Whiplash - anglo-arabe (é)

SOLEIL ET PROBLÈME

L'été, les vacances, le soleil, la mer, les sorties entre amis ... Xari avait toutes les raisons du monde d'être heureuse. Mais un évènement plus important que tous les autres allait rendre cet été particulièrement incroyable, et cet évènement s'appelait Whiplash. Un anglo-arabe de quatre ans, cadeau de ses parents qu'elle avait gagné en s'occupant une année complète de toutes les corvées de la maison, même celles de Lin, son petit frère. Son propre cheval, pas celui de l'écurie dans laquelle elle montait. Le sien. L'adolescente arrivait à peine à croire qu'elle allait rencontrer l'étalon d'ici quelques minutes. Elle ne tenait pas en place. Elle arpentait les couloirs de l'écurie sous le regard intrigué des autres élèves. Un groupe de filles un peu plus âgées la dévisageait avec un air hautain, mais Xari ne s'en souciait guère. Elle connaissait les phénomènes et savait que ces filles à papa aux chevaux hors de prix et elle-même ne s'entendraient jamais dans ce plan de l'existence. A vrai dire, la brune n'avait pas vraiment lié d'amitié forte au club. Après tout, elle n'y venait que deux fois par semaine pour monter à chaque fois un cheval différent dans un cours ennuyeux et repartait dès que sa monture était pansée et rangée dans son box. Ce n'était pas qu'elle n'avait pas envie de passer plus de temps aux écuries, mais entre le lycée, son année de corvées intensives et l'autorité de ses parents, elle n'avait pas trop eu le choix. Mr et Mme Nguyen insistaient lourdement sur le principe de respecter un planning serré, et si cela permettait à leurs enfants d'apprendre à être rigoureux, Xari avait toujours cette envie de pousser un peu les limites. C'était aussi pour cela que Whiplash allait changer sa vie. Elle n'aurait pas le choix de passer plus de temps ici puisqu'elle allait devoir s'en occuper totalement. Et ses parents ne pourraient rien y redire, car elle apprendrait ainsi le sens de la responsabilité qu'ils prônaient tant.
Lorsque Xari entendit le bruit d'un moteur devant les écuries, elle sortit presque en courant. Son père, qui l'avait amenée et attendait désormais adossé à une barrière avec un air sérieux, la fusilla du regard en la voyant sortir ainsi sans la moindre allure. L'adolescente se reprit et lissa sa chemise, avant de s'avancer d'un pas professionnel aux côtés du paternel, tout en attendant que le conducteur du van qui venait de faire son entrée descende de son véhicule. A la vue de la remorque qu'il avait tiré, Mr Nguyen fronça les sourcils tandis que sa fille se mordait la lèvre inférieure, inquiète. Le van était cabossé. Et l'expression du conducteur lorsqu'il parvint enfin à leur niveau ne laissait rien présager de bon.
«Vous êtes Mr Nguyen ?, demanda-t-il aussitôt.
Le concerné approuva d'un air grave, avant de parler d'une voix tout aussi imposante.
-Bonjour. Oui c'est bien moi. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous êtes en retard ?
Le conducteur, un homme d'une trentaine d'années, se frotta la tête, gêné.
