Vincy Kim - poney français de selle (j)

De toute façon, tout le monde s'en fiche de toi Marcia. Ils aiment Giulia pour son talent et Augusto pour sa persévérance. Mais toi, pourquoi on t'aime Marcia ? Il faut te rendre à l'évidence, t'es la petite dernière de la famille, alors tu passes en dernier. C'est triste mais c'est comme ça. Regarde, c'est encore toi qu'ils ont emmené pour essayer un vulgaire poney de club. Tu vois Marcia, toi tu ne comptes pas.

L'adolescente râle. Voilà qu'ils avaient fait une heure de route pour aller essayer un poney lambda, et qui devait s'y coller ? Elle, évidemment. Elle avait réclamé un poney digne de ce nom pendant des mois et des mois, un poney qui pourrait lui permettre de marcher dans les pas de sa sœur. Trop cher, trop dur, pas pour toi, voilà ce qu'elle entendait à longueur de journée. Elle ne demandait pas grand chose, juste un bon poney, pour une fois, un poney qui n'essayerait pas de s'arrêter sur le un, le deux et le trois, un poney pour elle toute seule. Mais aujourd'hui encore, elle se retrouve dans la voiture pour essayer un poney d'instruction.

Peut-être qu'ils pensent que tu es trop nulle ? Il faut le reconnaître, t'es pas très douée. Les gens de ton âge sont déjà sur le circuit européen, toi tu ne brille même pas au niveau régional. Sérieusement Marcia, réfléchit deux secondes : la pièce, ils ne l'ont pas misée sur toi.

Elle traîne les pieds. Elle se retrouve là, dans ce club miteux où les horloges ne donnent plus l'heure que deux fois par jour et où les toiles d'araignées se confondent avec les guirlandes de noël qui pendent tristement. Elle le sent, on la regarde. Ils sont lourds ces regards, aussi lourds que ses semelles qu'elle laisse traîner bruyamment sur le sol. Elle agace, fait parler, provoque, mais tant pis, au moins quelqu'un la regarde. Elle suit son père qui déambule dans l'espoir de trouver une personne compétente. Oh, il semble l'avoir trouvé, elle n'en sait rien, elle n'écoute pas. Ils changent de direction mais elle continuera d'abîmer ses chaussures. Elle lève à peine les yeux quand son père prononce son nom. Et puis finalement ils s'arrêtent. Ils sont tout au fond de l'écurie, là où l'on a pas pris la peine de placer des horloges et des guirlandes. Le box est sombre, sans fenêtre. Le poney qui se trouve à l'intérieur est immobile, placide. Pourtant, Marcia aurait juré avoir vu quelque chose s'allumer dans son regard au moment où ils ont pris le temps de le regarder.

Ironie du sort. Peut-être qu'ils se moquent de toi ? Ils t'emmènent voir ce cheval que personne ne regarde pour te faire une blague douteuse. Ils ont pensé qu'entre oubliées le courant passerait. Alors, tu vas leur laisser croire qu'ils ont eu raison ? Et puis la bête qu'on te montre n'a rien de très attrayant. Elle ne saute probablement pas, n'a pas un physique de championne du monde, même les galops deux du samedi après-midi ont oublié qu'elle était là. C'est dire à quel point vous vous ressemblez.

La responsable fait une brève présentation de l'animal. Un nom qui en jette mais un désintérêt manifeste pour les disciplines classiques dans lesquelles elle n'excelle pas. Sans intérêt donc. Marcia ignore volontairement le reste des informations. Pour être tout à fait honnête, elle s'en fiche. Elle connaît déjà la marche à suivre : son père va lui demander de préparer le cheval, de le détendre, de le faire sauter, et même si c'est une daube intersidérale, ils vont repartir avec. C'est toujours comme ça, parce qu'il estime que tous les chevaux méritent d'être regardés alors qu'il ne voit même pas sa fille qui se tient à ses côtés. Évidemment, tout se passe comme Marcia l'avait prédit, blablabla tu prépare et tu nous rejoins à la carrière ou un truc comme ça, elle n'écoute jamais vraiment quand il lui parle. Ils s'éloignent et elles se retrouvent seules, oubliées, encore.

