Pandora Hills - Carrière

Survoler les obstacles

Les temps étaient étranges à Pandora Hills en ce moment. Lorsqu'elle croisait les propriétaires des lieux, Sasha voyait leurs visages fatigués. Owen en particulier semblait toujours sur le point de s'effondrer d'épuisement. Quand à Lumi ... et bien elle était enceinte et si Sasha n'avait évidemment jamais vécu cette expérience, elle se doutait que cela devait demander une énergie considérable.
La jeune fille était bien sûr au courant de ce qu'il s'était passé côté chevaux. Orléans était blessé et immobilisé au box pour les sept prochains mois. Lumi avait vaguement parlé d'un problème avec Silven, le seul paint horse de l'écurie. Mais elle n'avait eu l'occasion de s'occuper ni de l'un, ni de l'autre à part pour les nourrir ou nettoyer leurs boxes. Et celui d'Orléans était désormais interdit d'accès à toute personne n'étant pas Owen. Bref, les temps étaient compliqués. C'était pour cela que Sasha redoublait d'effort. Aujourd'hui elle devait monter One in a Million, une jument alezane, pour un entraînement de saut. Elle avait déjà eu l'occasion de monter la selle français mais pour des séances de plat seulement, ce qui lui avait permis de se faire une petite idée de son caractère. Et Sasha redoutait un peu le saut. One in a Million était appliquée mais demandait des aides précises ou sinon elle exprimait clairement son mécontentement. Mieux valait la guider d'une main experte si l'on voulait s'entendre avec elle. Mais si ses propriétaires faisaient confiance à la jeune fille pour entraîner l'alezane pour la saison, alors c'est qu'elle devait en être capable. C'était ce que se répétait la brune pour se donner le courage de se lancer.
Sasha mena donc sa monture jusqu'à la carrière, puis se mit en selle avant de commencer la détente. Elle fit tourner la jument aux trois allures, lui faisant réaliser de grands cercles pour qu'elle échauffe et assouplisse ses membres avant de commencer. One in a Million semblait dans un bon jour. Docile, elle répondait aux mouvements de sa cavalière sans rechigner. Sasha fut soulagée de voir que la séance serait plus agréable qu'elle ne l'avait imaginée. Elle s'installa donc plus confortablement sur sa selle et se détendit un peu. Tandis que la jument trottait avec légèreté, Sasha observa le parcours qu'elle avait préalablement installé. Que des verticaux, quelques enchaînements. Rien de bien complexe: One in a Million était encore jeune et inexpérimentée tandis que sa cavalière n'avait pas encore retrouvé tous les réflexes qu'elle avait avant d'arriver à Pandora Hills. Après tout, elle avait fait une pause de près d'un an avant de remonter à cheval ... Sasha fut tirée de ses pensées par l'alezane qui secoua la tête et renâcla, probablement agacée de sentir sa cavalière moins concentrée sur elle. La brune remédia immédiatement à ce problème en donnant toute son attention à la jument. Cela faisait un petit moment qu'elle avait commencé la détente, elle considéra donc que l'alezane était prête à passer aux choses sérieuses.
Sasha resserra sa prise sur les rênes et guida sa monture sur une large courbe pour aborder le premier obstacle. One in a Million suivit ses directives et, quand sa cavalière la talonna, passa au galop de travail. Le duo se plaça sur la trajectoire du saut et, d'une foulée régulière, la jument se dirigea vers le vertical. Sur son dos, Sasha se prépara à l'abord de l'obstacle. Les muscles tendus, elle attendit que l'alezane arrive à la bonne distance puis, lorsqu'elle commença à bondir, la jeune fille se mit en équilibre sur ses étriers, l'accompagnant dans son mouvement. La selle français atterrit de l'autre côté du vertical avec élégance et sa cavalière toujours sur le dos, ce qui était un bon début. Leur saut manquait de grâce mais était franchement correct pour leur niveau. Sasha continua donc sur sa lancée et reprit la main pour guider sa monture vers l'obstacle suivant, qu'elle franchirent aussi sans souci. Après avoir sauté déjà plusieurs verticaux, le duo semblait plus à l'aise et Sasha commença à se sentir confiante. Au final, l'alezane n'était pas si capricieuse que cela. Elle décida donc de gagner en précision dans leur parcours et de diriger un peu plus la séance. D'habitude, elle se contentait de suivre son instinct et de laisser sa monture gérer le reste. Mais si elle voulait s'améliorer, elle devait apprendre à mener son cheval là où elle le voulait et à analyser elle aussi son parcours afin de faire des choix stratégiques. C'est donc d'une main un peu plus ferme qu'elle continua sur sa lancée, se dirigeant droit vers un double. One in a Million renâcla une fois mais ne fit rien d'autre. Elle bondit avec agilité le premier vertical. Dès qu'elle fut de l'autre côté, sa cavalière la talonna pour réduire d'une foulée l'abord du second, ce qui ne convint pas à l'alezane. Elle accéléra cependant, suivant les ordres de Sasha. Cette dernière se prépara au saut, se soulevant déjà légèrement sur sa selle. Le vertical se rapprocha, plus qu'à une foulée du duo. Et la jument freina brusquement des quatre fers. Sasha, déjà en équilibre sur la selle, continua quand à elle son parcours. Elle partit vers l'avant, quitta le dos de la jument et passa, seule, au-dessus des barres, atterrissant dans le sable de l'autre côté. Le choc ne fut pas trop brutal mais la jeune fille roula tout de même dans la carrière, avant de s'arrêter enfin et de se redresser, assise dans le sable. One in a Million se tenait toujours devant l'obstacle, immobile. Ses oreilles étaient plaquées sur son crâne, exprimant son mécontentement. Sa cavalière se redressa et frotta rapidement ses vêtements, avant de se diriger vers l'alezane. Elle saisit les rênes et l'emmena au début du parcours à pied, la tête basse. Elle avait déjà chuté de nombreuses fois comme tout bon cavalier qui se respecte, mais celle-ci avait quelque chose d'humiliant. Sa monture lui avait clairement fait comprendre qu'elle ne savait pas ce qu'elle faisait et Sasha ne pouvait lui en vouloir pour cela. Elle connaissait le comportement de la jument et aurait dû s'en tenir à ce qu'elle savait et pouvait faire.
Lorsqu'elle se remit en selle, Sasha avait perdu toute envie d'innover ou de tester quoi que ce soit. Elle se contenta de faire comme auparavant, laissant son instinct et celui de la jument travailler de concert pour réaliser le parcours. Cette fois le double passa sans faute avec le bon nombre de foulées et One in a Million ne sembla plus se braquer du reste de la séance. Elle avait fait passer son message et savait que Sasha ne reproduirait plus la même erreur. Au fur et à mesure, la brune retrouva sa bonne humeur tandis que s'enchaînaient les sauts de plus en plus maîtrisés et qu'elle se sentait plus en harmonie avec l'alezane. Elles enchaînèrent les parcours pendant une bonne heure, s'améliorant à chaque passage maintenant qu'un accord tacite avait été conclu entre elles. A la fin de la séance, la jument commençait à transpirer, tandis que Sasha avait les jambes douloureuses de s'être tant contractées. Elle mit pied à terre et flatta l'encolure de sa monture, avant de la ramener à l'écurie où elle prendrait soin d'elle.