-J'ai eu un accrochage sur la route. Le van a pris un bon coup mais je n'ai pas entendu le cheval se plaindre alors j'ai continué jusqu'ici. Mais tout va bien !, s'expliqua-t-il en bafouillant.
Si un regard pouvait tuer, le père de Xari aurait été recherché pour meurtre à partir de ce moment. Voyant qu'il valait mieux se taire, le conducteur alla vers la porte arrière et commença à la déverrouiller. Il dut se battre quelques secondes avec le loquet, que le choc avait légèrement déformé. Xari se tenait un peu en retrait, piétinant nerveusement. Lorsque la porte s'ouvrit enfin, le conducteur s'enfonça dans la pénombre et ressortit quelques secondes plus tard, une longe à la main. Un magnifique cheval bai lui emboîta le pas, mais Xari eut à peine le temps de l'admirer avant de remarquer qu'il boitait. Un petit filet de sang avait coulé le long de son membre postérieur gauche, provenant d'une plaie au niveau du jarret. Mais malgré cette petite blessure, l'anglo-arabe ne semblait pas si perturbé que ça. Sa nouvelle propriétaire vint prendre sa longe tandis que son père et le conducteur avaient une conversation animée sur le problème du transport. Elle emmena Whiplash quelques mètres plus loin, s'adaptant au rythme du bai. Puis elle avança sa main lentement et, ne voyant aucun signe de recul, la posa sur le chanfrein de l'étalon, commençant à le caresser.
-Ne t'inquiète pas, on va te remettre sur pied et on pourra s'éclater tous les deux après., dit-elle au cheval.
Les oreilles de Whiplash pivotèrent vers elle, attentives à sa voix.
-On a un programme bien chargé, alors je vais bien prendre soin de toi, d'accord ?, continua Xari.
L'étalon souffla et l'adolescente sourit. Elle l'aimait déjà. Tandis qu'elle flattait l'encolure du bai, elle entendit son père, qui avait fini de livrer le fond de sa pensée, qui la rejoignait. Il examina rapidement le membre blessé et soupira.
-J'espère bien que c'est soignable, sinon cet incapable va avoir de gros problèmes., lâcha-t-il.
Puis il fit signe à sa fille d'aller installer l'étalon dans son box, tandis qu'il se dirigeait à grands pas vers le bureau des écuries, probablement pour y exprimer son mécontentement aussi. Xari guida Whiplash à l'intérieur, l'étalon marchant docilement derrière elle. Ils passèrent devant le groupe de filles à papa, qui pouffèrent à la vue de l'équidé.
-Joli cheval la naine ! Il ira loin comme ça !, s'esclaffa l'une d'elles.
Xari eut un petit sourire sur le côté. Elle fit volte-face et la regarda de haut en bas.
-Plus loin que toi si ton père n'arrive pas à compenser la taille de ton cerveau en pots-de-vin pour l'université., rétorqua-t-elle.
Elle vit le visage de son interlocutrice passer de la moquerie à la colère, et elle se retourna sans un mot, faisant comme si elle n'avait pas entendu. Mais Xari savait qu'elle avait gagné cette bataille.
-Allez, on va te mettre au calme et nettoyer ça.», dit-elle en s'adressant à Whiplash.
L'adolescente tint parole et passa un bon quart d'heure à prendre soin du bai. L'été ne faisait que commencer et ,malgré ce petit contretemps, elle avait hâte de voir ce qu'il allait lui réserver.

