Je ne haïssais pas les vacances d'été -au contraire, j'étais bien contente de leur venue, même si j'avais passé une formidable année- mais, une fois le mois de juillet passé, je devais avouer qu'elles tiraient en longueur. Sans nul doute était-ce lié au fait que je n'avais plus de but. Je flottais dans la confusion : mon cerveau ne cessait de s'embrumer. J'avais sans nul doute besoin de repos mais au grand jamais je ne l'aurais avoué : la moindre pause que je m'octroyais était pour moi un échec.
Installée sur mon lit à ms tourner les pouces, pesant contre le soleil trop chaud qui caressait ma peau et la moiteur de l'air, j'hésitais entre déprimer sur la rentrée à venir ou sur la hâte de la fin des vacances. Les plaids étendus sur la couverture accentuaient les gouttes de sueur qui perlaient dans mon dos et au creux de mes paumes.
Au moins, tu auras un but à la rentrée, souffla une petite voix dans ma tête, bien vite controversée par une autre :
mais... et si tu étais dans une mauvaise classe, loin de tous tes amis ? Et si tu étais seule ? L'inspiration fuirait bien vite... Je ne pus m'empêcher de serrer les dents et me relevait sur les coudes. Le soleil filtrant à travers les stores m'éblouit et je m'astreignit à me relever. A peine eus-je posé les pieds au sol que je tournais déjà en rond entre les murs immaculés de ma chambre. Je n'avais envie que d'une chose : retrouver le souffle qui m'avait porté tout le mois de juillet. Je savais malheureusement que c'était impossible avant septembre. D'un autre côté, j'attendais un mal. Les deux problèmes ne possédaient qu'une seule solution : la patience. Une qualité dont j'étais dénuée mais que j'appréciais presque autant que la franchise et la persévérance.
Une voix douce me tira de ma torpeur.
— Para ? Viens !
Je m’exécutai, titillée par la curiosité. Si ma mère m'appelait, c'était pour une bonne raison. Remplie d'espoir, je me hâtai de dévaler les escaliers de bois sombre pour déboucher dans le salon.
— Tu te souviens du centre équestre que nous avons vu ?
— Bien sûr ! m'exclamai-je. Pourq...
— J'ai pensé que tu voudrais y faire un tour. Cela fait trois mois que tu n'as pas vu un cheval et tu ne sors plus depuis des semaines... Je veux bien que tu attendes ta lettre de Poudlard mais ce n'est pas la peine de t'immiscer dans le rôle de Harry !
Je pouffai. Elle disait vrai : depuis juillet, j'étais à peine sortie. Dans mes fréquents moment d'ennui, je relisais la célèbre saga de J.K Rowling et cela devenait sujet de discussion et de plaisanteries entre nous.
— C'est d'accord !
— Tu y vas comme ça ?
— Ben... bafouillai-je. Oui, pourquoi ? Je monte ?
Je jetai un œil à ma tenue : un jean -je détestais autant les shorts que les robes- et un débardeur kaki. Certes, mes vêtements me collaient à la peau, mais je n'avais absolument pas envie de me changer. Peut-être allais-je rencontrer le cheval de mes rêves ! Peut-être allais-je, comme tous ces gens sur YouTube -je m'arrêtai soudain, me disant que ce n'était pas une bonne référence- enfin créer quelque chose avec un cheval ! Avec un pincement au cœur, je me remémorai mes anciennes demi-pension. Elles m'avaient toutes deux énormément appris, que ce soit les rudiments de la patience mais surtout le fait que les chevaux passaient avant nous. Son bonheur avant le sien. Cela me semblait presque normal à présent et mes divagations de complicité et de cirque s'envolèrent bien loin. Monter ne comptait plus pour moi, pas plus que de travailler à pied.
Aider, voilà ce qui était important. Un instant, je fermai les yeux et remerciai mentalement ces deux demi-pension de m'avoir appris cela.
⁂
De luxueux bâtiments miroitant de lumière et une douceâtre, presque écœurante, odeur d'herbe fraîchement coupée. Je plissai le nez et sorti de la voiture. La chaleur me tomba dessus tel un fardeau et je me dépêchai d'avancer vers la fraîcheur des écuries, ma mère sur mes talons.
Des bruissements, des murmures étouffés, des soupirs silencieux et des tapotements. Tels furent les bruits qui m'accueillirent dans l'allée. D'un sourire, je saluai les équidés présents dans l'écurie avant de me tourner vers ma mère.
— Pourrais-tu me laisser seule ? J'aimerais découvrir les chevaux.
Intriguée, elle accepta ma requête et s'éloigna afin d'aller voir les tarifs du centre. Mi-rassérénée mi-effrayée, je me frayai un passage dans le couloir, esquivant têtes, encolures et museaux trop curieux. J'aurais été bien incapable de dire ce que je cherchais -une sorte de détresse dans un regard, peut-être ?- mais un souffle me poussait à avancer entre les boxs. La motivation, neuve et étincelante.
Six lettres capitales attirèrent mon attention. D'un vert sapin -la couleur de l'espoir, ne pus-je m'empêcher de me rappeler- il faisait son effet sur la plaque de bois. En regardant de plus près, je remarquai que les signes étaient gravés dans le bois puis, avec une patience et une minutie extrême, peints. D'un claquement de langue, j'interpellai le cheval.
