Pandora Hills - Rond de longe

Lumi & Silven

Après avoir passé un très -trop- long moment à attraper Silven au pré, Lumi menait désormais le paint vers le rond de longe. Si l'étalon était un peu plus calme que l'année dernière, sa propriétaire savait qu'elle avait encore énormément de travail avec lui, et elle avait découvert avec l'aide d'Owen que longer Silven permettait de le détendre un peu avant de le monter, mais aussi de lui apprendre à obéir un peu plus. Alors, dès qu'elle le pouvait, Lumi emmenait son cheval dans le rond de longe pour une petite séance.
Elle referma le portail derrière l'étalon et alla se placer au milieu, déroulant au passage la longe qui était accrochée au licol du paint. Une fois en place, elle s'empara de sa chambrière avec l'autre main et d'un mouvement clair, ordonna à Silven de se placer sur le cercle et d'avancer. Habitué à ce genre d'exercice, l'étalon s'exécuta. Il commença à tourner dans le sens des aiguilles d'une montre, d'un pas énergique mais se retenant d'accélérer. Sa propriétaire le guidait sur le cercle en suivant le cheval de la chambrière et le paint maintenait une allure régulière, concentré. Après quelques tours, Lumi fit faire un changement de direction en s'aidant également d'un ordre verbal, et après une courte hésitation, le pie tourna sur lui-même pour reprendre un cercle au pas dans l'autre sens. Après plusieurs autres tours, Lumi fit accélérer Silven d'un claquement de langue. L'étalon se mit à trotter sans attendre, visiblement heureux de passer à la vitesse supérieure. Sous les ordres de la jeune femme et les mouvements de la chambrière, il allongea son trot sur quelques tours, puis le rassembla sur les suivants. Lumi était ravie de constater que l'étalon se concentrait davantage sur ce genre d'exercice qu'auparavant. Ses transitions étaient presque impeccables, seulement ponctuées de quelques hésitations mais rien de trop embêtant. Et surtout, le paint n'avait pas encore essayé de partir comme un fou furieux au galop. Il maintenait son trot en étant le plus régulier possible, les oreilles en avant et le regard fixé sur sa propriétaire, attentif à ses directives. Ainsi, lorsque Lumi lui demanda de nouveau de changer de sens, il fut rapide dans l'exécution de cet ordre et le demi-tour qu'il réalisa était plutôt fluide.
Pendant de longues minutes, la jeune femme le maintint au trot et continua de le faire tourner. Puis, elle ordonna à Silven de ralentir. Ce dernier renâcla, repassa au pas avant de se remettre à trotter à peine deux secondes plus tard. Lumi réitéra son ordre, et après une longue hésitation, Silven décida de l'écouter et passa à l'allure inférieure sans tenter de désobéir par la suite cette fois. Sa propriétaire le félicita longuement et le laissa exécuter deux tours au pas avant de le faire accélérer de nouveau. Après deux autres cercles au trot, elle demanda enfin le galop. L'étalon passa au galop de travail. Il tournait calmement lorsqu'une soudaine envie de se défouler le prit. Silven effectua un petit bond, puis rua à plusieurs reprises, se prenant visiblement pour un cheval de rodéo. Ne souhaitant absolument pas qu'il développe ce genre de comportement en longe, ou pire encore à la monte plus tard, Lumi ne perdit pas de temps pour le corriger. Elle agita la chambrière pour réclamer une rétrograde de l'allure de l'étalon. Silven obéit à contrecœur et les oreilles plaquées sur le crâne, il renâcla avec toute la frustration dont il était capable. C'est uniquement lorsque ses oreilles se redressèrent et qu'il sembla se détendre un peu que la jeune femme lui redemanda de passer au galop. Cette fois, bien qu'il soit tendu par l'envie de refaire n'importe quoi, le paint décida qu'il préférait galoper qu'être restreint à cause de ses bêtises, aussi garda-t-il une allure correcte comme on le lui demandait. Ses foulées se firent plus régulière à chaque cercle et Lumi observa les mouvements de l'étalon avec satisfaction.
Elle continua de le faire tourner et prolongea la séance avec divers changements d'allures et de direction. Le reste de l'heure se déroula sans trop de problèmes. Silven continua à suivre les ordres de Lumi sans rechigner et il ne s'emballa pas de nouveau, au grand soulagement de sa propriétaire qui voyait enfin les progrès de son cheval. Sur le dernier quart d'heure, l'étalon semblait même totalement détendu et à l'écoute, absorbé par le travail et concentré uniquement sur les exercices qu'on lui demandait. Après quelques tours supplémentaires, Lumi décida qu'il avait assez travaillé et le fit ralentir progressivement jusqu'à le faire s'arrêter.
Elle récupéra la longueur qu'elle avait laissé, enroulant la longe autour de son bras en se rapprochant de Silven. Arrivée à la hauteur du paint, elle lui flatta l'encolure tout en lui parlant, le félicitant pour cette amélioration. Fatigué par sa séance, le cheval accepta ces quelques minutes de caresse et de grattouilles sans broncher. Il semblait même apprécier cette attention. Posant la chambrière contre la clôture du rond de longe, la jeune femme ouvrit le portail et en sortit, menant Silven. Elle le guida vers l'écurie et l'attacha à l'extérieur, juste à côté de l'entrée, l'étalon exprimant déjà son mécontentement à la vue du bâtiment. Elle  se contenta d'un bon passage avec l'étrille pour le dépoussiérer et après avoir vérifié rapidement ses sabots, elle laissa le paint tranquille et le ramena au pré. Dès qu'il fut détaché, Silven bondit en avant et après un court moment de jeu, il alla s'abreuver longuement. Lumi l'observa quelques minutes avant de se retourner pour vaquer à ses occupations.

