Balade active

Jamaïc, petite jument nouvellement acquise que je n’avais encore jamais essayé mais je l’avais vu sauter et… Elle avait un coup de saut assez intéressant ! Elle sauterait toujours mieux qu’Apocalypse, mon petit entier islandais qui ne savait pas trotter et avec lequel je ne faisais pour le moment que du pas. J’espérais que la confiance serait plus facile à gagner avec elle qu’avec le phacochon. Elle était passée des écuries de club à l’écurie de propriétaire depuis peu. Pour notre première séance, j’avais demandé à Etoly si elle voulait m’accompagner pour une balade. Enfin la balade risquai de se transformer en trotting voir en galoping si le sol le permettait. Heureusement, ça faisait deux jours qu’il n’avait pas gelé. J’étais curieuse de voir ce qu’elle avait sous le capot. Je l’avais déjà vu prendre la main de son cavalier mais je voulais savoir jusqu’où elle pourrait aller.

C’était donc avec quelques minutes d’avance que je me dirigeai vers le manège avant de partir. Je me mis en selle, et Jam attendit que j’eus régler mes étriers et remis le couvre-rein en place avant de partir. Elle était tellement plus patiente qu’Apo ! Ca changeait ! Elle marcha sur la piste, rênes longues, et je la laissai se délier. Il faisait froid dehors, mais je ne voulais pas trotter tout de suite, j’avais peur qu’elle n’ait plus suffisamment la patate au moment de galoper. Je jetais un coup d’œil vers l’entrée. Je me demandais qui Etoly avait choisi de prendre. Elle se retrouvait maintenant avec quatre chevaux, parmi lesquels une bonne jument, un ex Rescue Me qui ne sautait plus, un réformé des courses qui avait deux neurones qui se touchaient et une nouvelle acquisition que je ne connaissais encore pas. Elle pouvait me sortir tout et n’importe quoi telle que je la connaissais !

Je venais de me mettre en selle sur ma nouvelle jument, une peluche en comparaison de mon petit monstre d’étalon islandais. Il faudrait à l’occasion que je trouve un petit surnom amical à cette nouvelle amie, mais je ne la connaissais encore pas assez. Cependant, c’était visible qu’elle avait fait du club, elle était attentive à son cavalier, et elle m’avait laissé bidouiller mes réglages avant de m’emmener au pas faire un tour de manège. Je la laissai rênes longues en attendant Etoly. Elle se manifesta enfin –pas en retard, c’était moi qui était en avance, hein ? – sur sa nouvelle jument, une baie toute mignonne. Voilà qui promettait une jolie séance découverte !

-Oui, allons tester nos bestioles poilues avant que la nuit ne tombe, on pourra faire mumuse !

Je lui laissai le temps de vérifier l’état de sa sangle et de se hisser en selle comme je l’avais fait, avec un cube. Les cubes, fidèles amis des cavaliers ! Qu’est-ce qu’ils pouvaient être pratiques ! Surtout après une bûche douloureuse.

Je continuai à marcher au pas en gardant un œil sur elle, et lorsqu’elle arriva à ma hauteur, je pris la tête du binôme en direction du chemin de balade. J’inspectais rapidement le sol : il n’avait pas l’air trop dur, et quand nous irions dans la forêt encore moins. J’espérais juste que la plaine n’était pas recouverte de verglas ! Je me retournai sur ma selle, et, prenant appui sur le troussequin de la selle, demandai :

-J’ai besoin de ton avis : balade mignonne au pas, trotting ou alors on teste les juments sur un galoping ? Je te le dis tout de suite, je n’ai aucune idée de ce que Jamaïc vaut en extérieur, je ne l’ai vu sauter que quelques fois, je l’ai acheté un peu sur un coup de tête, et puis elle a geste qui me plaît bien… Bref, comme je ne pourrais pas sauter avec Apocalypse avant un certain temps, avant de l’avoir un peu domestiqué en fait, elle sera bien pour le travail de perfectionnement. C’est comment le petit nom de la tienne ?

Etoly me donna le nom et l’âge de la jument. Je n’en demandais pas tant ! Mais quitte à tout faire… Elle me parla en deux mots de son caractère et me proposa un trotting ou un galoping. Pourquoi pas. Je servirai encore une fois de crash test. Deux fois dans la même journée… Mais pas pour les mêmes raisons. Bof… Une jument de club devait déjà avoir tout vu et ne pas être trop peureuse… non ? Je la surestimai peut-être un peu mais tant pis.