Une séance en douceur

Les températures étaient douces en cette belle journée de mai. Quelques nuages venaient perturber l'uniformité du ciel mais aucune averse n'était prévue. Sasha traversait la cour du domaine, des rênes à la main. Et elle ne menait pas n'importe quel cheval. Derrière elle, avançant docilement à la même allure, se tenait Soledane. C'était Owen qui montait la baie jusqu'à présent, mais hier il avait annoncé à la brune qu'elle pourrait s'occuper de la jument à son tour, à condition de la ménager, celle-ci attendant un poulain. Sasha avait donc décidé d'emmener la selle français jusqu'à la carrière pour une courte séance de plat, histoire de tester un peu la baie. La jument étant également la monture principale de Lumi, Sasha se sentait honorée de pouvoir la monter.
Pénétrant dans la zone de travail, la jeune femme referma le portail derrière elle et mit le pied à l'étrier. Soledane resta immobile tandis que sa cavalière du jour se hissait sur son dos et s'installait sur la selle. Une fois en place, Sasha claqua de la langue, ne voulant pas talonner une jument gestante. La baie se mit à avancer sans problème, marchant d'un pas régulier. La brune la guida sur un cercle faisant le tour de la carrière, s'habituant à ses mouvements et sa façon de se mouvoir. Soledane était très agréable à monter et Sasha sut immédiatement pourquoi elle était la favorite de ses propriétaires. En plus d'être adorable à pied, elle semblait totalement à l'écoute et concentrée sous la selle. Si la jument avait des défauts, Sasha ne les avait pas encore trouvés depuis les quatre mois qu'elle travaillait ici. Elle continua donc à la travailler avec le sourire, lui faisant réaliser plusieurs tours de carrière et changeant parfois de sens et de main pour corser un peu la séance. Soledane répondait aux aides avec une rapidité étonnante et semblait savoir exactement ce que voulait sa cavalière avant même que celle-ci ne l'exprime. Sasha songea qu'elle devait être incroyable en saut si elle parvenait ainsi à aider son cavalier. Elle avait hâte de s'adonner à cette discipline avec la baie lorsqu'elle serait en condition physique pour cela. En attendant, elle se contenta de ce qu'elle avait prévu pour cette séance. Après avoir fait marcher la jument pendant un bon quart d'heure et enchaîné quelques courbes et diagonales, Sasha claqua de nouveau de la langue. Un seul claquement suffit à faire passer la baie au trot. Elle avait de jolies allures, son trot étant léger et ne secouant pas son cavalier. Sasha n'eut aucun mal à se caler sur son rythme et à la suivre dans ses mouvements. Elle reprit les petits changements précédents, alternant entre la main gauche et la main droite ainsi que le sens dans lequel elles tournaient. Elle fit réaliser des petits cercles à Soledane, assouplissant ses membres. La baie avançait à une vitesse toujours constante, le bruit sourd de ses sabots dans le sable suivant un rythme régulier. La jument semblait heureuse d'être montée. Ses propriétaires l'ayant ménagée pour qu'elle s'occupe de son premier poulain, elle n'avait pas eu l'occasion d'être trop sollicitée ces derniers temps et travailler un peu semblait lui redonner une énergie nouvelle. Sensation qui se fit encore plus forte lorsque, après un moment passé au trot, Sasha la poussa au galop. Soledane s'élança sans trop s'agiter toutefois et sa cavalière se cala de nouveau sur ses mouvements. La baie avait une foulée régulière et agréable. On sentait qu'elle pouvait aller beaucoup plus vite, mais elle respectait la personne sur son dos et maintenait une allure convenable. Rapide et souple dans ses mouvements, elle pivotait sans souci lors des changements de direction. Sasha la mena sur les diagonales, puis lui fit réaliser différentes figures simples, comme des petits cercles demandant une concentration supplémentaire à cette vitesse ou des courbes plus larges permettant à la jument d'avoir plus d'amplitude dans sa foulée. Pour terminer la séance, la jeune femme décida de mixer tout ce qu'elles avaient travaillé et de passer plusieurs minutes à alterner entre les différentes allures et les exercices. Les transitions de Soledane étaient elles aussi parfaites et la brune n'eut rien à corriger sur toute cette séquence. Elles terminèrent sur quelques tours de carrière au pas pour faire récupérer un peu la jument, puis Sasha mit pied à terre.
La jeune femme flatta l'encolure de Soledane, ravie de cette petite séance et d'avoir pu enfin la tester elle-même. Puis, elle la ramena aux écuries, où elle prendrait soin d'elle avant de la rentrer dans son box, songeant combien elle avait de la chance de se retrouver à Pandora Hills par le plus grand des hasards grâce à cette jument qui partageait la même lignée que son étalon.

Un peu de rodéo

Cela faisait dix minutes seulement qu'Owen était allé vers le box de Not My Fault, et déjà il était au bout de sa patience. Il avait laissé quelques jours au bai pour s'habituer à son nouveau lieu de vie provisoire, et cela avait semblé le détendre quelque peu. Cependant, le selle français réservait toujours un accueil bien loin d'être chaleureux à son nouveau cavalier. Le brun s'était consolé en se disant qu'au moins, il n'avait jamais vraiment tenté de le mordre ou de taper. Pourtant il ne savait si il s'agissait uniquement de bluff. Mais Owen n'avait pas laissé l'étalon prendre le dessus et, restant tout de même prudent, il était parvenu à s'approcher suffisamment pour qu'il n'ait d'autre choix que de le laisser lui mettre un licol. Et la magie avait opéré. Not My Fault avait cessé de faire le grand méchant et s'était aussitôt calmé. Owen avait éprouvé un immense soulagement à ce changement radical, avant de vite déchanter lorsque, au bout de quelques pas hors de son box seulement, le bai avait commencé à le bousculer et à essayer constamment de le dépasser. Après un trajet court mais laborieux jusqu'à l'aire de préparation, Owen était finalement parvenu à seller Not My Fault. Puis il l'avait guidé jusqu'à la carrière.
Une fois le portail refermé, le brun avait pris une grande inspiration, avait observé le bai qui était parfaitement calme pour le moment puis, il avait mit le pied à l'étrier et, sans laisser le temps au selle français de réagir, s'était hissé sur son dos. Une fois sur la selle, il fut étonné de ne pas être mis immédiatement par terre, et encore plus lorsqu'il talonna sa monture et qu'elle se mit à avancer au pas avec docilité. Peut-être que Not My Fault cachait bien son jeu au final. Il n'avait plus du tout l'air du même cheval. En tout cas ce n'était certainement pas son cavalier qui allait se plaindre de cette amélioration. Owen se détendit un peu et desserra ses mains, qui étaient crispées sur les rênes. Il mena son cheval sur le tour de la carrière, le faisant marcher pour tester sa réactivité aux ordres et son tempérament sous la selle. Il avait installé deux obstacles d'une hauteur moyenne de part et d'autre de la zone, dans l'éventualité où la séance se déroulerait assez bien pour qu'il veuille tester le coup de saut de l'étalon. En tout cas, Not My Fault semblait pour l'instant concentré et désireux de travailler, ce qui convenait tout à fait au brun. Ils passèrent un moment au pas, avant qu'Owen ne décide de talonner de nouveau le bai. Le selle français prit le trot sans plus attendre, d'une belle allure. Il parvenait à garder une cadence régulière et bientôt son cavalier se cala sur son rythme. Il lui semblait enfin découvrir le vrai Not My Fault, celui qu'il avait tant espéré voir à son arrivée. Le bai avait-il eu le déclic ? Ce changement était-il définitif ? Owen l'espérait de tout cœur. En tout cas, il profitait de la séance, faisant réaliser des cercles et changements divers et variés à l'étalon, qui suivait toutes les aides avec une obéissance étonnante. Ils s'attardèrent plus sur le trot, Owen en profitant pour tester les réflexes du bai face à des changements de direction plus rapides. Finalement satisfait par ce qu'il voyait, le brun passa enfin le cap du galop. Il talonna l'étalon pour la troisième fois et celui-ci s'élança dans de larges foulées. Nul doute que Not My Fault adorait galoper. Son cavalier lui fit réaliser un large arc de cercle afin de le mener vers l'un des deux obstacles, décidé à franchir cette étape avec lui. L'abord du selle français fut parfait, de même que son nombre de foulées. Une fois devant les barres, il prit une puissante impulsion et se propulsa par-dessus le vertical. Owen se mit en équilibre sur les étriers, l'accompagnant dans son mouvement. Le duo survola l'obstacle et atterrit sans problème de l'autre côté. Owen jubila. C'était exactement ce qu'il attendait de leur coopération. Son bonheur fut relativement court cependant, lorsque Not My Fault donna un brusque coup de cul qui manqua d'envoyer son cavalier mordre la poussière. Le brun se cramponna et tint bon, tandis que son cheval se lançait dans un enchaînement digne d'un bronco. Ruades, sauts et secousses furent de la partie, tandis que le pauvre Owen tentait tant bien que mal de reprendre le contrôle de sa monture. Not My Fault était, lui semblait-il, déterminé comme jamais à le mettre à terre. Mais il ne lui donnerait pas satisfaction. Owen mit tout son poids sur la selle et tira sur les rênes pour forcer l'étalon à se calmer. Après quelques ruades supplémentaires et des hennissements de protestation, le selle français reposa finalement les quatre membres au sol. Haletant sur son dos, les muscles endoloris d'avoir tant été contractés, son cavalier prit une minute de pause pour se remettre.
Lorsqu'il reprit la séance, il était beaucoup plus alerte et décidé à ne plus se laisser duper par le comportement soudainement trop calme du bai. Pourtant Not My Fault ne recommença pas. Ils continuèrent à travailler sans accroc, enchaînant les simples tours avec travail des transitions et les sauts. Owen se méfiait constamment, mais c'était comme si l'étalon se rendait compte de sa prudence et réagissait donc en conséquence. Nul doute qu'à la moindre seconde d'inattention de son cavalier, il repartirait pour un second round, mais malheureusement pour lui Owen ne lui en laissa pas l'occasion. Mettant pied à terre après une bonne heure d'équitation classique et western improvisée, le brun se prépara à un retour au box aussi chaotique que l'aller. Cependant, il faillit sursauter lorsque la tête du bai s'approcha de la sienne et que, à son plus grand étonnement, celui-ci commença à le chatouiller du bout des lèvres et à demander le contact. Owen hésita, puis avança sa main. Pendant de longues minutes il put caresser le selle français, qui en redemandait dès qu'il retirait sa main. C'était à ne rien comprendre. Tandis qu'Owen ramenait le cheval aux écuries, il était encore plus confus qu'auparavant sur le comportement du bai. Décidément, ce cheval était un vrai mystère et la saison avec lui s'annonçait pleine de surprises. Pour le meilleur ou pour le pire.