Faire preuve de patience

Si l'on avait demandé à Lumi si elle avait hâte de débourrer Break of Dawn, sans doute aurait-elle eu un petit rire nerveux à l'égard de la personne posant la question, avant de reprendre un air sérieux et de passer sur un autre sujet sans répondre. Pourtant, elle avait su durant tout ce temps qu'il arriverait un moment où elle n'aurait pas le choix. Et ce moment précis était arrivé, sous le soleil de juin, alors que la fameuse Break of Dawn venait de fêter ses deux ans. Ce n'était pas de la peur ou de l'appréhension que Lumi ressentait en allant chercher la jeune jument. Plutôt une sorte de découragement prévisionnel. Elle connaissait la pouliche pour l'avoir côtoyé depuis ses six mois, elle savait quelles erreurs elle avait pu faire lors de ce tout premier pré-débourrage et en connaissait les conséquences. Ce qu'elle s'apprêtait à faire n'aurait rien d'une partie de plaisir, loin de là.
Break of Dawn était au summum de sa forme et donc de son potentiel d'emmerdeuse. Pendant les deux minutes nécessaires à Lumi pour lui enfiler un licol et y accrocher une longe, la baie bouscula sa propriétaire deux fois et tenta de lui attraper l'épaule. Heureusement pour Lumi, elle était devenue experte en esquive et les dents de la pouliche se refermèrent sur le vide. Après l'avoir corrigée d'une voix fermer et attendu qu'elle se soit un peu calmée, la jeune femme ouvrit finalement la porte du box et en sortit, suivie de la selle français. Elle l'emmena à l'extérieur, la pouliche avançant d'un rythme soutenu et balançant sa tête de part et d'autre, visiblement pleine d'énergie. Traversant la cours, Lumi ordonna rapidement à Rose de rentrer à la maison alors que la chienne venait les voir. La jeune femme savait que la golden déconcentrerait Break of Dawn et que cette dernière chercherait à la poursuivre au lieu d'écouter. C'est donc la queue basse que Rose fit demi-tour, déçue de ne pouvoir venir cette fois. Au bout de la minute de marche pendant laquelle la baie testa la prise de Lumi sur la longe à chaque foulée, elles arrivèrent à destination. Le portail étant ouvert, la jeune femme ne perdit pas de temps pour entrer dans le rond de longe et y faire passer la pouliche, avant de refermer derrière elle. S'assurant que le loquet était bien enclenché, la jeune femme détendit enfin les muscles de ses bras et elle commença à dérouler la longe, la laissant traîner dans le sable. Dès qu'elle en eut la possibilité, Break of Dawn s'éloigna de sa propriétaire pour explorer la zone. Lumi songea avec amertume qu'au moins elle n'aurait pas de difficulté à lui apprendre à mettre de la distance entre elles.
S'emparant de la chambrière rangée près de la sortie et prenant une grande inspiration pour se donner du courage, Lumi se mit au travail. Elle n'eut aucun mal à obtenir l'attention de la jument qui, voyant le nouvel objet que tenait sa propriétaire, s'approcha immédiatement pour tenter de s'en emparer. Lumi le mit dans son dos et repoussa la pouliche lorsqu'elle tenta de forcer le passage. Après un "Stop !" mécontent de la part de la jeune femme, Break of Dawn sembla se résigner et, bien que gardant les oreilles en arrière, elle cessa d'insister. Lumi commença par faire marcher la jument à son niveau, tout en ralentissant parfois sa vitesse afin de la laisser se détacher de son épaule et aller de l'avant. Break of Dawn sembla confuse par la demande de Lumi dans un premier temps, puis elle finit par se prêter au jeu et s'éloigna de plus en plus de la jeune femme tout en continuant de marcher. Lumi lui fit faire un cercle, se tenant pour l'instant à un mètre d'elle et avançant en même temps. Lorsque la pouliche sembla se concentrer sur l'exercice et y mettre un peu plus d'entrain, elle la félicita de manière rapide et efficace afin de ne pas briser son sérieux. Au fur et à mesure des cercles qui s'enchaînaient, Lumi se rapprocha du centre, s'aidant de la chambrière pour faire comprendre à la jument qu'elle devait rester sur la piste. Break of Dawn tenta à plusieurs reprises d'attraper la chambrière mais sa propriétaire la retira à temps avant de la gronder. Ne parvenant pas à faire plusieurs choses à la fois de manière efficace, la baie décida de reprendre son exercice, au grand soulagement de la jeune femme.
Il fallut dix minutes au duo pour parvenir à un cercle régulier et à un bon écartement. Lumi se tenait désormais au milieu du rond de longe et Break of Dawn marchait le long de la barrière, exécutant des cercles parfaits. Elle avançait d'un pas plus déterminé et sûr maintenant qu'elle avait compris ce que l'on attendait d'elle. Lumi pivotait sur elle-même pour la suivre dans son mouvement, marquant le rythme avec la chambrière. Elle fit tourner la jument au pas pendant un moment, s'assurant que l'exercice soit totalement assimilé. Puis, d'un mouvement de la chambrière vers le haut qu'elle accompagna de claquements de langue et d'encouragements, elle tenta de faire passer la baie au trot. Break of Dawn ne comprit pas immédiatement et sa seule réaction fut de s'agiter et de tenter d'arracher la longe à Lumi d'un brusque mouvement de tête. Ayant une bonne prise sur la corde, la jeune femme tint bon et remis la pouliche sur l'exercice précédent pour qu'elle ne s'emporte pas plus que cela. Après deux cercles de retour au calme, elle réitéra sa demande. Même résultat. Nouveau retour au calme. Le troisième essai fut tout aussi infructueux, mais au quatrième, Break of Dawn commença à accélérer progressivement son pas, s'emballa un peu les jambes, puis, finalement, se mit à trotter. Lumi la félicita avec une joie non dissimulée puis, reprenant son sérieux, elle entreprit de donner de nouveau un rythme constant à la pouliche. Trotter sembla faire du bien à Break of Dawn, qui y prenait visiblement plaisir. Elle prit bientôt une allure constante, foulant le sable du rond de longe avec enthousiasme. La selle français semblait désormais totalement concentrée dans l'exercice. La tête haute, le regard brillant, elle donnait l'impression d'être une pouliche totalement différente de d'habitude. Nul doute qu'elle avait du potentiel lorsque l'on avait la patience de le découvrir et de l'exploiter. Elle ne ralentit pas une seule fois tandis qu'elle enchaînait les tours. Lumi l'entraîna à ce rythme pendant dix bonnes minutes supplémentaires avant de passer à la troisième et dernière allure. Exécutant le même mouvement qu'auparavant sensé indiquer à la pouliche d'accélérer, elle parvint cette fois à un résultat beaucoup plus rapide et concluant. Break of Dawn allongea d'abord son trot puis, avec quelques claquements de langue supplémentaires, elle passa au galop dès le premier essai. Enivrée par la vitesse, la baie commença à s'emballer, ruant à répétition, mais sa propriétaire n'abandonna pas et parvint à la calmer et à obtenir un galop plus propre et sans emportement. Au deuxième tour, Break of Dawn était de nouveau concentrée, au cinquième ses foulées étaient régulières et calculées. Comme pour les précédentes étapes de la séance, Lumi la fit tourner un moment au galop. Elle instaura aussi le mouvement de chambrière demandant à la jument de ralentir, et si elle mit un moment à le comprendre -pensant d'abord qu'elle devait de nouveau accélérer- Break of Dawn eut le déclic et bientôt elle put réaliser des transitions et changements d'allure dans les deux sens. La jeune femme la fit travailler ces derniers points pendant un petit quart d'heure et, satisfaite des progrès de la baie, la fit ralentir progressivement jusqu'à l'arrêt total.
Enroulant la longe autour de son bras, Lumi se rapprocha petit à petit de Break of Dawn qui était restée à sa place. Une fine couche de sueur recouvrait la jument, qui n'avait pas encore l'habitude de travailler ainsi et Lumi elle-même commençait à transpirer sous le soleil de juin qui tapait sur le toit du rond de longe. La jeune femme flatta l'encolure de la selle français, puis lui caressa le chanfrein. Fatiguée, Break of Dawn ne tenta même pas de la bousculer ou de la mordre cette fois, et c'est avec bonheur que toutes deux profitèrent d'un moment de calme et d'affection. Lumi ramena la jument à l'écurie. Après une séance de pansage exceptionnellement agréable à la fois pour la jeune femme et pour la pouliche, Lumi emmena celle-ci au pré afin qu'elle profite du reste de la journée en toute tranquillité. Elle resta un moment à l'observer après l'avoir détachée. Même si la pouliche était particulièrement difficile parfois, Lumi savait pertinemment qu'au fond d'elle, elle aimait beaucoup Break of Dawn et qu'elle tirerait des leçons de chaque étape de son débourrage.