COMBATTRE L'ENNUI

Si la blessure de Whiplash retardait les plans de Xari pour cet été, elle avait cependant un avantage: elle permettait aux deux individus de faire plus ample connaissance avant de commencer les choses sérieuses. Chaque jour, l'adolescente venait voir son cheval après son cours d'équitation, qu'elle réalisait donc avec un cheval du club en attendant. Elle passait une bonne heure avec l'anglo-arabe et lui parlait, le caressait, l'habituait à sa présence et découvrait ses petites habitudes. C'est ainsi qu'elle remarqua directement que le bai s'ennuyait lorsqu'elle arriva devant ce box en ce mardi après-midi. Lui qui était habituellement si énergique et enjoué semblait cette fois plus mou. Poussant la porte de bois, Xari pénétra dans le box et lui frotta le chanfrein pour le saluer. Whiplash redressa un peu la tête mais sa nouvelle propriétaire voyait bien qu'elle devait trouver une occupation à l'étalon lorsqu'elle n'était pas là. Sa blessure mettrait bien une petite semaine à disparaître et elle ne pouvait le laisser tourner en rond jusque là. Elle passa quelques minutes à réfléchir et, soudain, une idée lui vint à l'esprit.
«Je reviens tout de suite !, lança-t-elle au bai tout en ressortant du box.
Elle partit en trottinant chercher tout ce dont elle avait besoin puis, quand elle revint devant le box du bai, elle posa tout un tas d'objets par terre et s'assit à même le sol. Whiplash sortit la tête de son box et l'observa avec curiosité, tandis que Xari organisait ce qui se trouvait face à elle. Une peluche en jute représentant un cheval, une balle grillagée et un tube en caoutchouc troué à plusieurs endroits, tous trouvés dans la réserve du club, serviraient de base. Avec ça, la brune avait apporté un sac de carottes, un petit paquet de friandises à la pomme et du foin, ainsi que de la ficelle. Elle commença par la balle. Elle la remplit de foin, en laissant dépasser par chaque trou du grillage. Elle veilla à ce qu'elle soit bien tassée, puis entreprit d'y glisser des carottes. Elle enfonça les légumes dans le foin et ne laissa dépasser que les extrémités par le grillage afin que le cheval puisse s'en saisir. Ce dernier la regarda faire avec un grand intérêt. Il poussa un petit hennissement d'envie en voyant les carottes et Xari lui sourit.
-Attends, je n'ai pas fini. Tu l'auras bientôt., dit-elle.
Elle se reconcentra sur les enrichissements. L'adolescente apporta quelques dernières carottes à la balle et la posa à côté, en ayant terminé avec cet objet. Elle se saisit ensuite du tube. Tout comme la balle, elle mit du foin par l'extrémité qui se dévissait. Cependant, elle ne le remplit pas de suite. Une fois le fond du tube tapissé de foin, elle rajouta les friandises à la pomme et à l'aide d'un bâton, les dispersa au mieux dans tout le tuyau. Une fois satisfaite, elle termina de fourrer le foin dans le jouet jusqu'à ce qu'il soit plein. Xari s'empara ensuite de la ficelle et fit un attache sur chacun des trois jouets. Elle fit un nœud solide et vérifia la solidité de l'ensemble, puis elle se redressa. Whiplash ne tenait plus, il tendait la tête vers ses jeux avec impatience. Xari se glissa de nouveau dans le box et le repoussa gentiment quand il s'approcha des enrichissements. Respectueux, l'anglo-arabe recula d'un pas et se contenta de l'observer tandis qu'elle accrochait les jouets à plusieurs endroits de son box. La brune examina sa disposition une dernière fois, puis elle décida que cela lui convenait. Elle sortit du box et donna l'autorisation au bai de s'avancer. L'étalon alla renifler un par un les nouveautés de son box, puis il s'attaqua à la balle, dont les carottes lui faisaient terriblement envie depuis qu'il les avait aperçues dans leur sac. Xari l'observa tandis qu'il agitait la tête, une carotte entre les dents, tentant de l'extraire de la balle. Whiplash semblait avoir retrouvé instantanément son énergie. Sa propriétaire passa de longues minutes à le regarder jouer, heureuse d'avoir trouvé une solution pour combattre son ennui. Elle ne doutait pas qu'il en aurait terminé avec les deux jouets à friandises d'ici le lendemain, mais au moins ils l'occuperaient quelques temps et il pourrait ensuite se rabattre sur la peluche. Sa tâche accomplie, la brune laissa son cheval tranquille.
-A demain Whiplash !», lui lança-t-elle.
Le bai ne se retourna pas, trop occupé, mais ses oreilles pivotèrent sur sa tête, signe qu'il l'avait entendue. Xari sortit de l'écurie et enfourcha son vélo pour rentrer chez elle, contente d'avoir pu occuper l'étalon.