De petites oreilles pointés vers l'avant, de grands yeux pétillant et une encolure musclée. A ma vue néanmoins, l'équidé détourna le regard. Un sourire se peignit sur mes lèves pâles. Ce cher espoir -
Playboy, d'après la plaque- me faisait penser à un personnage de roman. Pire qu'un humain, il semblait avoir été caricaturé pour représenter l’orgueil et l'arrogance : un port de tête altier, des naseaux frémissants près à pousser un soupir de dédain, un regard qui vous donnait l'impression d'être minuscule. Cela ne me découragea pas, pourtant, et je tendis la main vers l'équidé. Du bout des lèvres, comme si j'étais un objet immonde qui ne valait pas la peine d'être vu, il effleura ma paume avant de se retirer.
— Eh bien, bonhomme... J'ai une question pour toi : tu représentes la vanité, l'orgueil ou encore l'arrogance ?
Le cheval soupira, dédaigneux, et me tourna le dos.
— Inutile de jouer à ça avec moi,
Playboy.
Surpris, l'étalon darda son regard sur moi. Je remarquai que le sourire que je portait ne partait pas et lorsque j'essayai de rassembler mes commissures, je ne parvins qu'à les élargir davantage. Impossible de garder une mine sérieuse.
Épaules redressées, menton relevait et souffle ample, je retentai ma chance auprès du cheval. J'ignorai si j'avais cet air orgueilleux qu'il affichait plus tôt mais il détourna moins vie la tête. Lorsque je passai mes doigts fins dans ses crins, il ne broncha pas mais tourna davantage la tête, comme si quelque chose l’obnubilait. N'importe quoi, sauf moi.
— Hé ! L'Orgueilleux, saches que tu te souciera de moi un jour ou l'autre. Je vais te brosser, l'Arrogant, peut-être que tes pensées seront un peu moins centrées sur ton infini noblesse.
Chose dite, chose faite, et une fois l'autorisation acceptée, je me dirigeai vers la sellerie pour y dénicher le matériel de pansage. En revenant dans l'écurie, je manquais de déraper en prenant une démarche fière et noble. Par chance, personne ne se trouvait dans l'allée déserte, aussi pus-je imiter le snobisme à la perfection.
— Coucou l'Orgueilleux... Tu préfères le Vaniteux ou le l'Arrogant, peut-être ?
L'équidé ne releva pas, se contentant de souffler. J'ouvrai le loquet du box et pénétrai à l'intérieur sous l'indifférence de l'haflinger. Je m'emparai d'une étrille et, en gestes lents en vigoureux, massai l'encolure, les épaules et la croupe musclés de l'équidé. Je me mis à chantonner en espérant qu'il finirait pas me remarquer. Qui savait... Peut-être dans quelques minutes... Quelques secondes...
Peine perdue. Playboy ne se soucia pas un instant de moi, malgré mes efforts. Il daigna à peine se préoccuper de moi lorsque je prit soin de ses pieds, levant chaque sabot avec une lenteur extrême. L'Arrogant semblait bien décidé à me faire lâcher l'affaire. Je serrai les dents et fredonnait davantage. Il ne me ferait pas lâcher. J'aimais les défis bien plus que n'importe qui et avait une tendance à me projeter dans les plans les plus ambitieux -avec une grosse baisse de moral si j'échouai.
— Voilà, l'Orgueilleux, dis-je et l'étalon tourna l'oreille droite vers moi. J'en ai fini pour aujourd'hui.
Il s'ébroua et je sortais à reculons du box, mi-déçue, mi-contente. J'aurais apprécié un peu de reconnaissance, surtout après le temps que je venais de passer à m'occuper de lui... Je posai un regard sur mes vêtements. Un bien étrange accoutrement à présent, couvert de poussière et de poils.
— Para ? sonna une voix douce dans mon dos.
— Oui ?
— J'ai discuté avec la directrice. Elle m'a dit qu'elle cherchais des gens pour s'occuper de chevaux -les écuries sont un peu désertes lors des vacances. Je lui ai dit que tu te proposais.
J'étouffai un soupir seulement à moitié mécontent. Je n'aimais pas que ma mère prenne des décisions à ma place même si, pour le coup, elle avait eu raison. Je fit volte-face et me forçai à sourire.
— Sympa, dis-je. Regarde, voici l'Orgu... Euuuh, Playboy.
— Il est magnifique. Les chevaux ont l'air d'être bien traités ici.
— Oui, acquiesçai-je. Vu que ce n'est pas loin, je vais voir si je peux venir tous les jours ou presque.
— Bonne idée, ça te feras du bien après toutes ces semaines dans ta chambre.
J'hochai la tête, pris une friandise dans le paquet se trouvant dans le bac de brosse. Du plat de la main, je la présentait à l'étalon. Yeux fixés ailleurs, il s'en empara du bout des lèvres, comme si le moindre contact avec moi eut été nocif.
Ce sera mieux demain me forçai-je à penser. Un sourire éclaira mes lèvres et soudain, je vis le million de possibilités qui s'offrait devant moi. Je viendrais souvent, peut-être même pourrais-je monter... Je ne serait plus dans ma chambre à regarder le ciel et, je le promis, je parviendrait à rendre l'Orgueilleux plus tolérant... Je me remis à fredonner. Ma vie commençait enfin.
[J'espère que les résumés long ne gênent pas, j'étais inspirée et vraiment contente de parvenir à écrire à nouveau. Si quelqu'un connaît une solution pour centrer mon image, ce serait avec grand plaisir. Je n'y parvins pas, même avec les balises center et je trouve ça moins joli. Merci.]