Vaincre ses peurs

Lumi le savait, attendre ne résoudrait pas le problème d'Emeraude. Alors elle avait décidé de prendre les choses en main. La chaleur étouffante de cette journée d'été rendait la plupart des activités impossibles. Monter à cheval s'avérerait néfaste autant pour l'équidé que le cavalier, alors la jeune femme avait dû trouver de quoi s'occuper. Et c'est alors qu'elle avait songé à Emeraude. Elle s'était donné pour objectif de travailler sur les peurs de la jument, et c'était l'occasion idéal de passer à l'action à défaut de pouvoir faire une activité plus sportive. La propriétaire des lieux était allée chercher la jument pie dans le pré, puis l'avait équipée d'un simple licol et d'une longe, avant de la guider jusqu'au rond de longe. Même si l'endroit était petit, c'était le plus sécuritaire pour ce genre de travail. L'aspect presque entièrement fermé empêcherait Emeraude de disparaître de nouveau dans la nature si elle s'emballait, et le vent qui s'engouffrait par le toit apportait une fraîcheur bienvenue en plein mois d'août.
Lumi referma la porte derrière la selle français et entreprit de la faire marcher un peu pour la détendre avant d'entrer dans le vif du sujet. Pendant ce temps, elle fit un signe de la tête à Owen, qui était perché en haut d'un panneau de bois du rond de longe. Le brun se laissa tomber au sol à l'extérieur et Lumi entendit le bruit de ses pas qui s'éloignaient en direction de la cour. Elle se reconcentra sur la jument et continua de la faire marcher, lui laissant une bonne longueur de longe. Emeraude s'activait d'un pas nonchalant, plus molle que d'habitude à cause de la chaleur. Sa propriétaire songea que ce serait plutôt une bonne chose qu'elle soit moins réactive. Peut-être réagirait-elle moins brutalement dans cet état d'esprit ?
Au bout de plusieurs minutes, les oreilles d'Emeraude s'agitèrent sur son crâne et Lumi lui laissa plus d'espace dès qu'elle le remarqua. Mieux valait être à une distance sécuritaire. La jeune femme repéra très bientôt le bruit qu'avait détecté la jument, et malgré ses efforts pour ne pas faire ressentir des émotions négatives à la pie, Lumi sentit le stress monter en elle. Elle resta cependant en position et, lorsque la jument se figea et tourna la tête vers le vrombissement se rapprochant, la jeune femme tenta de la rassurer.
«Tout va bien. Tu es en sécurité ici, il ne peut rien t'arriver., dit-elle d'une voix douce.
L'une des oreilles de la pie pivota pour l'écouter momentanément, avant de se diriger de nouveau vers le son qui devenait de plus en plus fort. Les mains de Lumi se crispèrent sur la longe et elle fit un nouveau pas en arrière, tout en essayant de garder son calme. Les naseaux d'Emeraude se dilataient sous sa respiration qui s'accélérait, et la jeune femme ne cessait de lui parler pour tenter de la rassurer. L'avantage du rond de longe était qu'il bloquait la vue à la jument, qui ne pouvait que fixait le panneau de bois sans voir ce qu'il se tramait à l'extérieur. Cependant, tandis que Lumi observait la pie, elle se rendit compte que le fait de ne pas voir la voiture qui s'approchait ne semblait nullement diminuer la crainte de la jument.  Et alors qu'elle réfléchissait à une autre façon de la calmer sans trop s'approcher d'elle, Emeraude fit volte-face. D'un brusque mouvement de tête, la jument arracha la longe des mains de sa propriétaire, qui dans sa vaine tentative de la retenir, s'étala de tout son long dans le sable. La selle français s'élança à l'opposé du bruit mais s'arrêta bien vite face au mur. Elle commença à faire des aller-retours rapides, renâclant à répétition et tentant de trouver une issue.
Lumi se redressa et, sans prendre la peine de frotter le sable qui recouvrait ses vêtements, se hissa sur le mur du rond de longe et fit un grand signe à Owen, qui se tenait au volant de sa voiture.
-Stooooop !, cria-t-elle.
Son compagnon coupa immédiatement le contact et sortit du véhicule pour courir à sa rencontre.
-Tout va bien ?, demanda-t-il avec une pointe d'inquiétude dans la voix.
-Elle est en panique, je vais essayer de la calmer., répondit Lumi.
Sans attendre la réponse d'Owen, elle descendit de son perchoir et commença à avancer vers Emeraude. La jument continuait ses mouvements hystériques. Sa propriétaire arriva à sa hauteur et, restant un peu en retrait pour ne pas se prendre un coup de sabot, elle sortit une demi-pomme de sa poche et la tendit vers la pie, peu convaincue de l'efficacité de son geste. Comme elle s'y attendait, la selle français ignora totalement la friandise et Lumi remit le fruit dans sa sacoche. D'un mouvement rapide et attendant que la jument soit le plus loin possible de l'objet lorsqu'elle s'élança, Lumi ramassa la longe qui traînait au sol. Puis, lentement mais sûrement, elle commença à réduire la distance qui la séparait d'Emeraude. Petit à petit, la longe qui s'enroulait réduisait la possibilité de mouvement de la pie qui commençait à réduire la cadence. Lorsque Lumi parvint enfin à côté de la jument, celle-ci avait cessé de s'agiter mais haletait. Quand sa propriétaire tendit la main vers son chanfrein, la jument se recula vivement, avant de se laisser finalement caresser au deuxième essai. Lumi lui tendit de nouveau la pomme et, après plusieurs minutes de caresses et d'hésitation, Emeraude finit par s'en emparer. Lumi soupira. Le travail allait être plus long qu'elle ne le pensait.
Elle décida de faire une pause d'une dizaine de minutes, pendant laquelle elle discuta avec Owen de la façon de procéder et laissa la jument se promener dans le rond de longe. Lorsqu'ils se remirent au travail avec une nouvelle idée, Lumi était bien déterminée à ne pas lâcher prise. Cette fois, Owen se contenta de tourner la clé sur le contact du véhicule. Aussitôt, Emeraude s'immobilisa mais, avant qu'elle n'ait le temps de paniquer, le bruit du moteur se coupa. Lumi la félicita et lui donna une autre friandise.
-Tu vois ? Tu n'as pas bougé et le bruit est parti !, s'exclama-t-elle en flattant l'encolure de la jument.
Même si cette dernière ne semblait pas très rassurée, elle accepta sa récompense et se détendit plus rapidement que la première fois. Pour le troisième essai, Lumi recommença à faire marcher Emeraude pour la garder en mouvement et occuper son esprit. Lorsqu'Owen refit vrombir le moteur, la jument s'arrêta mais une fois encore le bruit se tut avant qu'elle n'ait le temps de faire quoi que ce soit d'autre. Nouvelle friandise, puis reprise du travail. Pendant une heure environ ils répétèrent le même schéma. Lumi guidait Emeraude dans le rond de longe et, de temps à autre, Owen démarrait la voiture qui se trouvait à l'extérieur avant de l'éteindre de nouveau à peine deux secondes plus tard. C'est lors des dernières tentatives que la pie fit un grand pas en avant. Alors que le bruit qui l'effrayait tant montait de nouveau, elle parvint cette fois-ci à ne pas se figer et continua à suivre Lumi. La jeune femme la félicita davantage que pour les autres essais et lui donna deux morceaux de pomme pour cet exploit. Puis, laissant la jument savourer sa récompense, elle fit signe à Owen de la rejoindre.
-Alors ?, s'enquit ce dernier en pénétrant dans le rond de longe.
Lumi sourit, satisfaite.
-On a progressé. Un tout petit peu seulement, mais c'est mieux que rien., dit-elle.
Elle lui fit un compte-rendu de la séance pour avoir son avis et tout deux décidèrent de s'arrêter là pour aujourd'hui.
-On va y arriver, tu verras., lança Owen, optimiste.
Lumi acquiesça, avant de s'étirer. Ses muscles étaient endoloris d'avoir été aussi tendus et elle transpirait. Ses vêtements quand à eux, étaient couverts de sable.
-Oui, mais en attendant j'ai besoin d'une bonne douche., répondit-elle.
Owen pouffa, avant de lui lancer un regard moqueur.
-Oh que oui !, dit-il en faisant semblant de se boucher le nez.
Cette remarque lui valut un coup de poing dans l'épaule. Après cette plaisanterie, le brun prit la longe d'Emeraude.
-Va te décrasser et te détendre, je vais la panser et la rentrer., proposa-t-il.
La jeune femme s'avança vers lui et l'embrassa.
-Merci pour ton aide.», dit-elle.
Puis, laissant Owen gérer la suite, elle prit le chemin de la maison sous un soleil de plomb, impatiente de se rafraîchir avec une douche bien froide.

