Box de Peace Maker

John parcourait mécaniquement les annonces de chevaux destinés à la vente. Il avait perdu quelques têtes au fil des années qu’il n’avait pas remplacé, et maintenant il manquait cruellement de montures acceptables pour ses ranchers. Les bons chevaux de travail de bétail se faisaient rare de nos jours, la plupart des quarter horses ayant été dirigés vers la compétition et les disciplines de vitesse. Pourtant, initialement, ceux-ci étaient destinés à travailler dans les ranchs de longues journées, parcourant des kilomètres à travers monts et vallées pour assurer le bien-être du bétail. John allait fermer son ordinateur furieusement, n’ayant rien trouvé qui l’intéressait, quand l’annonce d’un grand cheval noir attire son attention. Il y avait un moment qu’il cherchait à renouer avec son plus jeune fils, Kayce, et sans savoir pourquoi, ce cheval venait de lui offrir la plus belle opportunité. Sans réfléchir, le cowboy compose le numéro indiqué sur la fiche et prend rendez-vous pour le soir-même.

Quelques heures plus tard, il franchissait le portail d’acier d’une installation majestueuse au volant de sa rutilante camionnette. Au moins, il n’avait pas l’air de quelqu’un qui n’avait pas d’argent à investir avec son camion neuf et la remorque agencée. Il roule des yeux avant de s’engager dans l’allée pavée et de suivre le chemin jusqu’au bâtiment principal, où le vendeur lui avait donné rendez-vous. Ce dernier, vêtu d’un pantalon d’équitation blanc et d’un chandail coloré l’attendait, les yeux rivés sur son cellulaire. Le bruit du moteur diesel lui fait arquer un sourcil et un sourire mesquin se dessine sur les lèvres de John. Il se gare à l’endroit pointé du doigt par le propriétaire et descend de camion avant de poliment serrer la main de l’homme devant lui. Il lui emboite ensuite le pas vers les paddocks, où se trouve le cheval noir dont il avait vu l’annonce. Le cheval de sport s’approche de la barrière où étaient accoudés les deux hommes et les regarde d’un oeil doux, mais vif et intelligent.

L’étalon noir n’est pas petit, et il est complètement le type de cheval que son fils aimait avant qu’il ne parte pour l’Europe. Depuis, John ne lui avait adressé la parole que quelques fois, Kayce conservant leurs rapports au strict minimum. Alors qu’il était perdu dans ses pensées, le cheval s’approcha de lui et le cowboy lui caressait le bout du nez d’une main distraite. Le propriétaire actuel vantait les qualités et le potentiel du cheval, mais l’homme ne l’écoutait que d’une oreille, observant l’animal qui se déplaçait gracieusement sous ses yeux. Ses allures sont aériennes, légères et très plaisantes à regarder, même pour un homme préférant largement les muscles américains. Malgré son jeune âge de quatre ans, ses muscles sont bien formés et définis, définitivement, le cheval est prêt à commencer un travail plus sérieux. D’un mouvement sec, l’homme se retourne vers le vendeur et lui serre la main, glissant un chèque dans cette dernière, acceptant toutes les conditions de vente sans même négocier le prix. Surpris, son interlocuteur s’était retourné et marchait d’un pas rapide vers l’écurie pour aller chercher le licol et la longe de l’étalon, de peur que l’acheteur ne change d’idée. Il revient moins d’une minute plus tard, muni d’un licol en cuir qu’il tend d’une main à John avant de le laisser avec le cheval, s’excusant qu’il avait autre chose à gérer.

Le cowboy entre dans le paddock de l’étalon qui l’attendait patiemment. Il lui enfile le montant en cuir qu’il ajuste correctement avec de lui tapoter l’encolure. L’homme tient la longe d’une main et fait une inspection rapide du cheval - ses membres sont sains, il avait simplement une petite gale de boue au niveau des paturons. Cette dernière se soignait très bien avec une petite pommade, qui avait été préalablement appliquée avant qu’il ne soit mis en prairie suggéra le cowboy. Il termine son inspection en faisant trotter le cheval autour de lui, ce qui confirmait ces pensées. Ce cheval est réellement prêt pour un nouveau travail, et Kayce l’aimerait sûrement. De sa main libre, John pousse la porte du paddock et la referme derrière eux, avant de prendre le chemin de la remorque. Il descend la rampe d’embarquement sans que le cheval ne bronche, et il y monte sans faire d’histoire. De mouvements experts, l’homme noue la longe à un anneau situé en hauteur et referme la remorque derrière lui, avant de se mettre au volant de son camion noir.