-Bon bah va pour le galoping, mais on va peut-être trotter un peu avant non ? Je ne voudrais déjà la blesser. Ou si on galope, c’est tout doucement. En espérant pouvoir contrôler malgré le froid !

Ma jument semblait connaître le chemin par cœur. Je n’avais pas fait mine de me retourner, mais elle continuait d’avancer à allure égale, le long du chemin bordé d’arbres. Je me remis enfin correctement sans pour autant remonter sur mes rênes et estimai la longueur jusqu’à l’orée de la forêt. On avait un bon kilomètre avant que les bois ne deviennent plus épais. De nouveau, je me retournai en direction d’Etoly.

-Tu veux passer devant ou je te sers de crash-test si un hibou décide de se mettre en travers de notre chemin ? plaisantai-je.

J’avais l’impression de ne faire que parler depuis ce début de balade. Moi qui d’habitude n’étais pas un moulin à paroles, surtout à cheval… J’avais proposé à Etoly de prendre la tête ou de rester derrière suivant ses préférences. Visiblement, sa jument était soft en extérieur, mais ne savait-on jamais ! Elle argumenta qu’on pourrait se mettre au botte à botte. Je haussai les épaules. Comme elle voulait. Je m’installai à nouveau droite sur ma selle. J’entendis les foulées légères d’Olena qui trottait pour revenir à ma hauteur. Je la laissai faire et lorsque nous fûmes côte à côté, je pressai les flancs de ma jument pour passer à l’allure supérieure. Enfin un vrai trot et pas un tölt ! Je n’avais pas remonté sur mes rênes, si bien que ma jument faisait la table basse, l’encolure à l’horizontale, très longue et un peu plan plan. Je m’en surpris un peu. Mais lorsqu’elle remarqua qu’on faisait « la course » avec Olena, elle remonta progressivement l’encolure et commença à allonger ses foulées. Je fus bien obligée de remonter sur mes rênes pour la freiner un peu. Pas parce que je risquai de semer Olena, je pensais bien qu’elle ne se laisserait pas distancer, mais parce qu’elles n’étaient pas encore échauffées et on courait –ou trottait en l’occurrence– à la catastrophe si je la laissai faire. Je jouai un peu dans mes doigts : la jument refusa de céder. Pire, elle leva la tête si haute que je n’avais même plus de contact. Elle devait être vexée que je la force ainsi à freiner, je ne voyais pas d’autre explication. Ou alors elle était coquine ! Finalement, je relâchais un peu de pression accumulée dans mes bras lorsqu’elle s’était rebellée et elle accepta de baisser un peu la tête, juste assez pour que je puisse reprendre un semblant de contact et freiner.

Ca y est, j’avais perdu en partie ma jument. Deux neurones de bêtise venaient sûrement de se rencontrer. Ca faisait partie de son charme ! J’avais plus ou moins réussi à la reprendre, mais j’avais bien vu qu’Etoly avait freiné sa jument plus que nécessaire pour rester un peu en arrière. Lorsque j’eus d’avantage repris le contrôle, on se remit au botte à botte.

-Ta jument est une peluche, elle ne s’est même pas monté la tête ! fis-je en riant.

Nous atteignîmes les bois. Le chemin était assez large pour que nous avancions de front toutes les deux, mais il était jonché çà et là de flaques d’eau verglacée. Je ralentis l’allure et pris de nouveau la tête de notre quatuor. Je connaissais le chemin pour aller jusqu’au pré comme ma poche ! Nous nous retrouvâmes à une intersection en étoile où cinq chemins menaient dans différentes directions. Je pris le premier à droite. De nouveau, Jam commençait à chauffer, et j’avais de plus en plus de mal à la canaliser. Elle avait envie de galoper, ce n’était pas méchant comme réaction, juste très vif.

On atteignit le champ au bout d’à peine cinq minutes de trot. Au sortir du bois, pas de vaste étendue verte, mais plutôt un grand tapis blanc : la neige avait tout recouvert sur quelques centimètres. Je jetais un coup d’œil à Etoly.

-Tu as déjà piqué un galop dans la neige ? demandai-je.