VERS LA GUÉRISON

Xari était lancée dans sa routine estivale, à quelques détails près qui ne tarderaient pas à rentrer dans l'ordre. Le matin elle faisait ses corvées à la maison puis allait voir ses amis ou s'adonnait à diverses activités, tandis que l'après-midi était consacré aux écuries. Elle y allait en vélo pour quatorze heures, assistait à son cours ennuyeux au possible sur un cheval du club, puis passait le reste de l'après-midi auprès de Whiplash. L'adolescente avait commencé à nouer un véritable lien avec l'anglo-arabe. Chaque jour elle lui apportait quelque chose de nouveau, que ce soit un jouet d'occupation ou tout simplement une friandise, puis elle l'observait, jouait avec lui, découvrait sa personnalité. Le bai était affectueux et très curieux. Même si il se tenait tranquille à cause de sa convalescence, on devinait également qu'il avait de l'énergie à revendre, et Xari était plus qu'impatiente de pouvoir le monter et voir de quoi il était capable. Surtout qu'elle avait déjà pris du retard sur le cours auquel elle s'était inscrite, ne pouvant pas y assister sans cheval attitré. C'était pour ces raisons que la brune avait ajouté à ce petit programme des soins réguliers.
Comme tous les jours, elle entra dans le box de l'étalon et lui offrit quelques caresses et un morceau de pomme pour le saluer. Whiplash n'attendit pas pour saisir la friandise et, tandis qu'il la dégustait, Xari en profita pour examiner sa plaie. Elle constata avec joie qu'elle était presque refermée. Ce n'était plus qu'une question de jours avant qu'il puisse enfin sortir. Il ne fallait pas qu'elle diminue ses efforts si près du but. L'adolescente posa son sac à dos à même la paille et en sortit ce qu'elle était allée chercher juste avant. Elle commença par rincer la plaie avec de l'eau claire, afin d'en ôter la poussière et autres saletés avant d'appliquer quoi que ce soit par dessus. Rassurant Whiplash d'une voix calme, elle prit ensuite un spray désinfectant et en propulsa le contenu sur la blessure. L'anglo-arabe tressaillit et tapa du pied, mais il n'alla pas plus loin, ne voulant pas risquer de blesser sa propriétaire. Cette dernière laissa pénétrer et sécher le produit pendant une bonne minute, tout en flattant l'encolure du bai, dont la tête reposait sur l'épaule de la jeune fille. Après cette petite pause, elle passa à la suite des soins. Xari enfila un gant stérile, puis sortit un grand tube de pommade cicatrisante pour équidés et autres animaux de ferme, qui faisait des miracles. Elle en déposa une bonne dose sur sa main gantée, avant de l'approcher doucement de la jambe de l'étalon. Puis, elle étala la pommade à gestes prudents sur toute la surface de la blessure, veillant à n'oublier aucun millimètre, appliquée dans sa tâche. L'étalon souffla en fermant les yeux. Nul doute que le remède le soulageait déjà. Xari termina les soins du bai, puis ôta son gant et rangea les produits. Elle laissa son sac dans le couloir, le passant par-dessus la porte du box et le lâchant de là, puis se retourna vers l'anglo-arabe, qui dirigeait déjà sa tête vers la plaie. Elle claqua de la langue pour attirer son attention et l'étalon abandonna ce qu'il comptait faire pour la regarder, les oreilles pointées dans sa direction.
«Tu ne dois pas y toucher si tu veux sortir au plus vite., lui expliqua Xari, comme si Whiplash pouvait la comprendre.
L'étalon renâcla, avant de s'ébrouer. C'était l'heure de jouer ou il serait tenté de lécher la pommade. Xari sourit et décida de lui faire réviser un petit truc qu'elle lui avait appris au fil des derniers jours. Elle se plaça face au bai et, prenant tout d'abord un air très sérieux, elle lança:
-En rythme Whiplash !
Puis l'adolescente se mit à hocher la tête avec dynamisme, à une cadence régulière. L'étalon la regarda quelques instants avant de commencer à l'imiter. Il balançait la tête de haut en bas, y mettant beaucoup plus de motivation que nécessaire, et manqua presque d'assommer sa propriétaire, qui esquiva son coup de tête involontaire de justesse.
-C'est bien !, félicita-t-elle l'anglo-arabe.
Puis elle éclata de rire et le bai arrêta son cirque, ayant presque l'air vexé. Il poussa un long hennissement. Dans le couloir, le groupe de filles à papa passèrent au même moment et se mirent à glousser, levant les yeux au ciel. Xari les ignora superbement. Elle ne se souciait nullement d'elles quand elle passait du temps avec son cheval. Elles pouvaient bien penser ce qu'elles voulaient. Parvenant enfin à calmer sa crise de rire, elle caressa le chanfrein de l'étalon. Oh oui, elle avait tellement hâte de vivre plein d'aventures avec Whiplash. Mais sa santé d'abord. Et puis, quelques jours, ça passait vite, non ? Elle quitta le box après une bonne demi-heure passée avec l'anglo-arabe. Aujourd'hui elle avait d'autres obligations et ne pouvait rester plus longtemps.
-A demain Whiplash !», lança-t-elle au bai.
Il ne la lâcha pas du regard tandis qu'elle quittait les écuries.