Saut vertigineux

Si l'escapade récente de Not My Fault avait appris quelque chose à Owen, c'était que l'étalon n'accepterait pas de ne rien faire plus d'un jour. Et maintenant qu'il avait trouvé un moyen de sortir du pré, nul doute qu'il l'utiliserait dès qu'il en aurait l'occasion. C'est pour cette raison que le brun avait décidé de le faire travailler un peu, de le fatiguer pour que la clôture de la prairie soit moins attrayante pour lui. Il avait sellé le bai et l'avait emmené dans la carrière après avoir installé un parcours digne des plus grands champions. Les obstacles disposés allaient d'un mètre trente à un mètre cinquante de hauteur, cette dernière ne concernant que deux d'entre eux. Owen voulait tester les capacités du selle français sur un parcours complet au lieu d'un saut occasionnel. Le brun était plutôt confiant. Même si il avait rarement sauté de telles hauteurs, laissant la compétition à Lumi en général, il faisait confiance en sa monture. Not My Fault avait beau être un emmerdeur, il savait se concentrer et n'aurait pas ce niveau si il n'y mettait pas du sien de temps à autre.
Une fois en selle, Owen talonna l'étalon, qui se mit aussitôt en marche. Il le fit tourner un moment au pas, le temps qu'il se délie les muscles et d'observer sa démarche pour s'assurer que ses blessures récentes n'aient plus aucun impact et ainsi éviter le sur-accident. Quand il fut assuré de cela, Owen fit passer Not My Fault au trot pour le reste de la détente. Il le guida à travers la carrière, passant parmi les obstacles. Le selle français leur jetait des regards intéressés et son cavalier compris qu'il avait terriblement envie de faire le parcours. Néanmoins, il respecta la durée moyenne d'une détente avec l'entraînement et força Not My Fault à ronger son frein jusqu'à ce qu'il le décide. Le bai donna quelques coups de cul mais son cavalier, qui commençait à bien le connaître, ne se laissa pas impressionner et le remit sur le droit chemin. Le reste de la détente se déroula sans autre débordement de Not My Fault et ils purent finalement aborder le véritable entraînement. Owen fit passer le bai au galop, ce que fit sa monture sans hésiter, puis il lui fit réaliser une large courbe pour aborder le premier obstacle qui était aussi le plus bas de tous. Le selle français y alla avec détermination. Sa foulée était parfaite et il prit une impulsion avant de bondir par-dessus l'obstacle. Il se réceptionna avec grâce de l'autre côté et continua sur sa lancée vers le vertical suivant. Owen se tenait bien droit sur sa selle, les mains serrées sur les rênes pour garder un contrôle total de sa monture en cas de problème. Le duo continua le parcours avec le même succès, Not My Fault volant presque par-dessus les barres sans les toucher. Au bout de six obstacles, l'un de ceux d'un mètre cinquante se présenta à eux. Le brun se prépara mentalement au saut et à l'éventualité d'un refus. Il serra les jambes et les doigts, et lorsque son cheval commença à sauter, il se tint en équilibre sur la selle, le suivant dans son mouvement et accompagnant le saut. Il eut l'impression qu'ils ne cessaient de monter et qu'il ne redescendraient jamais. Not My Fault s'appliqua et ses quatre membres passèrent de l'autre côté sans même frôler la barre du haut. La réception fut un peu plus brutale pour son cavalier, qui fut secoué quelques secondes avant de se remettre dans une position correcte, mais ils avaient réussi. Owen flatta l'encolure du bai pour le féliciter, puis se concentra de nouveau sur le reste du parcours. Le selle français continua sur sa lancée, bondissant toujours avec la même agilité, ne faisant aucune faute. Lorsqu'ils terminèrent le parcours, cheval comme cavalier haletaient et transpiraient à cause de l'effort et la chaleur. Owen fit marcher Not My Fault pour faire redescendre progressivement son rythme cardiaque et l'amena à l'abreuvoir.
Lorsqu'il mit pied à terre, le brun avait l'impression de vivre un retour à la réalité, comme si il sortait d'un rêve étrange. Pendant cette séance, Not My Fault et lui-même n'avaient fait qu'un et étaient en parfaite harmonie. Ensemble, ils venaient d'atteindre des sommets pour Owen. Jamais il n'aurait cru qu'une relation ayant commencé aussi mal puisse en arriver à ce point, et il se sentait léger de voir qu'ils parvenaient enfin à se comprendre mutuellement. L'avenir proche leur réservait certainement de belles choses, et l'entraîneur songeait déjà avec tristesse au jour où le bai devrait rentrer chez lui.