La lisière du bois juste derrière nous, les yeux rivés sur l’étendue blanche qui se présentait, j’avais demandé à Etoly si elle avait déjà galopé dedans. Après la balade sur la plage en maillot de bain au coucher du soleil suivi d’une baignade avec ma monture, galoper fond de balle dans la neige était une balade rêve ! Ceci dit, je n’aurais certainement pas pris Apocalypse pour faire ce genre de balade, ou mon maillot de bain serait rapidement rempli de sable !

Soudain, je vis Etoly dans mon champ de vision. Elle avait lancé sa jument avant de ma répondre, mais je distinguais encore ce qu’elle me disait.

-C’est pas du jeu, il y a faux départ !

Je détendis les rênes, ne retenant plus ma jument. Elle avait compris le jeu et je n’eus même pas besoin de plus : elle détala au galop, les postérieurs s’engageant sous la masse, les antérieurs loin devant, si loin que si je baissai les yeux je pouvais les voir. Je la poussai, l’encourageai de la voix, et je finis par grignoter petit à petit la distance nous séparant d’Etoly. Jam galopait ventre à terre, je ne sentais même plus le mouvement. Elle devait décupler les efforts pour sortir les pieds de la neige. Je me retrouvai à nouveau à hauteur d’Etoly.

-M’oublie pas trop vite !

Les juments se montaient la tête, elles ne cédaient pas un pouce de terrain, allongeant l’allure eu maximum. Malheureusement, je n’avais pas un pur-sang et Olena n’était pas un Shetland à micro-patounes, aussi nous nous trouvâmes vite limitées.

J’avais remonté Etoly. Dire que ç’avait été « sans difficultés » aurait été un peu exagéré, je savais que Jam donnait le meilleur d’elle-même et visiblement la course la ravissait ! Nous arrivâmes au botte à botte et aucune de nous ne put plus prendre la tête. Seulement, vu la vitesse à laquelle nous parcourions le champ, l’extrémité s’en approchai. Bientôt, je pus voir la barrière. Je vis Olena secouer la tête, mécontente, et je pris la tête de la course. Si elle commençait à freiner maintenant, c’était pour manœuvrer, pas pour nous arrêter à un aller simple. Je pris un peu d’avance avant de me décider moi aussi à ralentir l’allure. Si je voulais tourner sans me faucher, j’étais obligée de reprendre. Je freinais en me grandissant –prise au vent power !– mais Jam n’était pas de cet avis et pila tout d’un coup sec. Heureusement pour moi, elle avait gardé la tête haute et mon nez vint heurter son encolure. C’aurait pu être pire, j’aurais pu choir !

Mademoiselle la princesse fit demi-tour d’elle-même après avoir vu Olena faire de même. Et ce fut reparti ! Jam lui courut après et la remonta foulées après foulées. Elle prenait un maximum d’amplitude, et je voyais à nouveau les antérieurs sous la masse. Je n’osais pas regarder en bas, de peur de piquer du nez. Au botte à botte, Jam cadra ses foulées sur celles d’Olena. Au lieu de se monter la tête et d’accélérer, elle se contenta de galoper à sa vitesse. Et j’avais beau la pousser, elle refusa de faire plus. Morue !

Le virage effectué, je rattrapai à nouveau Etoly et nos juments se mirent à galoper ensemble. C’était mignon ! Mais bon, moi je voulais gagner… Tant pis pour cette fois mais elle ne l’emporterait pas au Paradis ! A allure égale, nous repartions vers les bois. J’arrêtai Jam juste avant les chemins en terre constellés de plaques translucides. Si nous voulions vraiment faire un galoping, il fallait rester là, dans le champ enneigé. Je savais qu’il donnait sur d’autres champs et couvraient toute une frontière de la forêt.

-On peut longer le champ pour le galopin, dans les bois ce serait trop dangereux, nous risquerions de trébucher.

Je flattai l’encolure de Jam : elle ne suait pas mais je sentais sa respiration qui me faisait partir d’avant en arrière, et nous commencions à fumer. Elle devait être cuite à point ! Je la fis volter et, ne gardant qu’une main sur les rênes détendues, les fesses dans ma selle, je demandais un départ au galop. Elle me le donna avec plaisir et je partis ainsi, mon bassin accompagnant ses mouvements légers.