LE DOPPELGÄNGER

Cela faisait du bien à Xari de se retrouver en tête à tête avec son cheval. Après une semaine plutôt agitée chez elle, entre l'homme étrange à la fenêtre et son cauchemar de la nuit dernière, retourner aux écuries et sortir un peu de chez elle était un soulagement pour l'adolescente. Entre la période propice aux histoires d'horreur et ses récentes expériences, elle allait finir par croire qu'elle vivait dans une maison hantée ! Mais ici, elle pouvait souffler un peu, apprécier la douce odeur du foin et s'occuper de son étalon. Whiplash était d'ailleurs plutôt calme en ce jour. Le chauffage avait été allumé dans les écuries, et Xari songea que c'était ce qui rendait l'anglo-arabe somnolent. Il devint toutefois bien plus vif en apercevant la friandise que sa propriétaire sortit de sa poche. Il ne fallut pas le supplier pour qu'il dévore la demi-pomme, à peine la jeune fille l'avait-elle tendue vers lui. Secouant la tête avec un léger sourire, Xari tapota l'encolure de l'étalon. Elle toussota lorsqu'un nuage de poussière s'éleva de la robe de l'étalon. Quand elle le regarda de plus près, elle se rendit compte qu'il tirait presque vers le gris au lieu de son bai habituel. Il était temps de lui offrir un bon pansage. Alors que Xari allait ressortir du box, une personne passa en coup de vent dans le couloir, et la jeune fille ne l'aperçut que du coin de l’œil. Cependant, elle éprouva une sensation étrange qu'elle ne parvint pas à expliquer tout de suite. Après une hésitation, elle finit par ouvrir la porte et sortir. Elle devait être sur les nerfs récemment.
Refermant le box derrière elle, la brune commença à se diriger d'un pas traînant vers la sellerie, où se trouvait aussi le matériel de pansage. Les écuries étaient calmes en cette soirée. Il semblait à Xari qu'elle était seule sur les lieux ... enfin, à part la personne qui venait de passer bien sûr. Peu de cavaliers restaient après les cours, ayant d'autres obligations. Sur ce point, l'adolescente ne pouvait pas se plaindre. Tandis qu'elle tournait dans un couloir perpendiculaire, elle redressa la tête pour voir la porte de la sellerie, tout au bout. Xari s'arrêta net. La porte était ouverte, comme d'habitude, mais une silhouette se tenait dans l'encadrement. La sensation étrange qu'elle avait ressentie auparavant la frappa de plein fouet lorsqu'elle poursuivit son observation de l'inconnue. Et petit à petit, la curiosité fit place à l'effroi lorsqu'elle se rendit compte qu'il s'agissait en fait d'une très bonne connaissance. La personne qui se tenait à une vingtaine de mètres d'elle était une jeune fille de taille assez petite, à la chevelure brune. Elle portait un gilet rouge et un legging noir, ainsi que des bottes un peu usées qui avaient besoin d'être cirées. Xari n'eut pas besoin de baisser les yeux. Elle savait très bien ce qu'elle avait enfilé avant de partir pour les écuries. Tandis que l'autre personne redressa la tête pour la fixer, leurs regards identiques en tout points se croisèrent et Xari resta bouche bée. Même si la silhouette paraissait lointaine et plus effacée, telle un fantôme, elle n'avait pas besoin de s'en approcher davantage pour se rendre compte qu'elle faisait face à son portrait craché. Son reflet mais sans miroir, une jumelle sans réelle consistance mais pourtant bien là. Comment appelait-on ce genre de phénomène déjà ? Un doppelgänger ? Xari ne se posa pas la question très longtemps. Une sueur froide recouvrit son corps tout entier et, tandis que l'autre elle se mettait à avancer, elle commença à haleter bruyamment, se rendant compte seulement maintenant qu'elle avait retenu son souffle depuis qu'elle avait aperçue la silhouette. L'adolescente n'attendit pas que son double s'approche davantage. A vrai dire, elle n'avait pas du tout envie de se voir de plus près, ni la curiosité de savoir ce qu'il se produirait si cette chose l'atteignait. Elle fit volte-face et détala en courant dans le couloir, ses bottes résonnant dans le silence de plomb. Elle se rendit immédiatement dans le box de Whiplash, referma la porte avec violence et s'accroupit, adossée au mur. Elle mit une main sur sa bouche pour dissimuler le bruit de sa respiration laborieuse et s'immobilisa. Son double allait-il la poursuivre ? Avait-elle halluciné ? Whiplash l'observait d'un air intrigué, venant parfois lui mordiller les cheveux avec affection, mais Xari ne parvenait pas à lui rendre ses gestes pour le moment. Soudain, elle comprit ce qui lui avait paru étrange dès le départ, hormis le fait de s'être vue elle-même du coin de l’œil bien sûr: la chose ne faisait pas de bruit. Elle était silencieuse dans ses déplacements et n'avait pas lâché le moindre mot, le moindre son. Si elle venait jusqu'au box de l'anglo-arabe, Xari ne pourrait même pas le savoir avant de lui faire face.
L'adolescente attendit une bonne demi-heure ainsi, n'osant plus bouger. Ses membres s'engourdirent tandis que le soleil se couchait et que la nuit tombait sur les écuries. Ce n'est que lorsqu'elle entendit des bruits de pas qu'elle osa enfin se relever. Le palefrenier qui faisait sa dernière ronde se figea et l'observa avec stupeur. Avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, Xari sortit du box et s'excusa d'être restée si longtemps, avant de partir d'un pas rapide vers la sortie, profitant de la présence d'un autre humain pour échapper à la chose. Elle appela son père pour qu'il vienne la chercher en voiture. Elle récupérerait son vélo plus tard. Durant tout le trajet du retour, qui se fit en silence, elle songea à cette apparition qui hanterait probablement les nuits à venir.

