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Box de Pandore

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Mar 24 Mar - 19:37

L'heure grise
Pandore & Je #1

Depuis plusieurs mois désormais, je profite de la route qui sépare mon lieu de travail de mon domicile pour faire un détour par le Haras du Pado. C’est un collègue qui m’en a parlé. Il m’est plaisant de me promener au milieu des boxes et d’admirer les pensionnaires qui s’y trouvent. Ils sont tous plus beaux les uns que les autres. J’hésite à renouer avec l’équitation mais je ne suis plus de première jeunesse. Je me suis installé dans la vie et j’ai de nombreuses obligations. Pourtant, une jument ne me sort plus de l’esprit. Pandore occupe mes pensées depuis l’instant où mes yeux se sont posés sur elle. Elle possède cette noblesse propre à sa race mais, plus encore, je n’avais jamais vu un regard aussi profond. Il a presque ce je-ne-sais-quoi d’humain au fond. J’arpente donc les écuries à la rechercher de l’élégante jument isabelle. Je suis déçu de ne pas la trouver dans son box. Devant ma moue boudeuse, une cavalière du Haras m’informe qu’elle a été mise au pré et ce, non sans se moquer de moi.

Je souris en guise de réponse, feintant de ne pas être vexé. Que m’importe, au fond. Je ressors aussitôt des écuries et je me dirige à grands pas vers les prés. Le jour commence déjà à décliner et d’ici une belle demi-heure, le crépuscule éteindra les lumières. Ce sera l’heure grise, celle durant laquelle l’on se trouve entre chien et loup. J’ai toujours eu un faible pour ce moment de la journée. Tout se transforme et les sens se perdent. Soudain, l’on doute de tout, même de nous-même. Je souris, carnassier. Je suis, au fond, ce que l’on pourrait appeler un prédateur. C’est ainsi que je vis, entre la lumière et l’ombre du monde. Je vais là où mon instinct me guide et je suis sans cesse sur la brèche, uniquement animé par l’envie de réussir. Je suis constamment sous pression mais c’est mon oxygène, ma drogue plutôt.

Mes visites au Haras permettent de mettre un terme à cet état d’excitation dans lequel je suis la plupart du temps. Elles coupent ma journée entre mon travail et mon retour chez moi. Elles me donnent l’occasion de voir autre chose et de prendre un peu l’air. Et puis … et puis il y a Pandore. La sublime ibérique est juste là, en face de moi. Le soleil se couche et ses rayons nimbent sa robe d’un éclat rouge qui lui donne un air martial, air sublimé par son port de tête naturellement altier. Elle a pour elle toute la noblesse de sa race et même si elle ne le doit qu’au sang qui coule dans ses veines, il est impossible de lui nier ce charisme et ces rondeurs ibériques, toutes en puissance.

Je m’accoude nonchalamment aux barrières du pré et j’use mon regard sur elle. Elle ne se soucie aucunement de moi. Si, la plupart du temps, elle plonge son nez vers l’herbe déjà grasse des prés, elle se redresse par moment. Elle pousse alors un long hennissement qui se perd dans la brise du soir et, animée d’une soudaine urgence, elle s’emporte dans des galops furieux qu’elle roule d’un bout à l’autre de sa pâture. Elle communique sa folie à ses voisins de pré et bientôt, je vois le paysage qui m’entoure s’animer. Les chevaux vont et viennent et les premières ruades sont lancées. Ils ne peuvent pas se toucher les uns les autres et, doucement, le calme revient. Certains repartent parfois pour un coup d’éclat.

Pandore, elle, s’est immobilisée au milieu de son pré. L’encolure droite et la tête tenue bien haute, elle a posé son regard noir comme la nuit sur moi. Elle semble me scruter avec intérêt. Elle se demande sans doute ce que j’ai, à la regarder ainsi, sans ciller. Je souris et sans même le vouloir, je remarque que mes doigts se sont crispés sur le rondin de la barrière. Une oreille en arrière et l’autre tournée vers moi, la belle jument espagnole me regarde avec intérêt. Lequel va céder le premier ? Ce duel de regards dure un long moment. Finalement, malgré moi presque, je souris. Le dénote-t-elle ? Elle baisse un peu la tête, comme pour réagir à son tour. Je me sens désarmé et doucement, je tends mon bras dans sa direction, la paume de bien à plat. Elle semble hésiter.

Elle doit se sentir perdue quant à mon attitude. Je me montre patient. Mais tout a des limites. Je l’appelle en faisant claquer ma langue contre mon palais. Elle tend les oreilles, fait un petit pas puis s’arrête. Un coup d’oeil à gauche, un autre à droite. La zone lui semble dégagée alors, elle reprend sa délicate marche. A chacune de ses foulées, je vois ses muscles se bander sous sa robe soyeuse. Elle n’a pas conscience de la prestance qu’elle dégage. Je la laisse s’approcher et enfin, doucement, elle effleure ma main de ses naseaux qui sont d’une tendre chaleur. Je souris. Je bouge peu : j’ai peur de la voir s’en aller. Je parle doucement, afin qu’elle seule puisse m’entendre. Elle tend ses oreilles dans ma direction. Elle semble un peu déçue de ne rien trouver. Je ris et si elle reste près de moi quelques minutes, à portée de caresses, elle se lasse finalement et s’en retourne, un air de reine alanguie dans son allure enchanteresse.
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