Mauvaise passe

Si Owen l'avait vue sortir Silven de l'écurie, nul doute que Lumi aurait été interceptée immédiatement. Cependant, le jeune père s'était assoupi auprès de leur fille en milieu d'après-midi et Lumi avait sauté sur l'occasion pour braver un peu les interdits. Pourtant, elle savait qu'il ne s'agissait pas d'une bonne idée, mais elle n'avait pas vraiment le choix. Sasha était compétente, mais pas assez pour gérer le paint horse, et Owen trop occupé. Cependant, Lumi ne souhaitait pas que tous les progrès faits avec l'étalon soient réduits à néant par une trop longue période sans travail. En quelque sorte, elle se devait de sortir le paint elle-même. Pourtant, malgré sa détermination, Lumi était déjà découragée avant même d'atteindre le rond de longe. Silven s'avérait très agité en ce jour, et sa propriétaire au ventre bien rond à six mois de grossesse avait bien du mal à le tenir. Peut-être était-ce la météo nuageuse et l'air un peu plus frais qui rendait le paint plus nerveux ? Ou quelque chose le perturbait-il en ce moment ? Elle n'avait pas assez fréquenté les écuries dernièrement pour le deviner.
Tentant constamment de dépasser l'épaule de la jeune femme, Silven était insupportable. Il donnait des à-coups sur la longe et Lumi songea que si l'envie lui prenait de vraiment la lui arracher, elle n'aurait d'autre choix que de tout lâcher pour éviter une chute peu recommandée dans son état. Malgré tout, elle tint bon et parvint à passer le portail en bois et à le refermer derrière elle. La jeune femme s'accorda un court instant pour reprendre son souffle puis, désireuse de voir l'étalon se concentrer au lieu de faire n'importe quoi, elle le mit rapidement au travail. Elle commença la séance en le faisant tourner au pas, mais déjà Silven n'était pas d'accord. Le pie piaffait d'impatience et prenait le trot dès que Lumi avait une seconde d'inattention, ce qui agaça rapidement cette dernière. Elle affermit sa prise sur la longe et haussa le ton, ce qui eut peu d'effet. A force de persévérance, elle parvint toutefois à faire ralentir quelque peu le paint, qui finit par capituler et avancer d'un pas nerveux. Lumi lui fit réaliser des cercles lents, dans le but de le mettre tout doucement dans l'exercice et d'obtenir sa concentration avant de passer à la suite. Silven, lui, faisait purement et simplement la tête. Il avait les oreilles couchées sur le crâne et agitait la queue avec agacement, tout en renâclant de temps à autre. Malgré son envie de progresser, sa propriétaire comprit dans les cinq premières minutes qu'elle n'obtiendrait rien de plus que le stricte minimum de la part de l'étalon aujourd'hui. Tant pis, elle s'en contenterait.
Silven parvint à rester plus ou moins à l'allure correcte pendant quelques minutes, pendant lesquelles Lumi le guidait avec la longe sur le cercle. Puis, la jeune femme estima qu'il était prêt à passer à l'allure supérieure et elle encouragea l'étalon à accélérer avec des claquements de langue. Le paint ne se fit pas prier. Il se mit à trotter énergiquement, beaucoup trop heureux d'accélérer la cadence. Si bien qu'il décida de continuer et prit l'initiative de galoper soudainement. Lumi s'accrocha à la longe et tenta d'opposer une résistance au cheval, faisant tout son possible pour le faire ralentir. Mais Silven n'en faisait qu'à sa tête. Il avait décidé à l'instant où on lui avait enfilé son licol qu'il n'écouterait rien, et même si Lumi l'avait décelé, elle avait voulu aller jusqu'au bout de son idée. Désormais, elle s'époumonait et pestait contre l'étalon, qui galopait joyeusement dans le rond de longe tout en ruant, balançant ses membres postérieurs à une hauteur impressionnante. Après de longs instants de lutte, Lumi abandonna. Elle cessa de s'opposer à l'étalon et entreprit plutôt de se rapprocher prudemment de lui lorsqu'il commença à se calmer et à cesser de faire le cheval de rodéo. Après plusieurs essais infructueux, la jeune femme parvint finalement à réduire la distance qui la séparait du paint et à le reprendre en main, jusqu'à le faire s'arrêter. Dès qu'elle commença à le mener, Silven se remit à s'agiter constamment. Il y avait définitivement un problème avec le paint.
Lumi ne chercha pas plus loin. Cette séance, malgré sa durée bien réduite, l'avait épuisée de par son déroulement, et elle n'avait qu'une envie: s'allonger. Elle guida son cheval jusqu'aux prairies. Une fois dans la vaste étendue, elle tendit la main vers Silven pour tenter de le caresser, rituel qu'elle essayait d'avoir avec lui depuis que l'étalon s'était quelque peu adouci. Cependant, le pie n'était définitivement pas d'humeur ce jour-là, et il fit brusquement un pas en arrière tout en renâclant. Lumi se recula, puis lâcha un long soupir avant d'ôter le licol du paint. Aussitôt, Silven fit volte-face et partit au grand galop le plus loin de la jeune femme. Sa propriétaire l'observa, confuse. Avec l'étalon elle avait l'impression en ce moment de toujours faire un petit pas en avant pour ensuite en faire dix en arrière le jour suivant. Silven traversait-il tout simplement une mauvaise passe ? Ou le problème était-il plus grand qu'elle ne l'avait imaginé ? Elle n'avait pas l'énergie d'y réfléchir pour le moment, mais elle savait qu'elle devrait se pencher sur la situation dès qu'elle le pourrait. Avant de se retrouver face au mur. Lumi rentra chez elle dépitée.