UN AMI IMAGINAIRE

C'était le milieu d'après-midi, en ce vingt-six octobre, et Xari venait de terminer son entraînement avec Whiplash. Elle avait ensuite bien évidemment pansé le bai, avant de le rentrer dans son box. Puis, cette tâche effectuée, l'adolescente était partie lui préparer sa ration afin de le nourrir. Xari s'affairait dans la réserve, préparant le seau de l'anglo-arabe. Lorsqu'elle eut enfin terminé, elle ressortit et se dirigea vers le couloir où se trouvait le box de son cheval. En tournant dans le dit couloir, elle s'arrêta pour observer une scène plutôt étrange. Whiplash avait sorti la tête de son box, et il la tendait en avant, comme si il essayait d'atteindre quelque chose, ou quelqu'un. Cependant, il n'y avait strictement rien qui pouvait attirer son attention, et Xari resta donc un moment à l'observer en silence, tentant de comprendre.
L'étalon finit par se détendre un peu, puis il abaissa la tête, comme lorsque la jeune fille le caressait, et garda les yeux mi-clos, soufflant de bonheur. C'était à n'y rien comprendre. Après une minute de "caresses imaginaires", le bai redressa la tête, puis la tendit de nouveau pour agiter le bout des lèvres, comme si il épouillait un autre individu. Il poussa ensuite un léger hennissement, fixant toujours le vide devant lui. L'étrangeté de la scène ne fit que s'accroître lorsque le cheval fit mine de s'appuyer sur une épaule invisible, comme si un esprit venait lui enlacer l'encolure. Encore une fois, Whiplash ferma les yeux et sembla se délecter de cette attention que lui seul pouvait ressentir et même observer. Sa propriétaire, quand à elle, se demandait si elle ne commençait pas à devenir folle, ou si le bai ne perdait pas complètement la boule lui aussi. C'était comme si quelqu'un se tenait face à lui, et le cajolait. Quelqu'un que l'anglo-arabe semblait apprécier aussi. Comme un ami imaginaire. Mais les chevaux pouvaient-ils avoir des amis imaginaires ? Xari était loin d'en être sûre. Et pourtant, elle en avait la preuve sous les yeux. Elle en eut une preuve encore plus flagrante lorsque le bai fit mine de saisir une friandise - invisible elle aussi - et de la mâcher bruyamment. Xari n'en croyait pas ses yeux. Complétement perdue, elle continua à observer la scène encore quelques secondes, avant de finalement faire un pas en avant. Whiplash l'entendit et se tourna enfin vers elle. Il vit son seau de nourriture et hennit dans sa direction cette fois. Mais alors que sa propriétaire s'approchait de son box, il regarda de l'autre côté du couloir, observant la présence qui l'avait caressé et qui s'éloignait désormais pour laisser place à l'adolescente. Perturbée par cet évènement qu'elle ne comprenait toujours pas, Xari distribua sa ration à l'anglo-arabe, avant de rentrée chez elle, troublée. Ce mois d'octobre était définitivement le plus étrange de sa vie.