Le cowboy parcourt la longue route séparant New York du Texas, perdu dans ses pensées. Au fond, Kayce accepterait-il son cadeau, ou bien lui retournerait-il l’animal? L’homme arrive finalement devant le portail du domaine de son fils et une bouffée de chaleur lui monte aux joues. Le portail massif imposait aux visiteurs une dose de respect pour les occupants et une longue allée asphaltée menait à plusieurs bâtiments bien entretenus. La fierté lui décroche un sourire en coin, puis la réalité le frappe de plein fouet une fois de plus. Comment son garçon allait recevoir ce cadeau? Alors que son pied sur l’accélérateur s'allège à mesure qu’il avance vers l’écurie principale, un rapide coup d’oeil aux alentours lui confirme que personne n’est pas les parages. Même la voiture de Kayce n’est pas garée devant la maison. Au moment où il éteint le moteur de son camion devant l’écurie, une palefrenière en sort et lui demande ce qu’il fait ici exactement. Afin d’éviter les embrouilles, John mentionne seulement qu’il doit livrer un nouveau cheval au propriétaire, ce qui n’était pas totalement faux. Il descend la rampe de la remorque avant de détacher l’étalon noir et de le mener dans l’écurie, où il aura maintenant sa place. Avant de partir vers son ranch, John attrape un morceau de papier dans la console de son véhicule et n’écrit que deux mots dessus PEACE MAKER.

Mention du dé clinique - gale de boue

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L’homme s'engouffre dans l’allée pavée de son domaine à une heure tardive. Les lanternes accrochées aux arbres bordant le chemin guidaient sa route vers les bâtiments principaux, et sa maison. Son coeur était plus léger que les derniers jours, et la petite soirée à l’extérieur du domaine lui avait fait un bien fou. Les lumières de l’écurie principale, la sienne, étaient encore toutes allumées à son arrivée, et cet inhabituel comportement pique sa curiosité. À peine était-il descendu de voiture qu’il arrivait devant l’entrée du bâtiment. Il pousse la porte d’une main et aperçoit Alex qui caressait une tête noire sortie du box. Le jeune homme passe une main nerveuse dans son indomptable tignasse avant de se racler la gorge pour demander qui était ce nouvel arrivant. La blonde lui fait un timide sourire, rapportant seulement ce qu’on lui avait dit, que quelqu’un était venu livrer un cheval pour lui en début de soirée. Ses sourcils froncés et ses yeux plissés trahirent son étonnement, alors que la palefrenière lui tendait un morceau de papier. Deux mots seulement y étaient inscrits PEACE MAKER. Il aurait pu reconnaître cette écriture entre mille, c’était celle de nul autre que son paternel.

Son sang se glace dans ses veines et sa bouche est sèche. Ses doigts tapotent nerveusement le revers de son téléphone, alors que ses yeux sont incapables de se détacher des lettres noircies sur le morceau de papier. La couleur avait quitté son visage et il avait besoin de respirer l’air frais. Kayce se retourne d’un seul mouvement et court jusqu’à l’extérieur de l’écurie, où il appuie ses mains sur ses genoux et respire rapidement. Les crises d’angoisses avaient cessé depuis longtemps, mais cette situation ne lui était que trop familière. Il essuie les gouttes de sueur qui perlent sur son front avant d’inspirer un bon coup et de reprendre sa contenance. L’homme secoue la tête, puis reprend le chemin de l’écurie, le morceau de papier froissé dans sa main gauche. L’étalon noir attend sans bouger, ses yeux vifs et intelligents rivés dans les yeux foncés du jeune homme. Ce dernier s’arrête devant son box et l’observe attentivement. C’est un jeune cheval au vu de sa conformation qui n’avait pas atteint sa pleine maturité, mais il est musclé. Son corps athlétique promet de grandes choses pour son avenir, peu importe la discipline choisie, il saura s’adapter. Ses fines oreilles bougent chaque fois que le cavalier fait un mouvement, attentives. Globalement, c’est un animal absolument magnifique, bien conformé et surtout il dégage quelque chose qui donne envie d’être avec lui.

