Quand son père coupa enfin le moteur de la voiture sur le parking des écuries, Rosemary - Rose de son petit nom - se précipita à la portière. Elle l'ouvrit sans ménagement, sauta hors du véhicule et s'avança vers l'écurie sans même refermer la porte. Elle entendit son père qui sortait à son tour et comblait son oubli, avant de la suivre. Tandis qu'elle marchait d'un pas fier, la tête haute, Rose ignorait les regards que les autres occupants du domaine braquaient dans sa direction. La famille Winters était renommée grâce à sa richesse, et la jeune fille avait l'habitude de ce genre de milieu. De plus, elle appréciait d'être le centre d'attention. En ce jour très spécial, l'enfant arborait une tenue d'équitation flambant neuve. Une veste blanche taillée sur mesure venait compléter un pantalon gris anthracite. Ses gants encore un peu raides et ses bottes lustrées étaient noirs, de même que la bombe qu'elle tenait à la main. Elle avait attaché ses longs cheveux blonds en queue basse, afin de ne pas être gênée avec le port du casque. Rose traversa l'allée principale de l'écurie luxueuse. Elle ignora le petit hennissement qui retentit à son passage devant le box de son ancienne demi-pension. Le poney serait attribué à quelqu'un d'autre de toute façon, ce n'était plus sa monture désormais, il fallait qu'il s'y habitue. Continuer d'aller le voir ne servait à rien. Et, surtout, elle ne voulait pas perdre une seconde. Bifurquant dans une allée perpendiculaire, Rose arriva bien vite face au box qu'elle cherchait. Se hissant sur la pointe des pieds, elle regarda à l'intérieur. Une jument gris pommelé, absolument magnifique, redressa la tête pour l'observer.
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Rosemary Winters, vous auriez pu au moins m'attendre !, la réprimanda son père en arrivant enfin à son niveau.
La jeune fille l'ignora royalement, les yeux rivés sur la jument.
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Est-ce Enchanted Ivory, Père ?, demanda-t-elle d'une voix excitée.
L'homme acquiesça d'un mouvement de tête, et Rose n'eut pas besoin d'autre confirmation pour ouvrir aussitôt la porte du box et s'engouffrer à l'intérieur. Son père sembla sur le point de protester, avant de se résigner, sachant que c'était inutile et qu'elle ne l'écouterait pas de toute manière. Dans le box, la jeune fille s'était approchée de l'anglo-arabe, qui n'avait pas bronché. Quand Rose tendit la main vers elle, la jument de petite taille s'en approcha lentement, la reniflant. Et alors que sa nouvelle propriétaire commençait à la caresser, la grise ferma les yeux, savourant ce premier contact. Tout en elle respirait la douceur et la gentillesse. Rose était aux anges. Enfin, son propre cheval ! Elle avait dû taper du pied de nombreuses fois avant que ses parents ne cèdent cette fois. Mais en leur promettant de devenir une cavalière de prestige, championne du concours complet, elle avait marqué les derniers points lui permettant d'obtenir ce qu'elle voulait. La renommée et la gloire étaient l'autre monnaie des Winters, et si Rosemary était encore trop jeune pour faire la fierté de ses parents avec sa fortune, alors elle choisirait cette seconde option.
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Alors, elle te plaît ?, lui demanda son père pendant que l'enfant flattait toujours sa jument.
Rose se tourna vers lui, d'un air interrogateur. Son père ne la tutoyait jamais hors de la maison. Il devait être d'excellente humeur en ce jour. Souriante, elle acquiesça.
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Elle est parfaite ! Merci, Père !, s'exclama-t-elle.
Puis-je la monter, maintenant ?L'homme semblait hésitant, ne sachant quoi répondre. N'en pouvant plus d'attendre, Rose prit la décision à sa place. Elle alla chercher un harnachement dans la sellerie, à défaut d'avoir le sien pour le moment, puis entreprit de seller sa jument. Son père ne put qu'observer la scène, impuissant. Une fois Ivory équipée, Rose la sortit de son box et la mena vers la carrière, suivie à distance par son paternel, qui était moins à l'aise avec les équidés que sa fille.
Une fois dans la carrière, Rose demanda - ou plutôt exigea - l'aide d'un palefrenier qui passait par là pour se mettre en selle. Une fois sur le dos de la grise, elle le congédia sans un merci. Puis, elle talonna la jument. Ivory se mit en marche aussitôt, docile. Elle était relativement petite, d'une taille idéale pour sa cavalière. Son pas était élégant et, lorsqu'elle testa les autres allures par la suite, Rose vit qu'elles étaient superbes. L'anglo-arabe ferait des miracles sur un carré de dressage, sans le moindre doute. Tandis qu'elle la faisait tourner dans la carrière, la guidant avec fermeté, Rose put s'habituer à sa nouvelle monture. Elle était très agréable sous la selle et ne semblait rechigner à aucune demande. Très obéissante, la jument s'exécutait au moment précis où elle recevait un ordre. Jamais elle ne protesta ou ne fit d'écart. En résumé, elle était parfaite. La jeune fille ne pouvait rêver mieux. Avec un cheval pareil, elle allait être la star de ces écuries et rendre jalouses bon nombre de filles de son âge. Ses rivales n'auraient qu'à bien se tenir ! Après un petit quart d'heure sur le dos d'Ivory, Rose finit par la faire ralentir jusqu'à l'arrêt total, puis par mettre pied à terre. En sortant de la carrière, elle tendit les rênes à un autre palefrenier, et ne les lâcha pas avant d'avoir donné ses directives.
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Ramenez-là dans son box et pansez-là. Faites très attention, elle a coûté cher !, dit-elle avec une autorité normalement inexistante chez une enfant de douze ans.
Tandis que le palefrenier s'éloignait avec Ivory, Rose se tourna vers son père.
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Je veux être inscrite dans les cours des trois disciplines du concours complet. Tout ceux disponibles. Voyez si ils font des cours privés aussi. Je veux être la meilleure., lâcha-t-elle.
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Bien sûr.», répondit son père.
Puis il tenta de la rattraper tandis qu'elle se dirigeait déjà vers le parking. Rosemary était bien déterminée à atteindre son objectif. Revigorée par la perspective des mois à venir, elle remonta dans le véhicule. Elle aurait aimé passer plus de temps avec Ivory mais avait d'autres choses à faire. Son cours de violon commençait dans une heure et elle devait seulement prendre son bain.
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