Passage à l'âge adulte

Après les récents évènements et notamment l'arrivée de Not My Fault, Owen était plus qu'heureux de s'atteler à une tâche moins difficile en ce jour. Non pas que débourrer un poulain au harnachement était forcément qualifié de facile, mais quand la pouliche en question s'appelait Edemah Ruh, on pouvait s'attendre à une séance des plus agréables. Pas de ruades ou de renâclements au programme, Edemah était la douceur incarnée à pied. Restait donc à voir comment elle se comporterait avec quelqu'un sur le dos, mais pour cela Owen était plus que confiant. C'était donc avec une énergie nouvelle qu'il était allé chercher l'alezane de plus de deux ans dans son box et, après lui avoir enfilé un licol, qu'il l'avait menée jusqu'au rond de longe, qui serait l'endroit idéal pour l'exercice du jour. Isolé par ses panneaux de bois, assez loin des autres installations, il leur assurerait toute la tranquillité dont ils auraient besoin. Le brun avait au préalable amené tout son matériel au rond de longe. Une selle, ainsi qu'un tapis et un filet les attendait donc lorsqu'ils pénétrèrent dans la zone. S'assurant de bien refermer le portail derrière lui, Owen guida d'abord la jument vers les équipements afin qu'elle puisse les examiner sous toutes les coutures. Edemah Ruh le suivit docilement et renifla la selle lorsqu'elle fut à sa portée, ses naseaux frémissant à chaque inspiration. Avec calme, elle fit de même pour le reste des objets. Après ces quelques minutes d'examen approfondi, la pouliche sembla se désintéresser de la chose, et Owen prit cela pour le signe lui indiquant qu'il pouvait passer à la suite.
Le brun réfléchit rapidement et décida de commencer par ce qui serait le plus familier pour Edemah Ruh. Elle était déjà totalement habituée au licol, et le filet au final changeait juste de par quelques aspects mais fonctionnait presque de la même manière. Il ôta donc le licol de la selle français, le posa à ses pieds dans le sable, puis alla chercher le filet sous le regard intrigué de la jument. Lui faire passer la tête dedans ne présenta, comme il l'avait prédit, aucune difficulté. Puis arriva le mors. Edemah Ruh recula d'abord la tête quand Owen l'avança vers sa bouche, sans pour autant fuir totalement. Après quelques essais, elle se laissa finalement faire et son propriétaire put glisser l'objet métallique dans la bouche de la jument. Aussitôt, l'alezane montra quelques signes d'inconfort, et elle se mit à mâchouiller le mors en continu. Owen la rassura en lui flattant l'encolure et en lui murmurant des mots rassurants. Au bout d'une bonne minute, Edemah commença à s'apaiser et ses mouvements de bouche se firent moins réguliers, jusqu'à ce qu'elle ne mordille le mors qu'une seule fois toutes les trente secondes environ. La surprise était passé, et à force de répétition, elle stopperait totalement ce petit défaut. Elle avait déjà battu des records en temps d'adaptation. Mais il restait encore deux objets à lui présenter.
Pour introduire le tapis de selle, Owen passa d'abord sa main à plusieurs reprises sur le dos de la jument, comme pour lui indiquer que c'était la prochaine zone qui serait envahie par un équipement étrange. Puis, il alla chercher ce dont il avait besoin. S'approchant du flanc de l'alezane, il claqua de la langue pour qu'elle regarde dans sa direction et puisse observer la manœuvre afin de ne pas prendre soudainement peur. D'un geste exagérément lent, il approcha le tapis du dos de la pouliche, qui observait la scène du coin de l’œil. Puis, toujours avec la même lenteur, il posa le tapis en douceur sur la selle français. Un frémissement parcourut le corps de la jument, puis rien d'autre. Owen se recula de quelques pas. Edemah se contorsionna pour aller sentir le tapis sur son dos, mais n'eut aucun mouvement de crainte ou de gêne. C'était comme si elle se fichait totalement d'avoir quelque chose sur le dos. Le brun n'en revenait pas de la facilité avec laquelle la jument avait accepté son harnachement jusqu'ici. Si elle continuait ainsi, il pourrait la monter bien plus tôt que prévu.
La selle présentait l'étape finale. Owen la souleva à deux mains puis, répétant les étapes précédentes, s'approcha du même côté et la posa délicatement par-dessus le tapis. La selle était plus lourde que l'objet précédant, Edemah Ruh s'agita un court instant, puis se calma dès qu'Owen la rassura. Après l'avoir laissée s'acclimater quelques minutes, il commença à avancer, la guidant par les rênes. La jument hésita, puis se décida à le suivre. Ses premiers pas étaient incertains et elle jetait de nombreux regards en arrière. Ses oreilles pivotaient sur son crâne tandis que les étriers cliquetaient à son rythme. Mais elle ne sembla pas plus perturbée que cela. Le brun lui fit ainsi faire plusieurs tours du rond de longe, jusqu'à ce qu'elle soit assez confortable avec son nouvel équipement pour marcher de manière plus naturelle et décontractée. Enfin, il la fit s'arrêter et s'approcha de nouveau de la selle. Petit à petit, il en resserra les sangles jusqu'à ce qu'elle soit parfaitement adaptée à la taille de la pouliche. Celle-ci ne sembla pas s'en soucier outre mesure. Lorsqu'il laissa retomber ses mains, Owen avait face à lui une Edemah Ruh totalement harnachée, qui se tenait bien sage et immobile, attendant la suite. Cette étape de son débourrage avait été vraiment rapide comparé à d'autres équidés, et le brun ne pouvait que s'imaginer les sommets qu'une jument aussi équilibrée pourrait atteindre. En tout cas, elle en avait fait bien assez pour ce jour-là. Il entreprit de la débarrasser de tout son équipement avant de lui repasser le licol, tout en la félicitant de vive voix et en lui flattant l'encolure pour lui montrer à quel point il était fier d'elle. Lorsqu'il la lâcha au pré pour qu'elle puisse se défouler un peu, Owen était d'une humeur incroyable et déterminé à obtenir des résultats aussi fulgurants avec d'autres chevaux.

Se faire la main

La chaleur était presque étouffante en cette journée d'été, et Sasha était bien contente de travailler dans le rond de longe. Le vent s'engouffrait par l'espace au-dessus du mur, offrant un air rafraîchissant, et le toit les protégeait des assauts du soleil. Après avoir réajusté sa coiffure, la jeune femme se concentra sur l'équidé qu'elle faisait travailler. Emeraude se tenait tranquillement à côté d'elle, attendant la suite. Avec la canicule, Sasha ne comptait pas la faire travailler trop longtemps ni lui imposer quelque chose d'intense. Elle avait donc décidé de longer la jument pendant une petite demi-heure, afin qu'elle se dépense un peu sans abuser. Cependant, Sasha ne savait trop comment procéder. Bien sûr, elle avait déjà réalisé des séances de longe dans sa vie, mais c'était loin d'être son activité principale. Mais elle savait qu'elle se débrouillerait en réfléchissant un peu. De plus, Emeraude connaissait les bases de la longe et n'aurait pas besoin d'y être initiée. Sasha se mit donc au travail. Claquant de la langue, elle fit avancer Emeraude jusqu'à l'extrémité du cercle. Puis elle se plaça au centre et commença à guider la pie tout en pivotant sur elle-même. Elle la fit tourner simplement au pas pendant un moment, se remémorant les gestes à réaliser par la suite. Emeraude marchait d'un pas régulier, détendue. Après une dizaine de tours, Sasha lui demanda d'accélérer. La jument renâcla rapidement, probablement peu motivée à trotter par cette chaleur. Elle s'exécuta toutefois et passa au trot. D'une allure élégante, elle continua d'enchaîner les tours, Sasha gardant constamment sa maîtrise. A plusieurs reprises, elle fit ralentir Emeraude sur quelques tours, pour lui demander ensuite de revenir à l'allure précédente, lui faisant ainsi travailler ses transitions.
Emeraude travaillait avec toute la motivation dont elle était capable cet après-midi. Sasha ne la poussa pas trop fort, préférant qu'elle suive son propre rythme plutôt que de l'épuiser. Après un moment, elle rajouta le galop à leur séance. La jument prit une foulée assez courte, mais régulière. Elle tourna pendant quelques minutes à cette allure avant que la brune ne lui demande à nouveau de passer au trot, reprenant le travail des transitions avec les trois allures cette fois. Sasha sentait ses vieux réflexes revenir tandis qu'elle manipulait la longe. C'était comme si ses mains se souvenaient encore de ces séances avec son ancien cheval ... Elle chassa vite ces pensées pour se concentrer sur la selle français face à elle. Elle n'avait pas le loisir de songer à ce genre de chose. C'était loin derrière elle désormais. La jeune femme reprit donc la longe bien en main et continua d'exercer la jument. Ses changements d'allure étaient de plus en plus fluides et rapides, leur répétition permettant à la pie de s'améliorer. Il était agréable de voir la jument prendre plaisir à travailler et se concentrer ainsi sur l'exercice demandé. C'était l'une des montures les plus malléables du domaine. De plus, elle avait fait d'énormes progrès sur sa peur des moteurs. Bientôt, elle serait une jument idéale pour les débutants. Pour ce qui était de ses résultats en concours, Sasha avait remarqué qu'elle était loin de faire partie des meilleurs de l'élevage, mais elle savait que Lumi et Owen ne se sépareraient pas d'un de leurs chevaux pour cette unique raison, et ainsi elle ne craignait pas de voir la douce Emeraude disparaître du jour au lendemain. Elle faisait probablement partie de ses petits favoris ici, bien que personne ne puisse détrôner Naughty Boy à ses yeux.
Sasha regarda sa montre, puis l'état d'Emeraude. Elle décida de prolonger un peu la séance. Elle fit changer la jument de sens et reprit les tours de rond de longe. Elle lui évita le galop cependant, voyant que la pie commençait à haleter et ayant elle-même de plus en plus de mal à se rafraîchir. Même à l'ombre, le rond de longe restait un endroit presque fermé où la chaleur parvenait à s'engouffrer, et la légère brise était loin d'être suffisante désormais que toutes deux s'activaient. Ce fut donc au bout de quarante-cinq minutes seulement que Sasha fit ralentir Emeraude jusqu'à l'arrêt total. Elle se rapprocha de la baie, enroulant progressivement la longe autour de son bras par la même occasion. La brune flatta l'encolure de la pie, remarquant qu'une fine couche de sueur s'était formée sur sa robe. Elle ne perdit pas de temps pour emmener la jument s'abreuver, avant de se diriger vers l'aire de soins. Par ce temps, elle préférait doucher systématiquement les chevaux après une séance de travail. En tout cas, elle était fière de s'être débrouillée pour celle-ci.