Le seul problème, c’est que le cheval est arrivé ici par le biais de son père. Mille questions lui trottent dans la tête pendant qu’il caresse machinalement la joue de l’étalon noir. Qu’est-ce qui avait bien pu pousser son père à amener cet étalon ici? Pourquoi avait-il fait l’acquisition d’un cheval de sport au lieu d’un américain? Tandis que toutes ces questions défilaient dans sa tête, Kayce savait qu’il n’avait d’autre choix que d’appeler son géniteur. Il sort donc son smartphone de la poche de son jean et d’un doigt tremblant ouvre la fiche contact de John Dutton. Le brun passe une main nerveuse dans ses cheveux avant de prendre une grande inspiration et son courage à deux pour appuyer sur le numéro affiché. Au bout de deux sonneries, la voix rauque de son père retentit dans ses oreilles, créant en lui un frisson qui lui parcourt l’échine.

- Kayce.

Ce dernier déglutit à entendre son père dire son nom. Il y avait fort longtemps qu’ils ne s’étaient pas adressés la parole, bien avant son retour au Texas. Le doux nez de l’étalon KWPN se place au creux du cou du jeune homme et son souffle chaud lui donne le courage nécessaire pour affronter cet appel téléphonique.

- Pourquoi?

Ça a été le seul mot que Kayce avait pu prononcer. Et il était lourd de sens… Pourquoi a-t-il fait ce qu’il avait fait concernant le ranch et l’héritage? Pourquoi avait-il amené ce cheval ici? Et surtout… Pourquoi maintenant?

- Fils, nous devrions nous rencontrer quelque part pour discuter face-à-face. Accepte le cheval, je pense que vous vous entendrez.

John connaissait bien son fils, il ne savait que trop bien que le jeune homme refuserait un cadeau de réconciliation, mais qu’il ne refuserait jamais un cheval. Ce n’était pas dans ses valeurs, un animal est bien plus qu’une voiture à ses yeux. Kayce lève les yeux au ciel et passe une main sur le chanfrein du cheval qui était toujours à ses côtés.

- Peace Maker, vraiment? Je te contacterai bientôt pour que nous prenions ce café que tu m’avais promis jadis.

Un sourire s’esquisse au coin des lèvres du brun. Malgré toutes ces histoires familiales sans queue ni tête, son père demeurait son père, et il vouait un amour inconditionnel à la famille. Bien sûr, John aurait du chemin à faire avant qu’ils ne retrouvent une relation moins compliquée, mais il lui laisserait sa chance.

- Vraiment. Je te ferai parvenir ses enregistrements.

Un clic se fit entendre. Sans attendre de réponse, John mit fin à leur conversation. Kayce rit, c’était tellement habituel que ça ne le surprenait même plus. Il range donc le téléphone dans sa poche de jean et entre dans le box du cheval noir. Après ce revirement de situation, il ressent le besoin de passer du temps avec les animaux, et qui de mieux placé que le cheval ayant créé toute cette commotion? Il lui passe un licol au-dessus de la nuque qu’il ajuste avant de sortir, Peace Maker sur les talons, et il se dirige vers l’aire de préparation. Il l’attache solidement aux anneaux situés de chaque côté de son licol et part à grandes enjambées vers la sellerie récupérer du matériel. L’horloge murale dans l’écurie indiquait près de vingt-deux heures, mais il n’était jamais trop tard pour une séance de pansage. Il revient donc auprès du grand noir les bras chargés de brosses, qu’il dépose toutes sauf une, l’étrille en caoutchouc.

Il entame donc la petite séance en faisant de longs mouvements circulaires sur son encolure, puis sur ses épaules. Comme il fait son poitrail, Peace Maker lève la tête et remonte sa lèvre supérieure, faisant éclater de rire le propriétaire. Aussitôt les éclats de rire entendus, le noir abaisse sa tête et la tourne un peu de côté, les yeux renversés vers l’arrière. Kayce ne cessait de gratter son poitrail, tantôt avec l’étrille, tantôt avec ses doigts. Après cinq longues minutes, il termine sa tâche et prend une brosse dure, qu’il lui passe sur tout le corps. Il met fin à la séance en enchaînant la brosse dure, le peigne et le cure-pied. Ce dernier lui révèle une surprise - le cheval est victime de gales de boues, mais elles avaient déjà été traitées, il fallait seulement faire un autre traitement pour en venir à bout. Le cheval ne sortirait donc pas à l’extérieur lors de mauvais temps pour ne pas aggraver sa situation. Kayce fonce à la sellerie chercher une pommade et revient en appliquer sur les paturons de l’étalon. Ce dernier ne bouge pas d’un poil durant les soins donnés par l’humain. Lorsque sa tâche est terminée, le jeune homme remet le cheval au box et éteint les lumières de l’écurie derrière lui dans un bâillement. Il était temps pour lui d’aller se mettre au lit, demain est un autre jour.

Mention du dé clinique - gale de boue

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