La reprise

Cette journée était parfaite. Le ciel était bleu, le soleil réchauffait sans brûler et un vent frais soufflait agréablement sur le domaine. Lumi avançait avec impatience, menant Sex Appeal. C'était le grand jour, elle allait enfin remonter à cheval après sa grossesse. Même si elle vouait un amour inconditionnel à ses deux filles, Ellie et Claire, Lumi avait toujours ressenti cette tristesse pendant qu'elle les portait, de ne pas pouvoir exercer son métier et de ne pas pouvoir monter. Mais maintenant que Claire était venue au monde, elle allait pouvoir s'y remettre. Sex Appeal aussi était impatiente de travailler. Il semblait à Lumi qu'elle avait manqué à la baie, à en juger par la séance de câlin improvisée qui avait eu lieu lorsqu'elle l'avait sellée. Toutes deux se dirigeaient désormais vers la carrière, et y entrèrent bientôt. Une fois à l'intérieur, retrouvant ses réflexes et anciennes habitudes, Lumi mit le pied à l'étrier et se hissa sur le dos de la jument. Elle sentit tout ses muscles protester à cette simple action, mais ne s'attendait pas à moins seulement deux semaines après son accouchement. Les médecins lui avaient bien dit, comme après la naissance d'Ellie, qu'elle allait devoir y aller progressivement et se remuscler. Mais Lumi était prête à relever le défi. Elle s'installa confortablement sur sa selle et ajusta ses étriers, avant de positionner ses mains sur les rênes. Puis, elle talonna Sex Appeal.
La baie se mit à marcher sans se faire prier, visiblement soulagée de pouvoir enfin se mettre au travail. Sa propriétaire n'avait rien prévu de trop éprouvant pour cette séance, il s'agissait juste d'une reprise pour elle. Elle avait donc décidé de travailler sur du plat et de s'arrêter quand son corps lui ferait ressentir qu'elle avait atteint ses limites pour le moment. Elle commença donc la séance par de simples tours au pas, changeant parfois de main ou de direction en coupant en diagonale la carrière. La jument restait docile sous la selle. Elle suivait les directives de sa cavalière et semblait plus douce, comme si elle comprenait qu'elle n'était pas encore au meilleur de sa forme et qu'elle la soutenait dans cette épreuve. Lumi lui en était reconnaissante et elle tapotait régulièrement l'épaule de la selle français pour la féliciter de cette attitude. Lorsqu'elle la fit passer au trot, Sex Appeal s'exécuta et prit une allure légère et gracieuse. Elle avançait en rythme et la jeune femme sentait qu'elle y mettait tout son cœur. La jument était heureuse de retravailler avec Lumi, et inversement. La cavalière eu un peu de mal à se caler sur son trot cependant, mais au bout de quelques tours elle parvint à retrouver la bonne posture et à suivre les mouvements de la jument. La séance continua sur le même ton. Simples tours et remise à niveau pour Lumi, dépense légère pour Sex Appeal qui, malgré le temps plus doux, devait tout de même être ménagée suite à sa propre gestation. Celle-ci avait été confirmée récemment et sa propriétaire avait hâte de rencontrer son poulain au printemps prochain. Entre celui-ci et la seconde gestation de Soledane, l'année suivante serait bien remplie. Se reconcentrant sur la séance, Lumi décida de faire galoper un peu la baie, bien que sur une courte durée. Accélérer la cadence sembla faire du bien à Sex Appeal, qui traversait la carrière la tête haute, mais bientôt Lumi sentit ses jambes chauffer et ses muscles protester. Cela faisait des mois qu'ils n'avaient pas été sollicités de la sorte et la jeune femme se rendit compte qu'elle allait devoir retravailler à petites doses pour retrouver sa forme d'auparavant. Elle acheva donc la séance en faisant ralentir sa monture, puis reprit le pas pour quelques tours supplémentaires, travaillant par la même occasion les virages que prenaient la jument en essayant d'en obtenir des précis. Quand le vent commença à tomber et que le soleil se fit plus agressif, Lumi décida de s'arrêter. Elle mit pied à terre et quitta la carrière, menant une Sex Appeal satisfaite vers les écuries. Elle pansa la jument pendant un long moment, renouant ainsi avec la baie, puis alla la relâcher dans le pré avec Soledane. Les deux futures mères se mirent à brouter côte à côte et c'est avec un grand sourire que Lumi reprit le chemin de la maison, tout de même impatiente d'aller embrasser ses deux filles.

Sur la bonne voie

Owen était ravi des progrès faits avec Not My Fault ces dernières semaines. Le bai semblait enfin commencer à l'apprécier, sans abuser non plus. Malgré son comportement grognon qui persistait, il semblait à Owen qu'ils avaient conclu une sorte d'accord tacite pour parvenir à travailler ensemble. Le brun prenait désormais plaisir à monter le selle français au lieu d'y aller en traînant les pieds, et cela se ressentait dans leurs performances. Ce jour-là encore, le brun avait mis en place un autre parcours de saut qu'il comptait réaliser avec l'étalon. Il avait suivi le rituel de chaque séance, allant chercher le bai pour le seller, puis l'amenant à la carrière, où il s'était mis en selle avant de commencer la détente. La chaleur était écrasante mais la carrière ombragée, ce qui leur offrait une fraîcheur indispensable au travail. Owen ne comptais toutefois pas dépasser les trente minutes de travail, par prudence. Il s'arrangea donc pour terminer la détente sans trop traîner. Quelques tours à chaque allure, quelques transitions et changements de main constituèrent cette étape indispensable pour assouplir les membres du cheval avant de sauter. Enfin prêts, ils purent commencer le parcours.
Owen guida sa monture vers le premier obstacle et ajusta son allure pour avoir une bonne foulée. Not My Fault suivit ses directives non sans râler comme à son habitude, mais sauta quand même le vertical sans faire de faute. Une fois de l'autre côté, Owen tira sur les rênes vers la gauche pour mener le bai vers l'obstacle suivant. Après une courbe élégante, l'étalon se propulsa par-dessus le spa. Il parcourut ensuite les quelques foulées qui le séparaient du second obstacle du double et le passa encore une fois avec une facilité déconcertante. Après la réception de ce dernier, Not My Fault donna un coup de cul, montrant le signe d'un départ pour un rodéo improvisé. Mais Owen raccourcit les rênes et serra les jambes. Il ne laissa pas faire l'étalon et résista, si bien que le bai fut contraint de renoncer si il voulait avancer correctement. Il se reprit donc et partit sans plus protester vers le saut suivant, le franchissant sans trop d'effort et frôlant les barres, comme pour montrer son mécontentement. Heureusement cette petite crise ne fut pas bien longue et le selle français décida de se reconcentrer sur le parcours dès l'obstacle d'après. Cette fois-ci, c'est avec un saut prodigieux qu'il l'aborda et son cavalier fut soulagé de le voir de nouveau motivé. Il profita de cette détermination pour tenter de nouvelles choses, le menant sur des virages plus serrés et calculés ou des abords un peu plus compliqués. Mais Not My Fault ne semblait même pas se soucier de ces petites difficultés. Il était maître de son parcours et avait toujours le même rythme et le même succès à chaque saut. Après tout, il était d'un niveau bien supérieur à la plupart des équidés du domaine et ne le cachait nullement. C'est ainsi que le bai continua son parcours, bondissant agilement par-dessus chaque nouvel obstacle, se propulsant de ses membres puissants, les muscles saillants, pour survoler les barres sans les toucher et se réceptionnant toujours avec une certaine grâce de l'autre côté. Sur son dos, son cavalier le suivait dans ses mouvements, l'aidant par sa posture à être le plus aérodynamique possible et gérant le tracé du parcours en maniant les rênes d'une main experte. Il était tout à fait à l'aise sur l'étalon désormais, et se délectait de le voir ainsi enchaîner les sauts sous ses directives.
Quand la demi-heure fut passée et que cheval et cavalier furent transpirants, ils s'arrêtèrent et Owen mit pied à terre. Comme à chaque fin de séance, Not My Fault fut prit de ce soudain accès de gentillesse inexplicable et son cavalier le lui rendit en lui flattant l'encolure pendant plusieurs minutes, avant de le gratter entre les oreilles. Puis, désireux de se rafraîchir ensuite, il mena son cheval à l'abreuvoir et à la douche. Le soleil les agressa pendant la centaine de mètre qu'ils firent à découvert et Owen se passa le jet dans les cheveux avant de le diriger vers le selle français, partageant ce moment avec lui. Puis, il relâcha Not My Fault au pré et rentra prendre une véritable douche.