MYSTÈRE A L’ÉCURIE

Si un manteau de neige recouvrait maintenant le sol et les températures avaient chuté, cela n'empêchait pas Xari de continuer à rendre visite à son cheval. Les cours avaient lieu dans le manège désormais, et les leçons d'endurance étaient pour l'instant suspendues à cause de la météo, au grand désarroi de l'adolescente. Peu intéressée par le reste des activités proposées pas le club, où seules les filles que Xari détestait participaient, la jeune fille passait son temps à s'occuper de Whiplash. Parfois, elle venait avec un livre ou sa console portable, et se contentait de s'assoir dans le box, tenant compagnie à l'anglo-arabe. Ce jour-là cependant, c'était jour de nettoyage pour le bai, qui était bien poussiéreux à force de passer la majeure partie de son temps dans l'écurie. Mais il y avait comme un petit problème. Tandis qu'elle retournait tout le contenu de son casier pour la cinquantième fois, Xari ne trouvait toujours pas sa boîte de pansage. Frustrée, elle commençait à perdre patience. Avant de s'énerver davantage, elle se laissa tomber sur un banc et réfléchit. Elle était sûre et absolument certaine de bien l'avoir rangée à sa place la dernière fois. Le cadenas de son casier était bien fermé quand elle était arrivée ce matin, et elle était la seule à en détenir le code. Le mystère restait complet. Se pouvait-il que quelqu'un ait caché son matériel ? Non, impossible sans accès à son casier. Si elle avait perdu tout le contenu de sa boîte, ses parents allaient la tuer. Au moins auraient-ils une idée de cadeau pour Noël, même si Xari aurait préféré avoir quelque chose d'autre ...
Ne pouvant se résigner à l'idée d'avoir égaré ses affaires, elle se redressa brusquement et se mit à fouiller la pièce. Si quelqu'un était entré au même moment, il l'aurait prise pour une folle. Xari rampait sous les tables, sous les canapés, tirait les meubles. Rien à faire. Soudain, alors qu'elle s'asseyait dans le canapé, son regard fut attiré par quelque chose au-dessus des casiers. Se saisissant d'une chaise, Xari monta dessus et tendit le bras au maximum, jusqu'à atteindre l'objet. Dès qu'elle le saisit, elle sut qu'elle était sur une piste. Alors qu'elle voyait enfin ce qui était caché là-haut, elle comprit que quelqu'un voulait l'embêter. Elle tenait son étrille dans la main, reconnaissable par ses initiales écrites au feutre rouge sur la poignée. Remettant la chaise à sa place, Xari soupira. Le club était désert à cette heure de la matinée, à part les palefreniers, que la jeune fille ne connaissait que de nom et qui étaient peu enclins à discuter. Elle allait devoir se débrouiller seule. Faisant un dernier tour de la pièce, elle comprit que le reste de son matériel devait être caché autre part, et sortit pour se diriger vers la sellerie. Elle trouva son cure-pied sous un tas de tapis en attente d'être nettoyés, et son peigne entremêlé dans la bride de son propre cheval. Après avoir pesté envers la personne ayant risqué d'abîmer son matériel, elle parvint à le décrocher et se rendit vers la salle de stockage de nourriture. Là, elle retourna tous les seaux, ouvrit tous les bacs de granulés. Alors qu'elle pensait ne rien trouver ici, elle eut la surprise de tomber sur sa brosse douce dans le dernier bac qu'elle ouvrit. Elle se hâta de la récupérer, furieuse. Si un palefrenier était tombé dessus avant elle, elle se serait fait tirer les oreilles pour mettre ce genre de choses dans la nourriture des chevaux. Sortant de la pièce, elle ouvrit les mains et fit l'inventaire de ses affaires. Étrille, cure-pied, peigne, brosse douce ... il lui manquait encore sa brosse dure. Alors qu'elle allait retourner à son point de départ, un objet attira son attention du coin de l’œil. Sa boîte de pansage était posée en plein milieu du couloir, là où personne ne pouvait la louper. Stupéfaite, Xari s'en approcha lentement, comme si elle pouvait se mettre à bouger d'un moment à l'autre. Mais la boîte resta aussi immobile que d'habitude, et elle put ranger ses affaires dedans. Maintenant elle en était sûre, quelqu'un se moquait d'elle. Décidant de chercher le coupable plus tard, elle retourna ranger sa boîte dans son casier. Et lorsqu'elle l'ouvrit, sa brosse dure tomba au sol. C'était à n'y rien comprendre. Xari se baissa, la ramassa et la remit dans la boîte avec le reste. Au moins rien n'avait été volé ou cassé. Alors qu'elle refermait son cadenas, elle souffla en se souvenant qu'elle devait seulement panser son cheval. Elle ouvrit son casier pour la trentième fois depuis son arrivée, récupéra de nouveau sa boîte et après avoir tout refermé derrière elle, partit d'un pas rageur vers le box de Whiplash. Qui que ce soit, le petit malin qui avait caché ses affaires jouait avec ses nerfs et lui avait fait perdre du temps, et la jeune fille était bien décidé à résoudre ce mystère !

