Cela faisait bien huit mois que je n'avais plus touché un poney ou un cheval. Le manque. Vous n'imaginez pas ce que c'est. Je rêve d'eux la nuit. J'espère pouvoir démêler leurs crins, caresser leur douce robe, pouvoir trotter enlevé et galoper sur la plage cheveux au vent. Mais trèves de bavardages. Aujourd'hui, c'était l'explosion de joie. Enfin, j'ai enfin pu remettre les pieds dans un centre équestre. J'avais quitté mon ancien. Je le trouvais très chouette au début, je montais pas mal mais au fur et à mesure, à parler avec d'autres fan de chevaux à mon école, je me suis rendu compte que les chevaux dans ce manège là n'étaient pas top. Ils montraient tous des côtes à cause de leur maigreur et la surcharge de leçons par jour. Je ne m'en étais jamais rendus compte jusqu'à un jour. Celui où Kenzo nous a quitté. Un adorable fjord. C'était mon préféré, mon chouchou. Je pense que, je n'avais pas quitté le club pour lui. Parce qu'il était mon chouchou et que j'adorais passer du temps avec lui. Avoir l'occasion de venir plus tôt pour le préparer et le panser était pour moi un bon jour. Mais il arrivait encore très souvent qu'il soit déjà préparé -avec selle et filet tout compris-, même si sa robe était encore toute sale. Je n'oubliais néanmoins jamais de lui donner son sucre en fin de séance, même si ce n'était pas moi qui le montait (pour cela que j'en prenais souvent deux en réservé, "au cas où"). C'était devenu notre rituel. Le jour où Kenzo est parti, le charme du centre équestre avait perdu de l'éclat. Je me rendais compte de la profonde dépression de la plupart des poneys et leur extrême fatigue. Des boxs insalubres, fort sombres et très étroit où ils étaient parfois plusieurs à patauger dans leurs crottins... J'ai eu tôt fait d'arrêter. Je pensais même ne plus remonter à cheval. Mais le destin en a décidé autrement. Le jour où, mes parents et moi avons découvert le Haras de Pado, je n'ai pas résisté à l'appel des chevaux. Ma mère savait que Kenzo me manquait et je n'avais dès lors plus fait de sport. C'était donc une très bonne raison pour tenter d'en savoir plus sur le Haras de Pado.
Tout a commencé avec ma mère. Nous avons plusieurs fois vu le manège en passant sur la route, en voiture. Je fixais toujours les installations avec de grands yeux. Jusqu'alors, il s'était avéré que c'était uniquement une écurie de propriétaire et puis, avec le temps... Ils avaient dû faire un poney-club. Un jour de semaine alors qu'elle était seule, après le travail et avant d'arriver à la maison, ma mère s'y est arrêtée pour s'informer. Selon elle -elle me l'a dit bien après-, l'accueil avait été chaleureux et le cadre verdoyant qu'elle fut immédiatement séduite. Le Haras de Pado et l'ancien centre équestre c'étaient le jour et la nuit. Aucun rapport ! Nullement comparable.
Le week-end qui avait suivi sa visite, samedi, elle a téléphoné au haras pour savoir si je pouvais venir. Elle savait que je n'avais rien de prévu pour ce dimanche et avait sauté sur l'occasion. Ainsi, dimanche matin. Hop, hop, debout à 9h du matin, sans prévenir.
«
On doit aller quelque part, allez ! Debout lèves-toi, mange et on y va. »
Je suis sortie du lit avec de gros cernes sous les yeux, les paupières à moitié fermées au-dessus de mon bol de Frosties de Kelogg's que je manquais à chaque fois d'y laisser tomber ma tête dedans. Mais soit. Je m'habille et au moment de mettre mes chaussures, ma mère m'interpelle.