Travailler ensemble

Le grand jour était arrivé. Sasha allait monter Callie. Après deux semaines d'adaptation pour la BWP, il était plus que temps pour sa "propriétaire" de la mettre au travail et de progresser. La jument devait faire ses preuves si elle voulait rester à Pandora Hills. Pour mettre toutes ses chances de côté, Sasha avait demandé l'aide de Lumi. Elle avait un plan qui, elle l'espérait, fonctionnerait. Tandis qu'elle sellait Callie, la propriétaire des lieux, juste à côté, préparait Soledane. Bien sûr, la jument gestante ne serait pas trop sollicitée pour cette séance, mais Sasha espérait que sa présence seule rassurerait Callie et lui permettrait de travailler correctement. Une fois les juments prêtes, les deux femmes les amenèrent dans la carrière. Puis, elles se mirent en selle. Sasha mit le pied à l'étrier lentement, guettant les réactions de sa monture du coin de l’œil. Callie semblait légèrement inquiète, mais elle ne bougea pas, voulant rester près de la selle français. Sasha put donc se hisser sur son dos sans problème et, après un regard entendu avec Lumi, elle talonna Callie pour la faire marcher derrière Soledane. La baie suivit son aînée sans la moindre hésitation, avançant d'un pas rapide de peur de trop s'éloigner. Sasha raccourcit un peu les rênes pour la retenir afin qu'elle ne gêne pas trop l'autre jument, et elles exécutèrent plusieurs tours de carrière sur ce système. Après le quatrième tour, Sasha jugea que sa monture était plus détendue et en condition pour travailler, et elle la fit donc dépasser Soledane. Callie tenta de ralentir pour rester au niveau du selle français, mais sa cavalière l'encouragea et la poussa vers l'avant, et finalement la BWP accéléra le pas pour prendre son indépendance.
Tandis que Lumi continuait à tourner à un rythme plus lent, Sasha guidait Callie sur la piste. La jument était parfois nerveuse, mais un regard en arrière suffisait à la rassurer et elle reprenait alors un peu d'entrain. Sa cavalière la fit changer de direction et de main, la guidant sur des diagonales ou des petits cercles, stimulant ainsi sa concentration pour que son esprit se focalise sur la séance plutôt que sur l'autre jument. Au grand étonnement de la brune, Callie parvint assez facilement à se détacher de sa partenaire. Elle semblait absorber dans les exercices demandés, si bien qu'elle ne remarqua même pas que Lumi avait fait s'arrêter Soledane pour la ménager, et qu'elle passa devant elles sans même ciller. Sasha ne pouvait s'empêcher de sourire bêtement, fière de constater cela. Au final, Callie était moins problématique qu'elle ne l'avait imaginé. Confiante, elle la talonna donc de nouveau et la BWP passa au trot. Sa cavalière se cala sur son rythme et accompagna ses mouvements, progressant à une allure plutôt élégante. Appliquée, la baie maintenait la cadence, la tête droite, regardant droit devant elle et suivant les directives de Sasha. Lumi observait la scène avec un grand intérêt tandis que sa propre monture broutait tout ce qu'elle pouvait attraper derrière la clôture, totalement désintéressée de la séance. Sasha restait concentrée, guidant sa jument avec aisance, se sentant déjà totalement en confiance avec celle-ci. C'était comme si elles ne faisaient qu'un, comme si elle avait toujours connu la BWP. Jamais elle n'avait ressenti une telle harmonie en montant un cheval pour la première fois. Pas depuis sa première monture en tout cas. La jeune femme poussa la baie au galop, et celle-ci s'élança en foulées régulières. Son galop aussi présentait une bonne composition et Sasha songea qu'elle pourrait faire une bonne monture de complet si elle s'avérait aussi appliquée en saut. La brune décida de repasser au trot, observant ainsi les transitions d'allure de la baie. Elle parvint à changer de vitesse dans la continuité de son tour, sans s'emmêler les jambes, et fit de même pour les transitions suivantes, enchaînant les tours aux trois allures selon les ordres de sa cavalière sans jamais se tromper ou protester. Elle fit un léger écart lorsque Rose passa près de la carrière, mais Sasha parvint à reprendre le contrôle de sa monture assez rapidement et à la remettre au travail avant qu'elle ne panique totalement, tandis que Lumi chassait la chienne. Callie se détendit une fois la golden retriever hors de vue et après un regard vers Soledane, et elles purent reprendre la séance sans autre accroc.
Elles continuèrent ainsi pendant une bonne demi-heure, Sasha testant la jument sur divers exercices de base et s'habituant à l'avoir sous la selle, tandis que Lumi jaugeait la séance d'un regard expert. Quand la propriétaire des lieux fit signe à Sasha de s'arrête, celle-ci fit ralentir progressivement sa monture avant de l'amener au pas vers l'autre duo. Lorsqu'elles se retrouvèrent face à face, les deux baies se saluèrent et commencèrent à s'épouiller tandis que les cavalières parlaient.
«Vraiment pas mal pour une première séance !, les complimenta Lumi.
Sasha ressentit une pointe de fierté. Elle avait fait ses preuves aujourd'hui et elle le savait.
-Merci ! Elle est vraiment agréable à monter quand elle n'est pas hyper stressée., répondit-elle tout en flattant l'encolure de la BWP.
Lumi acquiesça, observant d'un regard amusé les deux juments qui interagissaient sous leurs yeux.
-En tout cas on dirait que ces deux-là se sont bien trouvées, je n'ai jamais vu Soledane aussi démonstrative., fit-elle remarquer.
La brune sourit. Effectivement, il était rare de voir des amitiés si fusionnelles entre deux chevaux se connaissant à peine. Mais c'était comme si Soledane avait décidé de prendre Callie sous son aile, en tant que doyenne de l'écurie. Après quelques instants de plus passés à les regarder, les deux femmes mirent pied à terre et ramenèrent les juments aux postes de soins. Après un bon pansage, elles les lâchèrent ensemble dans la prairie.
-En tout cas, c'est du très bon travail, continue comme ça et tu pourras faire des miracles avec elle. Et elle pourrait t'apprendre des choses pour travailler Démon aussi., ajouta Lumi alors qu'elle allaient repartir chacune de leur côté.
-Merci.», répondit tout simplement Sasha.
Elles se quittèrent sur ces mots, la brune heureuse que la séance se soit si bien déroulée et que son idée ait fonctionné. Elle était optimiste et confiante pour l'avenir de la BWP désormais. Et elle était impatiente de voir les mêmes progrès chez Démon et Esperanza aussi. Mais chaque chose en son temps. Pour l'instant, elle devait se concentrer sur Callie.