Longe aux trois allures (1/5)

Lumi était essoufflée avant même d'atteindre le rond de longe. La perspective de la séance à venir la décourageait et lui donnait envie d'abandonner immédiatement. Mais elle n'avait pas le choix. Après plusieurs jours passés en box pour qu'elle s'acclimate aux écuries, il semblait évident que Devil's Lullaby avait besoin de sortir et de se dépenser. Ses coups de sabot incessants dans la porte de son box et ses hennissements stridents rendaient fous même les plus calmes des pensionnaires de Pandora Hills. Les propriétaires des lieux l'avaient pourtant déplacée dans le box le plus éloignée des autres, pensant que la tranquillité l'aiderait à se calmer, mais rien à faire, la jument restait insupportable. Lumi en avait plus qu'assez de la situation et avait donc décidé de passer à l'action en débourrant la pouliche. Mais elle ignorait encore les surprises que lui réservait l'alezane.
Parvenant enfin à la faire entrer dans l'enceinte de bois après avoir bataillé pendant tout le trajet, Lumi s'accorda un moment pour souffler tandis que la jument se plaçait le plus loin possible d'elle, non par peur mais clairement pour lui signifier que sa présence la dérangeait. Une fois qu'elle put respirer de nouveau normalement et mentalement prête à cette première séance en longe avec Lullaby, la jeune femme se redressa, prit la chambrière et la longe bien en main, et s'armant de courage, elle demanda à la jument d'avancer. Sans surprise, Lullaby ne bougea pas d'un poil, lorgnant sa nouvelle propriétaire d'un œil mauvais. Lumi refusa d'abandonner si rapidement et réitéra sa demande, alliant le geste et la voix, encourageant la jument récalcitrante à se mettre en marche. Après ce qui lui parut être une éternité, Lullaby renâcla quelques fois, puis fit ses premiers pas avec la lenteur exagérée de celle à qui on a demandé l'impossible. L'éleveuse savoura tout de même cette victoire, aussi infime soit-elle. Cependant, sa célébration fut de courte durée puisque Lullaby décida de s'arrêter après deux mètres à peine. Lumi pesta intérieurement contre la jument, avant de reprendre l'étape précédente. N'importe qui passant près du rond de longe se serait arrêtait pour observer la scène avec curiosité. L'alezane semblait se jouer de sa propriétaire, qui agitait les bras et lançait des ordres à tout va, tandis que la première lui donnait de faux espoirs en faisant un quart de tour avant de faire une nouvelle pause à rallonge et qui impliquait un nouveau refus d'avancer. A plusieurs reprises, Lullaby testa aussi la patience de la jeune femme en tirant brutalement la longe par un mouvement de tête en arrière, mais malheureusement pour la jument, Lumi tint bon et ne se laissa pas impressionner. La selle français avait le caractère typique d'une jument mal lunée non éduquée, et même si Dawn n'avait jamais atteint de telles extrémités, son débourrage avait quelque peu préparé Lumi à ce genre de problème. Cette dernière persévéra durant tout un quart d'heure, ne voulant pas laisser Lullaby tranquille tant qu'elle n'obtempérait pas un minimum - soit au moins un tour complet. Si les attentes de Lumi étaient si basses pour cette séance, c'était qu'elle savait pertinemment qu'elle venait de s'engager dans un long et fastidieux débourrage et ne progresserait qu'en faisant preuve de patience.
Lorsqu'elle arriva enfin à ses fins et parvint à pousser Lullaby jusqu'à faire le fameux tour demandé, Lumi en lâcha presque un cri de joie. Mais l'attitude de la jument, qui s'était de nouveau arrêtée aussitôt son tour achevé, les oreilles plaquées sur le crâne de mécontentement d'avoir coopéré ne serait-ce qu'une minute, ramena l'éleveuse à la réalité. Le travail accompli en cette séance était ridicule et le chemin qu'il lui restait à faire lui semblait tellement long qu'elle n'arrivait même pas à en imaginer le bout. Soupirant mais repoussant obstinément le découragement qui menaçait de s'emparer d'elle, la jeune femme ramena Lullaby près d'elle - ce qui restait loin pour sa sécurité - et prit le chemin du retour, les muscles des bras tendus, prête à se faire secouer jusqu'à la porte du box.

Longe aux trois allures (2/5)

