures vu qu'elles étaient destinées à la compétition, celle-ci se jouant au chronomètre... Jam' avait levé la tête en apercevant les vagues entre deux dunes. Elle semblait curieuse mais pas plus excitée que ça. Je caressais son encolure en continuant de la guider le long du sentier.

En général, deux mots berçaient mes balades : calme et sérénité. Pour le calme, ça, on ne pouvait pas faire mieux. Le dialogue avait été coupé court, nous n’entendions que le bruit des fers sur le sol de terre. Quant à la sérénité… Elle pouvait repasser. J’aurais aussi bien pu faire une balade avec un tueur en série, je n’aurais pas été moins crispée. Le problème, c’était que Sunshine ressentait bien que sur son dos, il y avait un truc qui n’allait pas. Et elle aussi était sur le qui-vive, prête à bondir au moins signal de danger. J’avais beau essayer de la rassurer, tant que je ne me serais pas détendue, c’était peine perdue. Si seulement Sun pouvait se rendre compte que c’était l’apparence du cavalier devant était assez particulière pour être aussi intrigante que flippante ! Mais elle, elle catégorisait en bipèdes ou quadrupèdes. Ceci dit, il n’avait pas l’air bien violent ce compagnon, il aurait déjà pu se passer mille et une choses que mon esprit, fertile à ce moment-là, pouvait imaginer.

Je finis donc par me dire que si Sun continuait à suivre la jument isabelle, c’était qu’il n’y avait pas de danger. Les chevaux, animaux de proie, étaient bien plus sensibles que nous sur ce point. Néanmoins, je restai timide quand il avait s’agit de demander notre itinéraire. Nous traversâmes tous quatre les taillis, puis les dunes. J’en profitai pour remonter à la hauteur de Logan. Je ne pus retenir un petit sourire lorsque je vis le tatouage de Batman sur son avant-bras droit, puis un autre du Joker un peu plus haut. Quel étrange personnage ! Je repris mon sérieux rapidement, ne voulant pas qu’il me surprit en train de le reluquer en souriant. Nous traversâmes la place, et nous approchâmes de l’eau.

- Est-ce qu’un petit galop à la limite de l’eau te tente ?

Je lui souris un peu plus franchement et chaleureusement que depuis le début de la balade. Je trouvais l’idée sympathique, sa jument était taillée pour la vitesse, et on sentait que même son pas tout le long de la balade elle avait un certain entrain. Mais Sun ne s’était jamais laissée distancer !

Après un dernier zigzag entre deux monticules de sable et la plage se déroula sous nos yeux. Jamaïc ronfla, elle aussi semblait se régaler d'avance de la longue ligne courbe que formait le littoral. Elle tenta d'ailleurs presque immédiatement de me prendre la main pour s'élancer, m'obligeant à raccourcir vivement mes rênes pour la garder au pas.

Elle se mit à piétiner, dansant presque sur place. C'est en crabe que je l'amenais au ras des vagues, l'écume mourant au bord de ses sabots. Quand Eno proposa de galoper je lui jetais un regard en coin, je tenais la bride si serrée à ma jument que j'en avais presque mal au bras.

-Petit galop ? Tu penses pourvoir retenir ta jument ?

Si Jam' était chaude il semblait que sa jument à elle ne semblait pas moins nerveuse. Régulièrement Jamaïc secouait la tête luttant contre le mors et ma main qui lui résistait. Je jouais dans mes doigts pour ne pas lui donner de point d'appui fixe.

Le sable brillait de façon presque aveuglante. néanmoins, il avait plu récemment, et le sol était meuble, parfait pour un petits galops, surtout au bord de l'eau. Les vagues avaient tassé la matière, et le sable devait être moins chaud sous les sabots des chevaux. ou peut-être s'en fichaient-ils royalement... Après tout, les deux juments devaient avoir davantage l'habitude que nous, pauvres bipèdes trop sensibles !

J'avais donc proposé, pour la suite des opérations, de passer la troisième et de laisser aller nos deux quadrupèdes poilus. Visiblement, Logan n'était pas contre l'idée de dégourdir les pattes.