La bâche bleue

La météo avait été pluvieuse ces derniers temps, et Lumi était heureuse de voir enfin un rayon de soleil percer les nuages en ce jour. La jeune femme était plus que stressée ces derniers temps, à cause d'un problème avec sa fille, Claire. Ils étaient allés faire des examens en clinique pour déterminer ce qui n'allait pas et même si les médecins ne s'étaient pas encore totalement prononcés, ils avaient déjà émis l'hypothèse que le nourrisson était sourd et muet. Cette nouvelle avait dévasté la jeune mère, qui n'arrivait pas à accepter que Claire allait devoir vivre avec un handicap si lourd. Mais Owen avait été d'un grand soutien et tous deux savaient pertinemment qu'ils feraient tout pour faciliter la vie de leur enfant. Mais malgré tout, Lumi avait besoin de souffler, d'évacuer un peu toute cette pression. Et c'était à cheval qu'elle y parvenait le mieux. Alors dès qu'elle avait vu la météo un peu plus clémente, elle était allée seller One in a Million et l'avait amenée jusqu'à la carrière. Pas de saut cette fois, Owen venait de rentrer les obstacles dans le manège pour les saisons plus froides. D'ailleurs, il avait laissé la grande bâche bleue, qui servait à les recouvrir, sécher sur la barrière.
Lorsque la jeune femme entra dans la carrière, elle vit One in a Million avoir un léger mouvement de recul tandis qu'une bourrasque venait de souffler. Réaction étrange venant de l'alezane, qui n'avait pourtant jamais eu peur du vent. Lumi se contenta de la rassurer d'une petite tape sur l'épaule, puis voyant que la jument était plus tranquille, elle mit le pied à l'étrier. Une fois sur la selle, elle talonna sa monture, qui se mit aussitôt à avancer au pas. Lumi commença à faire tourner sa jument dans la carrière. One in a Million avançait d'un pas régulier, volontaire. Mais lorsqu'elle arriva un peu avant la bâche, l'alezane s'arrêta d'un coup et fit quelques pas en arrière tout en renâclant. Sa cavalière reprit le contrôle tout en rassurant la jument pour ne pas qu'elle s'emballe plus que cela. Une autre bourrasque qui vint agiter la bâche provoqua une seconde réaction et Lumi comprit qu'elle ne parviendrait pas à travailler avec l'objet ici. Mais elle ne comptait pas juste retirer la bâche. Elle allait devoir baser sa séance de travail sur la désensibilisation.
La jeune femme mit donc pied à terre et mena sa jument à l'autre bout de la carrière. Là, elle l'attacha rapidement à la clôture et partit chercher la bâche. Elle ramena l'objet au centre de la carrière et le posa au sol, bien à plat. S'emparant de pierres en passant sous la barrière, elle mit du poids sur les quatre coins afin que le tout reste en place et ne s'envole pas. One in a Million avait observé la scène avec de grands yeux, le regard inquiet. Une fois satisfaite de sa petite installation, Lumi alla la rejoindre. Elle détacha la selle français et se remit en selle. Procédant de manière progressive, elle commença tout simplement par faire longer la barrière à sa monture, dont le pas était plus hésitant maintenant que la bâche occupait le centre de la zone. Sa cavalière l'encourageait et la rassurait constamment, sentant tous les muscles de la jument tendus, prêts à la faire bondir au moindre danger. Quand elle put faire un tour complet sans regarder la bâche à chaque seconde, Lumi décida de réduire la distance avec l'objet. Tour après tour, elle faisait se rapprocher One in a Million de la terrible bâche bleue et, même si elle la sentait toujours craintive, le fait de passer de plus en plus près de ne semblait heureusement pas décupler la peur de l'alezane. Elle n'était pas rassurée, mais elle restait une monture docile qui ne voulait pas jeter son cavalier au sol sauf si elle était poussée dans ses dernières limites. Après un bon quart d'heure à procéder de la sorte, Lumi constata avec fierté que One in a Million était plus détendue et pouvait passer près de la bâche sans aucun problème. Elle avait compris que l'objet ne l'attaquerait pas. Il restait cependant une étape à franchir pour désensibiliser totalement la selle français.
Faisant exécuter un large arc de cercle à la jument, Lumi l'amena sur une diagonale, ce qui voulait donc dire que la jument devrait passer sur la bâche. Comme elle s'y attendait pour un premier essai, One in a Million pila quelques pas avant d'arriver au centre, refusant catégoriquement de marcher sur cette surface. Persévérante, Lumi n'abandonna pas si vite. Elle repartit sur un cercle, avant d'initier une nouvelle diagonale. Second refus. Une dizaine d'autres suivirent, One in a Million étant totalement bloquée à cette idée. Au bout du treizième échec, Lumi décida de changer de tactique. Elle mit pied à terre pour la seconde fois de la séance, rallongea les rênes au maximum pour pouvoir mener la jument, puis partit en direction de la bâche, l'alezane la suivant. La jeune femme commença à avancer sur l'objet, ses bottes faisant craquer le plastique. One in a Million renâcla, mais quand Lumi l'encouragea tout en continuant à piétiner sur la bâche pour lui montrer l'absence de danger, elle avança un antérieur timide, le posant avec une lenteur exagéré sur la surface bleue. Une fois le premier sabot au sol, Lumi redoubla d'encouragements et, après de longues minutes d'hésitation, la jument en posa un second, puis un troisième, avant de se retrouver debout sur la bâche. Sa propriétaire ne perdit pas une seconde pour la féliciter de vive voix, tout en la flattant de nombreuses caresses. Puis, elle compléta l'exercice en terminant la diagonale. One in a Million traversa la bâche de part en part, retenant tout de même son souffle. Mais le plus gros été accompli. Lumi lui fit répéter l'exercice plusieurs fois, et à chaque passage elle vit la jument se détendre et décompresser de la situation. Elle avait compris. Lorsqu'elle accorda enfin une petite pause à l'alezane, elle savait qu'elle avait réussi à la faire surmonter cette peur. Elle remonta sur le dos de la jument et reprit alors sa séance, laissant la bâche au centre. One in a Million travailla sans faire attention à l'objet et passa même dessus au trot sans ciller. Mission accomplie pour Lumi.

Enfin en selle

Xari était plus excitée que jamais. Aujourd'hui, elle allait monter Whiplash pour la première fois. Avant de participer au premier cours de course d'endurance, la discipline dans laquelle elle voulait se lancer, elle devait cependant voir si l'étalon n'était pas gêné par sa blessure désormais cicatrisée et surtout, s'habituer à le monter. Elle était alors venue dès le matin aux écuries, profitant du calme qui y régnait à cette heure pour avoir la carrière à sa seule disposition. L'adolescente avait selle le bai en un temps record, tandis qu'il trépignait lui aussi, visiblement plus qu'impatient de pouvoir enfin sortir et se dépenser. Une fois équipé, sa propriétaire l'avait mené jusqu'à la carrière du club, tandis qu'un grand soleil brillait déjà dans le ciel d'un bleu uni.
Refermant le portail derrière son passage, Xari mit le pied à l'étrier et se hissa sur la selle. Whiplash, toujours respectueux, resta en place tandis qu'elle s'installait, malgré son envie de courir. Une fois la brune en position, elle serra les jambes et talonna sa monture pour la faire avancer. L'anglo-arabe démarra au quart de tour. Il partit d'un pas vif et pressé, si bien qu'il surprit Xari et qu'elle fut secouée au départ. Elle se rattrapa cependant, et se concentra sur son équilibre. Elle dirigeait Whiplash du mieux qu'elle le pouvait, ayant un peu de mal à suivre ses mouvements un peu hâtifs et désordonnés. Mais au bout de quelques minutes, le bai sembla se calmer un peu et écouter sa cavalière davantage. Il avait évacué son besoin urgent de bouger et semblait être plus disposé à se concentrer sur les ordres de l'adolescente désormais. Celle-ci souffla, soulagée de voir que ce n'était que passager, puis reprit les choses -et les rênes- correctement en main. Elle dirigea l'étalon à travers la carrière, faisant des cercles, des demi-tours, des diagonales et autres exercices de base afin de s'habituer aux mouvements du bai. Il était bien plus agréable à monter que tous les poneys et chevaux de club qu'elle avait eu en cours jusqu'à ce jour. Whiplash était dynamique, motivé, concentré. Il n'y avait aucune lassitude qui se dégageait de lui, aucune résignation. Il était volontaire et demandeur. Tout ce que Xari avait espéré de lui.
Après quelques temps à progresser au pas, l'adolescente poussa l'anglo-arabe à l'allure supérieure. Whiplash partit sans délai, d'un trot rythmé et un peu bondissant. La queue et la tête haute, il dégageait une certaine prestance tandis que ses sabots s'enfonçaient l'un après l'autre dans le sable sur son passage. Sa cavalière se cala sur son rythme et l'accompagna dans ses mouvements, se levant et s'asseyant à chaque foulée. Le duo parcourait la carrière comme si ils ne faisaient qu'un. La confiance qu'ils avaient construit pendant la convalescence de l'anglo-arabe avait porté ses fruits et, même si c'était la première fois que Xari le montait, elle avait l'impression d'avoir fait ça toute sa vie. Qu'il était agréable de monter son propre cheval, de se dire qu'on était son seul cavalier et qu'on pouvait avoir des projets avec lui ! Xari savourait chaque instant de ce premier essai en selle. Une fois totalement à l'aise, elle décida de passer au galop. Et c'est à ce moment-là qu'elle sut que Whiplash serait parfait pour la course d'endurance. L'anglo-arabe s'élança d'un galop puissant, calculé. A chaque foulée, le sol vibrait sous son poids. Il avait une posture naturelle et ses muscles roulaient sous sa peau à chacun de ses mouvements. L'étalon traversait la carrière avec une détermination nouvelle qui semblait liée à cette allure qu'il affectionnait visiblement plus que les autres. Whiplash était né pour galoper, et Xari se sentait libre comme l'air sur son dos à ce moment précis. Le vent venait faire onduler ses cheveux tandis qu'elle suivait le rythme du bai, concentrée sur ses aides. Ils galopaient sans relâche, ne voulant pas s'arrêter, ayant tout deux trouver ce pour quoi ils étaient destinés. Un large sourire s'étendit sur le visage de l'adolescente. Elle galopait sur son cheval, un moment qu'elle avait attendu depuis de nombreuses années. Et ce n'était que le début de leur aventure ensemble.
La jeune fille passa encore un peu de temps en selle, avant de finalement faire ralentir progressivement sa monture. Le soleil de juillet tapait fort et l'anglo-arabe commençait à transpirer, de même que sa cavalière. Mieux valait ne pas risquer une insolation. Xari mit pied à terre et, spontanément, alla serrer l'encolure de Whiplash dans ses bras. L'étalon souffla de plaisir et la jeune fille lui caressa le chanfrein, le remerciant d'un regard brillant, sans avoir même besoin de parler. Puis, elle le ramena dans l'écurie où elle comptait le panser et passer un peu plus de temps avec lui. Mais en tout cas, une chose était sûre: ils étaient prêts à commencer la course d'endurance !