Lumi se l'était promis: elle n'abandonnerait pas aussi vite. C'est ainsi que le lendemain du premier essai peu concluant avec Devil's Lullaby, la jeune éleveuse l'avait amenée de nouveau au rond de longe, bien décidée à faire mieux. Lumi était de toute façon bien déterminée à ne s'arrêter que lorsqu'elle verrait une amélioration chez la jument. S'emparant de son matériel et une fois la porte bien fermée derrière elle, la jeune femme se mit en place, prit une grande inspiration, puis claqua de la langue tout en levant la chambrière. Si Lullaby recommença comme la veille par un refus catégorique d'avancer, sa nouvelle propriétaire ne se laissa pas du tout marcher sur les pieds, et s'avança elle-même vers la jument. Peu désireuse de la voir si proche d'elle, l'alezane se mit aussitôt en route. Lumi continua de la suivre un petit moment, s'assurant qu'elle ne s'arrêtait plus. A contrecœur, la selle français marchait sans pause. Quand sa propriétaire parvint enfin à se replacer au centre du cercle, Lullaby était lancée et au grand soulagement de la jeune femme, elle ne ralentissait plus. Bien, voilà que les règles étaient fixées et la jument s'était résignée à obéir. Revigorée par cette perspective, Lumi continua à faire tourner l'alezane au pas, l'encourageant et la félicitant de vive voix. Ce n'est qu'après une dizaine de minutes que l'éleveuse se décida à essayer de passer à l'allure supérieure.
Utilisant une nouvelle fois la chambrière pour assister son ordre, Lumi tenta de faire accélérer Lullaby. Cette dernière fit d'abord un peu de résistance mais, à la grande surprise de la jeune femme, obtempéra plutôt rapidement et se mit bientôt à trotter. Sa propriétaire trouva cette attitude un peu louche de la part de celle qui lui en avait fait voir de toutes les couleurs depuis son arrivée, même si, au fond d'elle, elle avait très envie de croire en ce petit miracle. C'était sans compter sur le côté mesquin de Lullaby qui, comme si elle avait lu dans les pensées de Lumi, décida soudainement qu'elle en avait assez d'obéir et d'être bien élevée. Elle commença doucement, par un petit coup de cul en envoyant ses postérieurs en l'air. Lumi la rabroua mais cela ne fit que pousser un peu plus la jument dans le vice. Bientôt elle trottait de manière totalement désordonnée, levant les antérieurs beaucoup trop hauts, agitant la tête de haut en bas et dérivant à plusieurs reprises de sa trajectoire, passant d'un cercle parfait à des figures se rapprochant plus d'un ovale. Lullaby avait un trop-plein d'énergie qu'elle dépensait en faisant n'importe quoi, au grand désespoir de celle qui tenait la longe en essayant de reprendre le contrôle. L'alezane était comme sourde aux ordres de Lumi, l'ignorant royalement pour continuer son petit jeu. Plus la jeune femme s'énervait, plus Lullaby mettait d'énergie dans son petit cirque. Sentant la frustration monter en elle, Lumi décida de garder la maîtrise de ses émotions pour gérer cette situation. Elle se campa solidement sur ses jambes et, petit à petit, commença à ramener la longe vers elle, d'une main ferme. Lullaby s'opposa à cette traction à coups de tête en arrière, mais le rond de longe ne lui donnait pas une zone de manœuvre assez large pour vraiment reculer. Lumi décida d'avancer sur les derniers mètres qui la séparaient de la jument, le visage fermé. Une fois à son niveau, Lullaby se calma comme par magie lorsque sa propriétaire la saisit directement par le licol pour la maintenir immobile. Les minutes s'écoulèrent, pendant lesquelles Lumi se contentait de garder la jument à sa place. Celle-ci tentait parfois de se dérober, mais la poigne de la jeune femme l'en empêchait. Lorsqu'elle commença à se tortiller dans le licol pour tenter de mordre, un "Non !" ferme de Lumi la prit au dépourvu et la fit sursauter. Après ça, l'alezane se limita à plaquer les oreilles sur son crâne et renâcler. Quand elle se tint enfin tranquille, Lumi la relâcha lentement. Elle commençait à cerner la jument. Bien qu'elle montre des signes d'agressivité, elle n'osait pas dépasser les limites, du moins pas toujours. Il fallait lui tenir tête jusqu'au bout pour gagner son respect.
Se replaçant au centre du rond de longe, la jeune femme claqua de la langue. Cette fois, Lullaby se mit en marche sans la moindre hésitation. Elle fit plusieurs tours au pas avant que Lumi ne décide de la pousser de nouveau au trot. L'éleveuse se contenta de quelques tours rapides à cette allure tandis que la jument était dans une meilleure disposition. Puis, elle mit fin à la séance sur cette note plus positive, avant de ramener une Lullaby qui ne lui arracha pas les bras cette fois jusqu'à son box. 

Longe aux trois allures (3/5)

Après s'être longuement questionnée sur sa façon de travailler avec Devil's Lullaby, Lumi avait décidé de reprendre dès le départ. Peut-être avait-elle brûlé les étapes avec la jument ? En tout cas, il était clair pour la jeune femme que le trot avait été beaucoup trop chaotique pour qu'elle continue sur les étapes suivantes de l'apprentissage en longe. Ce qu'elle devait faire, c'était d'abord renforcer les acquis, les solidifier avant de les compléter. En tout cas, travailler faisait du bien à l'alezane. Elle avait cessé de constamment se débattre lorsque Lumi la menait, ce qui soulageait ses bras douloureux depuis son arrivée. Bien sûr, la jument restait pénible, mais dans une moindre mesure. Et cette amélioration, couplée à sa remise en question, rassurait Lumi. Peut-être que Lullaby était en train de progresser, à son propre rythme.
Pénétrant dans le rond de longe avec celle-ci, l'éleveuse se mit en position pour commencer la séance. La jument semblait être dans une bonne disposition en ce jour, elle espérait donc obtenir le meilleur d'elle. Levant la chambrière, elle donna l'ordre de départ. Avec quelques secondes de battement - il ne fallait pas qu'elle se montre trop docile - Lullaby se mit en route. La jument commença à tourner au pas, gardant un rythme régulier et semblant calme pour le moment. Tandis qu'elle enchaînait les tours, Lumi la félicitait régulièrement, d'une voix douce pour tenter d'inculquer ce tempérament à l'alezane. Cette dernière se contenter d'avancer en regardant droit devant elle. Sa propriétaire se méfiait de ce genre de comportement venant d'elle. Ce calme inhabituel ne présageait rien de bon. Pourtant, Lullaby se tint tranquille, même lorsque Lumi commença à intégrer des changements de direction à la séance. La jument se tournait alors sans protester pour repartir de l'autre sens. Elle répéta l'exercice plusieurs fois, s'exécutant presque aussitôt l'ordre donné. Voyant que tout se déroulait incroyablement bien cette fois, Lumi décida d'ajouter les transitions entre le pas et l'arrêt à la séance. Quand elle demanda le premier stop à la jument, la jeune femme craignait qu'elle ne décide de rester là, mais à sa grande surprise, l'alezane se remit à avancer lorsqu'elle le lui ordonna. Lumi mixa donc les deux exercices en faisant enchaîner les tours à Lullaby avec arrêts et changements de direction. Pour le moment, c'était un sans-faute pour la jument.
Étonnée et revigoré pour ce soudain revirement de situation, l'éleveuse tenta le tout pour le tout. Prenant une longue inspiration et priant intérieurement pour que tout se passe bien, elle demanda une accélération à la jument. Lullaby se fit un peu attendre, Lumi devant insister à plusieurs reprises pour obtenir d'elle un passage à l'allure supérieure. Finalement, c'est avec un soupir exagéré que la jument se mit à trotter. Lumi avait raffermi sa prise sur la longe, prête à résister à la traction exercée par la jument si elle se mettait à bondir comme la dernière fois. Mais l'alezane n'en fit rien. Elle se contentait de trotter comme demandé, sans pour autant y mettre la moindre motivation. Mais peu importait l'élégance de l'allure pour Lumi. Pour le moment, tout ce qu'elle attendait de Lullaby était qu'elle se tienne tranquille et suive les ordres. C'était donc une réussite pour l'éleveuse, qui ne lâcha pas une seconde la jument des yeux, concentrée sur le moindre de ses mouvements pouvant indiquer une crise de folie soudaine. Voyant que l'alezane maintenait ses bonnes résolutions, Lumi se détendit un peu et continua de la faire tourner au trot. Elle n'ajouta les transitions et changements de direction que sur les derniers tours, après une dizaine de minutes passées à faire des cercles au même rythme. Lullaby protesta un peu et il fut plus compliqué d'obtenir quelque chose d'elle à cette allure. Lumi se contenterait de cela. Elle lui fit faire un dernier tour dans le sens inverse et, ne voulant pas trop pousser sa chance, fit ralentir la jument avant de l'arrêter totalement. Quand elle voulut s'en approcher pour la caresser, Lullaby se recula et renâcla. Elles n'en étaient pas encore à ce stade de confiance. Déçue de ne pouvoir pour l'instant se lier avec l'alezane, mais en même temps ravie de cette séance, Lumi la ramena dans son box.