- Bien sûr que je vais savoir la retenir ! Je ne suis pas née de la dernière pluie ! Mais vas-tu suivre la cadence ?

Sun me montrait clairement qu'elle voulait que je lui laisse du mou; elle se tortillai et battait la main. On avait déjà galopé sur cette longue langue de sable chaud. Alors je la mis dans l'axe et ouvrai mes doigts; Sun se campa sur ses postérieurs, jeta les antérieurs et poussa un peu fort pour une première foulée de "petit galop". Qu'à cela ne tienne, je repris un peu de tension sur les rênes pour la ramener vers moi, dans un galop plus rassemblé et plus rond. Je jetais un oeil derrière moi, suite à ces trois premières foulées, il se tenait juste derrière moi.

- A ce rythme, ça te convient ?

Elle laissa donc sa jument prendre le galop, pour un train de chasse la baie s'élança quand même bien vivement avant qu'elle ne la reprenne. Jamaïc tira d'autant plus et je devais presque lui cisailler les dents pour qu'elle reste à une allure contenue. Je ne la torturai pas longtemps avant d'ouvrir mes doigts. Eno avait peut-être deux ou trois foulées d'avances. Pour autant quand elle se retourna pour me demander si le rythme me convenait je l'avais presque rattrapée.

Je ne répondais pas à sa question me contentant de poser les mains dans la crinière noire de ma monture qui déjà s'était déportée pour doubler comme une furie sa concurrente. Je ne cherchais pas à la reprendre, je me positionnais en équilibre, bien en appui sur mes pieds et laissais courir ma jument. Jam' avait une sacrée amplitude, à l'obstacle il allait donc falloir que je fasse très attention aux distances...  

Le galop était lancé. Sun m'avait pris la main en se campant sur ses postérieurs pour pousser sur les premières foulées, mais je l'avais reprise rapidement, Logan ayant demandé un petit galop. Cependant, quand je m'étais retournée, je voyais bien que la jument de mon compagnon de balade en avait sous les sabots; elle ne se laisserait pas distancer. Au contraire, je vis même Logan et Jamaïc me remonter et passer devant moi. Je retenai un peu Sunshine qui semblait se vexer et fouaillait de la queue. Visiblement, Sunshine n'aimait pas être derrière.

- On fait la course ma belle ?

Bien en équilibre, je posai les mains dans la crinière et entrouvris les doigts. Sunshine profita de sa nouvelle liberté de mouvement. le nez au vent, elle filai derrière Jamaïc et la remontai. Mais même si cette course était un vrai jeu pour elle, je ne la laissai pas dépasser Jamaïc. Au lieu de jouer contre l'autre, j'aurais bien aimé qu'elle apprisse à faire avec Jamaïc. Je ne voulai donc pas dépasser Logan, d'autant que remonter à sa hauteur avait sûrement dû demander un certain effort à Sunshine. S'il voulait repasser devant, il le pouvait, car bientôt il nous faudrait rentrer.

Je ne me retournai pas, il me suffisait d'entendre le bruit des sabots de la jument baie pour savoir que sa cavalière lui avait lâché la bride. Je laissais Jam' se débrouiller avec sa foulée, elle allait ventre à terre, ce qui n'empêcha pas l'autre couple de nous rattraper sans pour autant nous doubler vraiment si j'en jugeais pas le fais qu'Eno reprenais régulièrement sa jument.

La plage eut tôt fait de défiler sous les sabots de nos montures et il fallut freiner. Jamaïc commença par rechigner, luttant contre ma main, tirant et secouant la tête avant de reprendre une allure plus modérée. Je la repassais au trot avant de flatter son encolure. Je la freinais encore et quand elle eut repris le pas je la guidais pour quelques pas dans les vagues.