Le grand retour

Le grand jour était arrivé. Alors que le soleil de printemps brillait haut dans le ciel, Owen menait Orléans par les rênes. L'étalon le suivait de son pas tranquille habituel, dominant le brun de par sa taille impressionnante. Il portait son harnachement complet. Owen le guida jusqu'à la carrière, qu'il venait de nettoyer de fond en comble, la débarrassant de toutes les branches, feuilles et autres traces laissées par l'automne et l'hiver qui venait de s'achever. Quand il entra dans la zone, il fit d'abord un tour à pied avec son cheval avant de se décider à sauter le pas. Inspirant profondément, l'entraîneur échangea un regard avec sa monture. Orléans semblait détendu. Owen mit le pied à l'étrier et, lentement, guettant le moindre signe de douleur ou d'inconfort de la part de l'étalon, il se hissa sur la selle. Une fois sur le dos d'Orléans, il ressentit une joie intense. Pouvoir remonter sur son cheval comme auparavant était quelque chose d'incroyable pour le brun. Il avait réussi à soigner Orléans et à le remettre sur pieds, et ils allaient pouvoir se remettre au travail comme avant son accident.
Après quelques minutes passées à l'arrêt, afin de s'assurer que l'alezan était prêt à travailler et n'était pas gêné par le poids de son cavalier, Owen talonna enfin l'étalon. Orléans n'avait pas oublié ses vieilles habitudes. Il se mit en marche immédiatement, avançant au pas, sa posture montrant son plaisir d'être monté de nouveau. Son cavalier jubilait, un grand sourire éclairant son visage. Qu'il était bon de retrouver son binôme ! Ajustant ses mains sur les rênes, Owen guidait sa monture dans la carrière, lui faisant réaliser plusieurs tours de piste au pas, avant de le faire bifurquer sur une diagonale et de lui demander quelques petits cercles pour évaluer la souplesse de ses appuis après sa convalescence. Orléans était un peu rouillé et son membre blessé allait demander un peu de renforcement, mais dans l'ensemble il n'avait pas perdu ses capacités. Restait à voir si il tenait le rythme sur la durée et à tester les autres allures. C'est donc ce que fit Owen après un dernier tour au pas. Il pressa de nouveau les flancs du selle français, qui accéléra progressivement, jusqu'à passer à l'allure supérieure. Le trot d'Orléans fut d'abord un peu désordonné, son cavalier étant secoué comme un prunier sur son dos. Mais l'alezan retrouva bientôt la coordination de ses membres et il put se mettre à trotter correctement. Son trot était plus lourd qu'auparavant, faute d'exercice, et il manquait encore une fois de souplesse, mais le cheval se débrouillait bien. Il était volontaire et suivait les indications de son cavalier sans rechigner. De plus, il ne semblait éprouver aucune douleur, même en stimulant un peu plus ses membres, ce qui était un très bon signe. Encouragé par l'aisance avec laquelle se déroulait cette première séance de reprise, Owen se permit de pousser un peu plus l'étalon. Il l'emmena sur des courbes plus larges mais aussi des virages plus serrés, ainsi que des demi-tour et changements de main. Orléans suivait le rythme sans problème apparent. Quand son cavalier lui demanda finalement un petit passage au galop, l'alezan s'élança aussitôt. Ses foulées étaient toujours aussi larges, bien qu'un peu moins régulières qu'auparavant. Le selle français fit un tour complet à cette allure, avant que son cavalier ne le refasse passer au trot, ne voulant pas trop l'épuiser dès le début et préférant rester prudent malgré la guérison totale du cheval.
Se limitant donc aux deux premières allures, Owen fit travailler les transitions à l'étalon, et remarqua un tout petit délai lors des passages du pas vers le trot, quand Orléans devait puisait un peu plus de puissance pour s'élancer à l'allure supérieure. Mais rien de grave, ils continueraient de travailler pour corriger ce petit défaut, et le renforcement musculaire les aiderait grandement pour cela.
Après une bonne demi-heure de travail, qui s'acheva au pas, Owen décida qu'il en avait assez demandé à l'étalon pour cette fois. Il mit pied à terre et s'approcha de la tête de l'alezan. Orléans haletait légèrement mais ne semblait pas trop fatigué. Il manquait d'endurance cependant, autre chose qu'il leur faudrait redévelopper. Mais pour une reprise après une année complète de convalescence, son cavalier était ravi. Le selle français ne gardait pas vraiment de séquelles de sa blessure si ce n'était une faiblesse momentanée, et, surtout, il avait gardé son caractère en or et sa motivation. Ils ne pouvaient qu'aller en s'améliorant désormais. Flattant l'encolure de son cheval, Owen se jugeait chanceux que cette mésaventure se termine de la sorte. De plus, il allait maintenant pouvoir suivre l'évolution de la descendance d'Orléans avec Another Sun, qui promettait déjà d'être un géant comme son géniteur. Tout en ramenant l'étalon vers son box, Owen se projetait déjà avec son poulain.