Elles se regardent. Il ne se passe rien de plus que cet échange long et douloureux. Une présentation simple, emplie de tristesse, presque une invitation. S'il te plait, regarde moi. Marcia serre la mâchoire et avale sa salive. Non, elle ne laissera pas cette larme dévaler sa joue. Elle emprunte un bouchon dans une boîte qui traîne, elle ne connaît personne, qui pourra le lui reprocher ? Quand elle ouvre la porte du box, l'échange s'intensifie. Dans l'intimité des quatres murs, elles se disent combien la vie loin des autres est difficile. L'échange se fait sans mots, pourquoi parler quand on peut offrir le silence ? Il ne reste que le bruit du bouchon qui court sur la jolie robe de Vincy Kim. Le moment s'étend à l'infini, Marcia répète inlassablement le même geste avec son bras, un coup de brosse efficace mais lourd de sens. Un rai de lumière fait briller la poussière qui s'échappe, l'obscurité du reste du box ne parvient pas à masquer ce qui naît dans ce pansage. Il y a désormais un lien, l'adolescente sait la raison de sa présence ici.

Tu aurais aimé que ce ne soit pas elle hein ? Pas facile de mettre ses rêves au placard, mais qui pourra te blâmer ? Tu t'es battue pendant tant d'années, il est maintenant l'heure pour toi - pour vous - d'avoir un peu de répit. Retiens encore tes larmes, juste un peu, ne lui montre pas tout de suite que tu imaginais un meilleur partenaire. Tu sais que c'est elle, mais tu sais aussi que la vie à laquelle tu aspirais te glisse entre les doigts. C'est un dilemme qui n'en est pas vraiment un, ton choix est déjà fait, tu rends les armes.

Marcia balance la brosse avec insolence en direction de l'endroit où elle l'a emprunté. Elle en attrape nonchalamment une autre, plus douce. L'âge rebelle vous savez. La ponette ne bouge pas, ne tressaille pas, elle valide, elles sont désormais complices. Enfin, Marcia se sent à sa place. Au fond de cette écurie de seconde zone où tout est trop vieux, elle a trouvé un point d'ancrage. Les poils délicats de la brosse peaufine un pansage consciencieux. Elle veut faire durer ce moment, le prolonger, en saisir toutes les secondes et s'en nourrir pour être de nouveau. Munie d'une brosse à crins, elle démêle une crinière inégale et ratée, même ça ils n'ont pas fait l'effort de le rectifier. Quand Vincy Kim posera un pied dans le sable, elle connaîtra désormais sa valeur.

Il paraît qu'on est jamais aussi beau qu'à travers les yeux de ce qu'on aime. Pour la première fois, ce poney lambda et cette gamine odieuse auront l'air de quelque chose de mieux. L'une et l'autre seront désormais les deux parties d'un tout. Tu ne t'attendais pas à ça Marcia en venant ici, hein ?

L'adolescente prend conscience de chacun de ces gestes, jamais elle n'a curé le pied d'un cheval avec autant d'attention. Ses petites mains supportent le poid d'un sabot sans jamais flancher. Elle s'affaire ensuite à seller son nouveau binôme. Elle replace le tapis une fois, deux fois, trois fois. Tout doit être parfait. Vincy Kim est conciliante ou résignée. Elle ne bouge pas, ouvre la bouche avant même qu'on lui demande et baisserait même la tête pour permettre aux plus petits de placer plus facilement le filet. Marcia la gratifie d'une caresse sur l'encolure avant de sortir - enfin - du box.

Tu avais raison. Elle est d'une gentillesse terrible et on l'a quand même mise au rebut. Qu'en est-il de toi et de ton attitude si désagréable ?

Marcia n’est pas de ceux qui tombent du lit, encore moins le dimanche. Mais aujourd’hui, elle n’a pas eu le choix. Une fois par an, le centre équestre réalise un grand ménage. C’est souvent lors de cette journée que l’on retrouve le stick perdu en décembre (coincé derrière le pare-botte) ou la paire de basket jetée - pour rire - dans la gouttière. Souvent c’est aussi ou le club récupère les tapis oubliés pour les inclure au nouvel inventaire.