« Non, pas tes baskets, mets des autres que tu peux salir. Tiens. »
Elle me tend mes vieilles bottines d'équitation mais, moi, le temps que je comprenne cela, j'étais déjà dans la voiture en train de somnoler. Je ne me suis réveillée qu'à mi-chemin entre la maison et le manège. Attendez... Les bottines de cheval, le chemin pour aller dans ce nouveau centre équestre et ma mère muette sur notre destination. C'était louche. Tant et si bien que, d'un coup, je m'impatientais sur mon siège. Je n'osais demander, et en même temps, je ne voulais pas trop espérer non plus de peur d eme faire de faux-espoirs. Ca arrive tout le temps. Vous imaginez le meilleur et il vous arrive le pire ensuite. Imaginez. Je pense aller dans ce nouveau haras et voilà qu'on irait tout droit juste pour retrouver notre médecin traitant en vacances dans une ferme paumée car ma mère se faisait du souci car j'avais mal de ventre hier... Tout peut arriver ! Mais au fond de moi, j'espérais de tout coeur.
La fréquence cardiaque chez un homme adulte au repos se situe environ à 80 pulsation par minute. Sur le coup, j'ai dû battre le record de 220/min lorsque ma mère a tourné pour rentrer sur le parking du Haras de Pado. Je me sentais légère et lourde à la fois, de bonheur, de peur, de stress. Je tente un petit "bruit" pour en savoir un peu plus, tenter d'arracher des informations à ma mère.
«
Euh...
- Voilà, on est arrivé ma puce. Tu peux descendre. »
Elle avait parqué la voiture et coupé le moteur. Je regardais dehors et étais déjà époustouflée de voir ces installations de plus près. J'ouvre la porte et sors.
Ma mère et moi avançons un peu à tâtons dans ce grand haras avant de tomber sur la directrice. Une femme d'environ 35 ans qui avait dû beaucoup investir. Elle avait l'air fatiguée mais rayonnait de bonheur malgré cela.
«
Bonjour, tu dois être Rose, c'est bien ça ? Vous allez bien ?» Petit regard sur ma mère et poignée de main amicale.
«
Ta maman me disait que ça te manquait beaucoup de monter à poney. Ca tombe super bien car on a pas mal de poney qu'on doit sortir et monter mais on a parfois pas le temps. »
Timide, j'alterne mon regard sur ma mère et la dame sans prononcer un mot. Bon, finalement, après les deux-trois blablas la dame me dirige vers une sellerie et me tend un licol.
«
Tu vas t'occuper de Lavande. Une ponette islandais. Elle est en prairie, c'est la seule alezan. Tu sauras te débrouiller ? Tu viens l'attacher ici et la brosser, la préparer à ton aise. Je vais mettre tout le matériel que tu ne manques de rien. »
Elle joint des gestes à ses paroles pour m'indiquer la prairie, la salle de pansage... Elle ajoute également que Lavande est difficile à prendre au pré et que je ne devais pas hésiter si je n'arrivais pas à l'attraper à lui demander de l'aide. C'est donc ainsi que j'ai passé un quart d'heure dans sa prairie à tenter de l'attraper sans succès. Même en cachant le licol derrière mon dos elle galopait à toute allure quand elle me voyait arriver. C'est finalement la dame qui est venue, ne me voyant pas arriver. Un seau de nourriture à la main, il n'a pas fallu longtemps à Lavande pour venir la voir et lui mettre le licol. On l'a emmené sur l'air de pansage et j'ai eu le plaisir de pouvoir la brosser à mon aise sans personne pour me déranger contrairement à l'autre manège. Et qui plus est, je voyais où je brossais car l'aire de pansage, même si sous un toit, laissait filtrer d'agréables rayons de soleil. Une fois propre, je sellais et bridais. La dame est venue pour vérifier et a corrigé deux-trois trucs car je n'avais pas beaucoup l'habitude de seller. Dans mon ancien centre, les chevaux étaient déjà préparés. On nous faisait juste monter dessus puis descendre et basta. Je ne sais même pas si on leur enlevait leur matériel la nuit finalement... A se poser des questions parfois!
La dame m'a donné une bombe et m'a emmenée dans le manège. J'avais hâte !