Longe aux trois allures (4/5)

Lumi menait Devil's Lullaby avec en tête l'idée bien précise de la faire passer au galop durant la séance de ce jour. Elle avait assez entraîné la jument et après la dernière séance très positive, elle la sentait prête à franchir cette ultime étape. Mais même si elle était confiante, une petite partie de la jeune femme espérait ne pas se tromper ou aller trop vite. De toute façon, il n'y aurait qu'une façon de le savoir. Elles arrivaient au rond de longe, et d'ici une quinzaine de minutes, le temps de s'échauffer aux autre allures, Lumi serait fixée. Elle ne perdit donc pas de temps et, fermant la porte derrière elle, se mit aussitôt à sa place pour ordonner à Lullaby de se mettre à marcher. Cette étape était désormais bien acquise et la jument s'exécuta même plutôt rapidement pour une fois. Sa propriétaire la fit tourner au pas un petit moment, lui demandant quelques arrêts et un changement de direction pour continuer de travailler ces exercices aussi. L'alezane réagissait bien, étonnamment docile et à l'écoute. Pour l'instant, tout se déroulait pour le mieux, et c'est sans la moindre appréhension que l'éleveuse demanda un passage au trot. Lullaby accéléra et avançait désormais à l'allure supérieure, son trot plus contrôlé et coordonné que les fois précédentes. Elle ne râlait presque pas, se contentant de souffler de temps à autre avec les oreilles en arrière, avant de se reconcentrer sur la séance. Il fallait dire que Lumi la surveillait de près, ne voulant pas la laisser faire le moindre écart. Là encore la jument se tint tranquille, alternant entre les tours au trot, au pas, d'un sens, puis de l'autre. Lumi pouvait presque se passer de la chambrière et la faire obéir uniquement à la voix, idée qu'elle repoussa cependant, préférant sécuriser la réussite de la séance avec tous les outils à sa disposition.
Quand elle sentit que Lullaby était bien lancée dans la séance et disposée à lui obéir, Lumi décida de passer enfin à la dernière étape. Se répétant mentalement que tout allait bien se passer, elle leva la chambrière, commença à encourager Lullaby à accélérer davantage et ... s'envola littéralement derrière la longe. La jument avait bondi en avant avec tant de brutalité que sa propriétaire n'avait pas eu le temps de se préparer. Tenant fermement la longe à deux mains, l'élan de l'alezane l'avait propulsée à sa suite. La jeune femme vit très rapidement le sol défiler sous ses yeux avant de s'écraser dans le sable, tête la première, après avoir parcouru l'incroyable distance d'environ six mètres en planant. Encore un peu et elle serait partie dans le mur. Se relevant péniblement, Lumi frotta le sable qui lui avait écorché le visage. Elle resta quelques secondes assise sur ses talons, les genoux au sol, les bras endoloris. Heureusement pour elle, la longe lui avait échappé des mains assez rapidement, lui évitant d'être traînée sur tout le cercle derrière Lullaby. Se relevant finalement, l'éleveuse alla ramasser sa chambrière, puis commença à suivre la jument depuis le centre du rond de longe. L'alezane galopait à toute allure, jetant parfois les membres, exprimant toute sa joie d'avoir gagné cette bataille avec sa propriétaire. Il fallut de longues minutes pour que Lumi parvienne à la faire ralentir à l'aide de la chambrière, tout en la rabrouant d'une voix dure. Quand elle parvint enfin à récupérer la longe, elle fit s'arrêter totalement la jument. La jeune femme reprit son souffle, épuisée autant physiquement que mentalement par cette séance. Mais elle savait ne pas avoir le choix: elle ne pouvait laisser Lullaby sur ce débordement, ce serait lui donner raison. Rassemblant alors tout le courage qu'elle possédait, Lumi se remit au travail.
Elle reprit la séance du début, ignorant les manifestations du mécontentement de la jument. Elle avait dépassé les bornes et devait comprendre que ce n'était pas sans conséquence. Lumi ne lui laissa pas la moindre marge d'erreur, impassible. L'alezane montrait quelques signes de fatigue. Tant mieux, moins d'énergie pour qu'elle recommence à faire n'importe quoi. Sa propriétaire prit le temps de bien insister sur les bases, rendant volontairement la séance plus pénible que nécessaire. Après un long moment, elle retenta le galop. Et la magie opéra. Lassée et fatiguée, Lullaby prit l'allure sans excès de vitesse cette fois. Elle se contenta d'un galop de travail manquant de rythme mais correct. Lumi n'en demandait pas plus. Après seulement dix tours à cette allure, cinq dans un sens et cinq dans l'autre, elle fit revenir la jument à l'arrêt, mettant fin à la séance. L'alezane ne protesta pas une seule fois tandis que Lumi la ramenait aux écuries. Elle avait compris la leçon.

Longe aux trois allures (5/5)

Après la séance plutôt mitigée de la dernière fois, Lumi avait redoublé d'effort et de patience avec Devil's Lullaby. Elle l'avait entraînée tous les jours, jusqu'à obtenir le résultat voulu. Désormais fière de pouvoir dire que la jument était débourrée à la longe aux trois allures, il y avait un dernier test qu'elle souhaitait réaliser avec elle avant de passer à la suite. De nouveau, la jeune femme amena donc l'alezane au rond de longe. Une fois à l'intérieur cependant, elle détacha la selle français et se mis en place, ne tenant que la chambrière. Intriguée par ce changement, Lullaby l'observa longuement, se demandant visiblement ce qu'elle faisait en liberté dans cet endroit où elle avait toujours été attachée. L'éleveuse lui laissa donc quelques instants pour qu'elle se concentre, avant de faire le geste et de donner l'ordre d'avancer. D'abord confuse, la jument hésita. Puis, quand Lumi réitéra sa demande, elle se mit finalement à marcher d'un pas incertain, suivant le cercle habituel. Si elle eut d'abord du mal à garder un rythme constant et une belle démarche, perturbée par le côté inhabituel de la séance, Lullaby finit par s'y faire, et elle retrouva bientôt ses marques et habitudes.
Malgré la liberté supplémentaire qui lui était accordée du fait de l'absence de la longe, l'alezane resta bien docile et à l'écoute de Lumi. Elle réagissait toujours aussi vite à ses demandes et gardait un air sérieux et appliqué tandis qu'elle tournait aux trois allures. Elle n'eut aucun mal à exécuter des changements de direction et des transitions, semblant même plus à l'aise sans l'attache qui la gênait parfois dans ses mouvements. Sa propriétaire était ravie. Se souvenant encore de leur toute première séance dans cette structure, elle n'en revenait pas des progrès de Lullaby. La voir ainsi nourrissait l'espoir qu'elle pourrait en faire une jument plus agréable et facile à vivre, même si le chemin était encore long. Mais pour l'instant le changement était incroyable. La jument se mouvait avec aisance et la liberté et la confiance que lui accordait sa propriétaire semblait la revigorer. Lumi avait le sentiment qu'elles commençaient à s'apprécier mutuellement, et que cela se faisait ressentir lorsqu'elles travaillaient ensemble. La jeune femme n'allait plus chercher l'alezane à reculons, mais désormais avec l'impatience de la personne qui veut relever un défi personnel, qui veut se dépasser et accomplir quelque chose. Elle prouverait que Lullaby était capable de devenir une jument docile et de fouler les terrains de concours, peu importe le temps et l'énergie que cela lui prendrait.
Remotivée par ces pensées, Lumi se concentra davantage sur la séance, qu'elle fit durer un peu plus longtemps que d'habitude. Lullaby enchaîna les exercices avec la même énergie et une détermination nouvelle. Ce ne fut que lorsque la lumière faiblit, annonçant la fin d'après-midi en cette journée d'hiver, que le duo s'arrêta. Avant que l'obscurité ne vienne, Lumi ramena Lullaby dans son box, la jument la suivant avec calme tandis qu'elles traversaient la cour du domaine. Leur relation avait définitivement évoluée depuis l'arrivée de l'alezane.