Marcia s’est portée volontaire pour ranger la sellerie des demi-pensionnaires, c’est celle qui est la plus encombrée et personne ne semble vouloir l’aider. Si le réveil est difficile, l’adolescente sait que le jeu en vaut la chandelle. Les demi-pensionnaires laissent traîner toutes leurs affaires, ils ne savent plus faire la différence entre ce qui leur appartient et ce qui est emprunté, souvent plus jeunes que les propriétaires, ils ne connaissent pas la valeur des choses et laissent plus facilement traîner une cravache ou un licol.

Elle descend aux écuries en jogging. Les rares et courageux bénévoles déjà présents ont l’air aussi hagard qu’elle. En ouvrant la porte de la sellerie, elle mesure l’ampleur de la tâche qui l’attend. Les demi-pensionnaires ont été sommés de ranger leurs affaires dans les casiers à leurs noms puis de déposer en tas les affaires ne leur appartenant pas mais se trouvant dans leur casier. Un petit écriteaux sur la porte indique que lors de ce rangement, tout matériel trouvé non rangé est susceptible d’être récupéré par le centre équestre. Les concernées ont toutes signées la feuille pour indiquer qu’elles avaient prit connaissance des conditions de ce rangement.

L’adolescente décide de s’attaquer à la pile d’affaires trouvées dans les casiers. Celles-ci sont souvent laissées par les anciens cavaliers qui les oublient où les laissent volontairement tant elles sont abîmées. Marcia retrouve dans cette pile des mors barbares d’un autre temps, des protections en néoprène rongées par les souris, des couvre-reins souillés et déchirés et même un casque d’équitation à l’alcantara déchiré. Rien de très interessant à l’exception d’un licol en corde poussiéreux, mais en très bon état. Discrètement, elle le cache dans un coin de la sellerie, après tout, maintenant que Vincy Kim est à elle, il va être nécessaire de s’équiper décemment.

Le rangement se poursuit avec une masse informe et indéfinie dans un coin de la sellerie. Ici sont rangés, balancés et planqués les affaires qui gênent, dont on ne veux plus, ou celles qu’on a emprunté sans se souvenir à qui. À distance, elle frappe sur le tas avec un balais. Si ce coin est aussi délaissé et poussiéreux, c’est que tout le monde sait qu’il s’agit de celui que les souris préfèrent. Toujours à distance, elle pousse les toiles d’araignées si épaisses qu’elles font des lambeaux. En fouinant, Marcia trouve un side pull et une sangle doublée en mouton qui semblent pouvoir convenir à Vincy Kim. Elles les caches avec le licol en corde et termine de ranger la pièce aussi vite que possible.

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Il est midi. La matinée est passée si vite que l’adolescente vient à peine de terminer le rangement de la sellerie. Discrètement, elle dépose les affaires qu’elle a trouvé pour Vincy Kim dans le box qui lui est attribué. Elle réapparaît quelques minutes après avec la ponette pie au bout de la longe. Elle a prétexté un pansage plus que nécessaire pour esquiver la grande tablée de bénévole et surtout sa soeur, Giulia, qui a bien du mal à comprendre et accepter son choix. Elle ne passe en réalité qu’un rapide coup de bouchon à sa jument déjà propre comme un sous neuf. Elle s’affaire en revanche sur ses crins déjà parfaitement démêlé et sur ses sabots graissés la veille.

Elle jette un oeil par dessus la porte pour vérifier que personne n’approche, puis enfile le licol en corde à sa jument. Après quelques ajustements, il lui va parfaitement. Contente de sa nouvelle acquisition, mais stressée par la situation, elle libère rapidement Vincy Kim avant de lui essayer de side pull qui lui va comme un gant. Parfait. Marcia lui offre un seau dont le fond est tapissé de carotte pour acheter son silence. Elle ressort la jument du box avec le licol qu’elle portait en arrivant. Ni vu, ni connu, la ponette pie vient d’agrandir sa garde robe.

Vacances à la maison / Rester à la maison est aussi synonyme de grand rangement dans la sellerie ! L'occasion de retrouver de vieilles affaires et de faire quelques essais sur votre cheval. +5 pts de débourrage (je pars de 0 et non pas de 10 comme indiqué)