Prairies • Sast

Depuis un mois et demi, j'avais beaucoup négligé ma géante grise, Diva. Au début, c'était prévu et temporaire, l'approche des fêtes annonçant des vacances bien méritées, autant pour moi que pour elle. Malheureusement, depuis le jour de Noël, cette pause choisie était devenue une négligence subit... Des différents avec mon meilleur ami m'avaient beaucoup affectés à ce moment là, et s'en était suivi, tout à fait à part, un drame animal... Ma petite minette, Juliette, s'était enfuie de la maison à Noël, et j'avais remuée ciel et terre pour la retrouver... Ce qui fut fait, mais c'était trop tard... Alors que j'étais encore endeuillée depuis presque une semaine, enfin me revint la réalité : j'avais d'autres animaux qui attendaient mon amour et mes soins. Quoi que d'amour, Diva n'avait pas encore grand besoin, car nous ne nous connaissions pas encore depuis si longtemps, et je crois qu'elle ne me portait pas encore dans son coeur, ni ne s'était prise d'affection encore. Mais il fallait bien la sortir, pauvre jument qui croupissait dans son box, et qui n'était lâché que par le palfrenier du Haras De Pado en compensation de mes absences répétées. Il était tant de se reprendre en main, et que ça change.

C'est ainsi qu'en ce jour froid, mais ensoleillée, de la nouvelle année, je retournais enfin m'occuper de ma Diva. Je m'attendais à un acceuil pas très chaleureux de sa part, normal après ce que je lui avait fait... Mais, après l'avoir brossé, et tant bien que mal passé une couverture bien chaude en doudoune, elle sembla changer d'attitude. Elle adopta d'abord une attitude complètement neutre, marchant sagement à mes côtés, et semblant me jauger, chose qu'elle n'avait jamais fait jusque là. Et une fois dans le prés, alors que je lui retirait son licol, elle ne partit pas en trombe comme à ses habitudes, ayant hâte de me quitter, et malgré le froid... Non, elle resta là, se plaçant presque devant moi.

Je tendis la main pour lui caresser le chanfrein avec ma main gantée. Elle ne chercha pas à m'éviter, et pencha même un peu sa tête, comme pour m'éviter de lever le bras. L'instant ne dura que quelques minutes, au milieu de la prairie encore givrée de la fin de matinée. De la fumée sortait de ses naseaux. C'était magnifique de voir son souffle, et de la contempler là, bien vivante, elle. Cela ne dura que quelques minutes, et elle partit d'un pas vif, en me tournant le dos, un peu comme si elle avait honte du réconfort qu'elle m'avait donné. Je retrouvais alors son ignorance envers moi, s'occupant de sa vie, grattant le sol, et commençant à trotter à sa guise, de plus en plus loin.

La voyant s'éloigner, sa majesté me frappa. Elle n'était pas méchante, ma Diva, je le savais. Ce très court mais incroyable moment d'attention me toucha profondément. Elle avait sentie en moi la peine que j'avais, si forte et douloureuse... Elle l'avait sentie, et avait montrer un instant de compassion, et ce malgré le fait que je n'étais plus venue la voir depuis trois grosses semaines. Il n'était pas questions de refaire les mêmes erreurs avec elle que celles que j'avais faites avec mon malheureux chat. Diva avait plein d'amour à donner, mais elle était juste bloquée, à force de passer de main en main, et j'avais faillis lui faire croire que j'allais faire pareil. Le froid mordant me remettait les idées en place, alors que je m'éloignais. Avec courage et patience, je changerais le coeur de pierre de ce cheval en coeur vif, solide et plein d'amour. En 2022, aucun animal ne sera laissé pour compte.