Monte aux trois allures (1/5)

Alors qu'elle menait Devil's Lullaby jusqu'à la carrière, Lumi ne pouvait s'empêcher de ressentir un certain stress. Après tout, elle allait monter sur la jument pour la première fois et Lullaby n'était pas la plus commode des montures. Pouvait-elle lui faire confiance ? Allait-elle manger la poussière ? Elle le saurait très bientôt. Owen l'attendait déjà sur place, adossé à la barrière. Lumi avait demandé l'assistance de son compagnon en cas de souci ou si Lullaby venait à être pénible. Et, surtout, elle ne comptait pas monter immédiatement la jument seule, sans aide.
Refermant le portail de la carrière derrière elle, Lumi ajusta les étriers et vérifia que les sangles de la selle étaient bien serrées. L'alezane se laissa faire, étrangement calme malgré la situation inédite. C'était pourtant la première fois qu'elle sortait avec son harnachement, et qu'elle découvrait la carrière. L'attitude de la jument rassura sa cavalière en devenir. Si Lullaby était dans de bonnes dispositions pour cette séance, alors elle pouvait se détendre un peu et profiter du moment. Alors qu'elle terminait ses vérifications et enfilait sa bombe, la jeune femme tendit les rênes à Owen, afin qu'il puisse maintenir l'alezane en place tandis qu'elle mettait le pied à l'étrier. Voulant d'abord habituer sa monture à avoir un poids sur le dos, Lumi avait décidé de commencer par la technique "sac de patates", qui consistait à juste s'allonger en travers de la selle, perpendiculairement au sens de la marche. Prenant une inspiration, elle échangea un regard avec son compagnon et hocha de la tête, lui signifiant qu'elle était prête. Owen raffermit sa prise sur les rênes, tandis que Lumi levait la jambe et mettait un pied dans l'étrier, guettant du coin de l’œil les réactions de la jument. Lullaby paraissait plus nerveuse qu'il y a quelques minutes, et elle essayait d'échapper à Owen, en vain. En profitant qu'elle soit concentrée sur quelqu'un d'autre, Lumi se hissa finalement et se laissa retomber sur le ventre, se plaçant en position, tenant la selle à deux mains. Elle eut à peine le temps d'expirer qu'une ruade aussi violente que soudaine de l'alezane l'envoya dans les airs. Lumi ne parvint à s'agripper à la selle, et son corps s'éleva au-dessus de sa monture, avant de retomber à plat dans le sable de la carrière avec un bruit sourd. La jeune femme en eut le souffle coupé, tandis que le choc envoyait une vague de douleur dans tout son corps. Tandis qu'elle roulait sur le dos, tentant de reprendre son souffle, elle reçut du sable dans la figure, tandis que le martèlement furieux des sabots s'éloignant lui indiquait que Lullaby avait échappé à Owen.
«Ne bouge pas ! Est-ce que tu m'entends ?, s'enquit soudain son compagnon.
Lumi se rendit compte qu'elle n'avait pas répondu à ses premières questions, encore un peu sous le choc. Elle finit par se redresser sur les coudes malgré les recommandations d'Owen, observant les environs. La jument trottait nerveusement à l'autre bout de la carrière, longeant la barrière dans un sens, puis dans l'autre, la queue fouettant l'air, les oreilles couchées sur le crâne. Ses rênes pendaient devant elle et les étriers venaient taper ses flancs à répétition tandis qu'elle s'agitait. Lumi se tourna finalement vers Owen.
-Je vais bien, rien de cassé, enfin je crois.», le rassura-t-elle.
Saisissant la main qu'il lui tendait, elle se releva finalement avec son aide, retenant une grimace de douleur. Elle serait probablement couverte de contusions demain. Après tout, elle avait fait un beau vol plané. Luttant pour ne pas montrer de faiblesse devant son compagnon, Lumi lui fit signe de rester en place tandis qu'elle s'approchait de l'alezane. Après une dizaine de minutes à attendre qu'elle se calme et s'immobilise, tout en l'amenant dans un coin de la carrière en la poussant de loin, l'éleveuse parvint enfin à saisir les rênes. Lumi avait décidé de mettre fin à la séance à peine commencée. Il ne servait à rien d'insister quand Lullaby était dans cet état, et sa cavalière ne se sentait de toute façon pas la force de faire un nouvel essai dans l'immédiat. La jument eut pitié d'elle et la suivit docilement, tandis qu'elle sortait de la carrière et la menait vers les écuries, passant d'un comportement à l'autre en un claquement de doigts. C'était à n'y rien comprendre. Décidant de réfléchir à tout cela plus tard, Lumi se dépêcha de rentrer Lullaby dans son box après l'avoir dessellée, pressée de prendre un bon bain bien chaud pour soulager son corps endolori. Mais tandis qu'elle rentrait dans la maison, elle ne pouvait s'empêcher de penser à l'échec cuisant qu'elle venait d'essuyer. Que faisait-elle de mal ?

Monte aux trois allures (2/5)

Il avait fallu une semaine de répit à Lumi pour se décider à réessayer de monter sur le dos de Devil's Lullaby. Entre ses contusions qui lui faisaient mal et la réflexion intense dans laquelle elle s'était lancée pour trouver une solution à son problème, cette semaine n'avait toutefois pas été de tout repos. Et c'était sans compter sur ses filles, même si Owen lui était d'une aide précieuse. Mais ayant enfin un moment plus tranquille et se sentant bien mieux, l'éleveuse était motivée à reprendre le débourrage de l'alezane en ce jour. Voulant tester quelque chose, Lumi était seule cette fois, tandis qu'elle faisait entrer la jument dans la carrière, la menant par les rênes. Lullaby semblait moins nerveuse que la dernière fois, ce qui donnait de l'espoir à sa propriétaire. Réfléchissant à une façon de monter sur la jument sans qu'elle ne puisse l'embarquer dès la première seconde, elle se dirigea vers un coin de la carrière. Elle poussa la jument dans le coin, la tête vers les clôtures, puis se dirigea vers son flanc. Ainsi, Lullaby serait obligée de pivoter si elle voulait galoper, ce qui laisserait le temps à Lumi de descendre de son dos et lui éviterait une nouvelle chute. L'alezane avait gardé son calme jusque là. L'éleveuse se lança donc dans ce second essai sans plus attendre. Elle mit le pied à l'étrier, tendue, puis se hissa en sac à patates sur le dos de la jument. Ses doigts étaient crispés sur la selle, prêts à s'agripper au moindre mouvement. Mais, à la grande surprise de la jeune femme, la jument ne broncha pas tandis qu'elle se laissait peser sur son dos. Intriguée mais aussi légèrement inquiète, Lumi donna l'ordre à Lullaby d'avancer. Ne pouvant foncer dans la barrière, l'alezane tourna vers la droite, puis se mit à marcher lentement, d'un pas hésitant. Lumi la félicita de nombreuses fois pour son calme, tout en la guidant à la voix. Elle fit une longueur dans sa posture peu gracieuse, puis demanda un arrêt à la jument et se laissa tomber au sol. Se réceptionnant sur ses deux pieds, l'éleveuse remit ensuite le pied à l'étrier, mais cette fois pour s'assoir sur la selle. Une fois installée, elle prit les rênes bien en main et, d'un geste doux pour ne pas la brusquer ou lui donner une raison de commencer à faire un rodéo, la cavalière talonna sa monture tout en claquant de la langue. Lullaby avança de nouveau, au pas, plus détendue que jamais. Lumi avait du mal à y croire: elle montait Devil's Lullaby. Ne laissant pas son excitation et sa joie prendre le dessus sur sa concentration, la jeune femme continua de diriger la jument à travers la carrière. Si l'alezane avait encore du mal à comprendre les aides apportées par les jambes et les rênes, elle connaissait les ordres à la voix, ce qui permettait à Lumi de la guider un minimum à travers l'installation.
Durant quinze minutes qui passèrent à une vitesse folle, le duo arpenta la carrière, de plus en plus à l'aise. Lumi n'aurait jamais pensé parvenir à monter sur la fougueuse Lullaby, et pourtant, elle était sur son dos en ce moment-même et, encore plus fou, la jument avançait sans rechigner ou se débattre ! Un large sourire étirait le visage de l'éleveuse. Petit à petit, elle voyait ce débourrage complexe toucher à sa fin, et commençait à discerner les prémices de la relation avec sa jument qui se formait. Bien sûr, elle ne criait pas victoire tout de suite. Il restait encore deux allures à aborder et l'avenir leur réserverait bien des épreuves une fois l'alezane débourrée. Vu le caractère de la selle français, Lumi savait que celle-ci n'en aurait jamais fini de lui tenir tête, même si elle se calmait dans l'ensemble. Mais tout ce qu'elle demandait pour l'instant, c'était ce genre de moment, où elles arrivaient à accomplir quelque chose et à progresser ensemble. Et tandis qu'elle mettait pied à terre et récompensait la jument d'une friandise, Lumi était enthousiaste pour la prochaine séance.