Nous galopions côte à côté, en binômes. Logan laissait Jamaïc aller comme elle le sentait, et je me tenais à ses côtés, Sunshine donnant tout ce qu'elle avait. De temps en temps, je coulais un regard vers les étranges tatouages qui se mouvaient sur les bras de Logan. Ils étaient étranges, mais depuis que le Jocker et que Batman m'avaient sauté aux yeux, le jeune homme me faisait moins peur.

Logan commença à reprendre Jamaïc. Je l'imitai en me redressant, mais Sunshine refusa catégoriquement de repasser derrière la jument pie. et comme Jamaïc se battait contre la main de son propriétaire, je nous voyais mal partis. Mais Jamaïc se calma, et Sunshine fit de même. Je me redressai et me rassis pendant que Sunshine adoptait un petit galop, puis repassai au trot et au pas.

- Eh bah! C'était intense!

Je ne disais pas tellement ça pour Logan, j'avais bien compris qu'il n'était pas très loquace...

- On rentre ?

Tout en proposant l'idée, je dirigeais Sunshine vers la forêt, pour que nous retournions à l'écurie.

Ma pseudo volte pour mettre les membres de ma jument dans les vagues donna tout le temps nécessaire à la cavalière de reprendre sa propre monture. Ayant comprit que l'instant d'effort était passé Jam' s'était calmée, elle gardait un pas allant mais ne tentait pas d'adopter une allure plus vive. Je pus donc lui rendre une bonne longueur de rênes et la guidais pour rejoindre Eno.

Celle-ci avait proposé de rentrer et avait déjà dirigé sa baie en direction du chemin qui permettait de retourner au haras passant par la forêt. Mon isabelle allongea le pas pour rattraper et je dus bientôt la reprendre à demi pour ne pas qu'elle double allègrement. Pour une fois elle n'insista pas et je me relâchai.

Sunshine avait pris une suée. Galopée dans le sable, en plein cagnard, lui avait valu d'être trempée. En regardant sous le tapis, je vis de l'écume sur le poil. Elle avait beaucoup donné! Je relâchai mon morceau de tapis et laissai ma petite jument marcher tranquillement. Je laissai filer les rênes et elle étendit l'encolure. Elle avait le souffle court.

Je laissai Logan nous rejoindre. Sa jument semblait avoir encore un peu de piles, contrairement à la mienne. J'hésitai presque à descendre et à marcher à côté... Mais si je faisais ça, j'étais bonne pour rentrer toute seule!

- Tu retournes dans ton domaine? demandai-je pour alimenter la conversation.

Encore une fois je ne m'attendais pas forcément à une réponse. S'il ne voulait pas répondre, on n'aurait plus qu'à rentrer dans le silence! Mais bon, une fois un peu habituée à son air taciturne, j'avais bien envie de le connaître un peu mieux! De ce fait, je me décalai sur la droite pour lui laisser la place, s'il le désirait, de marcher à ma hauteur.

Jamaïc semblait presque prête à repartir pour une course, bon elle respirait peut-être un peu rapidement mais on pouvait voir qu'elle avait encore de l'énergie. Le marchand qui me l'avait vendu m'avait bien précisé ce détail, l'isabelle semblait être inépuisable comme les lapins roses des publicités pour piles électriques.

-Je pense oui.

Je laissais Jam' s'avancer au même niveau que la jument baie que sa cavalière avait décalée. Aucun esprit de compétition cette fois-ci ne sembla animer ma bête, elle se cala presque d'elle même sur la cadence de sa voisine. Je tenais les rênes par la boucle, les mains posées sur le garrot.

Oh ! Une phrase entière ! Un sujet, un verbe,... De beaux progrès ! Dommage, nous arrivions près du club équestre.

- Bon, eh bien nos chemins se séparent ici. Merci pour la balade, c'était sympa ! A une prochaine fois, peut-être ?

Nous échangeâmes les cordialités d'usage. je dessanglai Sunshine et la ramenai vers l'écurie. Je posais pied à terre, et allai attacher ma jolie bai. Je desselai et l'emmenai à la douche, pour la débarrasser de la sueur. Nous allâmes brouter le temps de sécher, puis je passai un coup de brosse pour remettre le poil en place avant de la remettre au box.