RÉCONCILIATION

Depuis l'incident dans le manège, Xari n'avait cessé de s'en vouloir. En rentrant chez elle, elle avait regretté de s'être laissé submerger par la colère. Elle avait non seulement été méchante avec son cheval, mais aussi avec le palefrenier qui l'avait pris en charge aussi. Elle devait des excuses à beaucoup de monde. Et elle avait eu une petite idée en ce dimanche matin. En se levant, elle avait vu un énorme plateau de biscuits sur la table, si rempli qu'elle aurait pu nourrir une classe entière avec. Songeant qu'elle n'avait pas vu sa mère les préparer pour une occasion particulière, et qu'elle détestait le gaspillage, elle se dit qu'elle pouvait en prendre un peu pour le haras. Elle en remplit donc une boîte, qu'elle mis dans son sac à dos. Puis, elle se rendit au haras. Une fois sur place, elle alla d'abord voir son cheval. Quand elle arriva devant le box, l'anglo-arabe avait déjà passé sa tête par-dessus la porte et l'attendait. Xari s'avança et lui caressa le chanfrein, collant son front contre celui de l'étalon.
«Pardon mon beau, je n'aurais jamais dû m'énerver contre toi., souffla-t-elle.
Malgré son comportement, le bai ne semblait pas rancunier. Xari rentra dans le box pour continuer de le caresser et passer un peu de temps avec lui. Posant son sac au sol, elle vint gratter le cheval entre les oreilles. Plus que tout, l'anglo-arabe semblait ravi de passer du temps avec sa propriétaire, et il lui donnait des petits coups de nez pour lui demander plus de caresses. Xari s'exécuta, soulagée de voir qu'elle n'avait pas détruit la relation qu'elle avait avec le bai. Après un moment, Whiplash se déplaça et s'approcha du sac de Xari. Il commença à s'en saisir, refermant les dents dur la poignée. Xari sourit, avant de récupérer son sac.
-Hé, ce n'est pas pour toi !, pouffa-t-elle.
Devant le regard suppliant de l'étalon, elle finit par lâcher un soupir et ouvrir le sac. Elle en sortit la boîte de biscuits et, repoussant les attaques d'un anglo-arabe attiré par la bonne odeur, parvint à en extraire quelques-uns avant de vite refermer la boîte. Elle la fourra de nouveau dans son sac avant que Whiplash ne fasse de bêtises, et passa ce dernier par-dessus la porte, le laissant tomber dans le couloir. Aussitôt, le bai s'intéressa à la main qui tenait les biscuits. Whiplash tentait de s'en emparer, chatouillant les mains de sa propriétaire du bout des lèvres et y déposant quantité de bave. Xari prit une mine dégoûtée.
-Eurk Whiplash ! T'es dégueu !, dit-elle.
Puis, arrêtant de la faire attendre, elle finit par ouvrir ses mains. Le bai commença aussitôt à manger les biscuits avec un appétit vorace, les appréciant visiblement. En à peine trois coups de dents, les biscuits étaient avalés.
-Et bien, je dirais à Maman que ses biscuits étaient succulents., s'étonna Xari.
Elle essuya ses mains dégoulinantes sur son pantalon, puis passa les minutes suivantes à caresser son cheval, avant de finalement se décider à ressortir du box.
-Désolé mon beau, je dois te laisser un peu. Il faut que j'aille déposer le reste des biscuits. Mais je reviens juste après, d'accord ?», lança-t-elle au bai.
Sur ces mots, elle se dirigea vers la salle du personnel. Personne ne répondit quand elle frappa, mais elle savait que d'autres cavaliers entraient parfois pour déposer des choses, alors elle poussa la porte. Elle laissa le reste des biscuits sur la table, avec un mot par-dessus: "Pardon pour l'autre jour et merci d'avoir pris soin de Whiplash. Voilà un petit cadeau pour m'excuser ! - Xari"
Une fois ses torts réparés, l'adolescente se sentait mieux. De nouveau joyeuse, elle retourna auprès de son cheval, songeant à l'emmener en balade.

TREMBLEMENTS

Xari frissonna pour la quinzième fois depuis qu'elle était arrivée au haras. Les températures étaient vraiment basses ces derniers jours et, pour ne pas arranger les choses, il semblait que le chauffage de l'écurie soit en panne. L'adolescente, qui s'y baladait normalement en pull, n'avait pas ôté son manteau cette fois. Après avoir aidé un peu aux tâches quotidiennes, comme elle avait l'habitude de le faire lorsqu'elle arrivait un peu tôt, elle alla rendre visite à Whiplash. Quand elle arriva dans le couloir, l'anglo-arabe sortit la tête de son box pour l'observer, comme d'habitude. Cette fois cependant, il ne poussa pas le petit hennissement de bonjour habituel, comme si il était un peu moins en forme. Xari pressa le pas pour arriver plus vite face à lui. Le bai finit cependant par montrer un peu plus d'entrain et tendit le cou pour recevoir des grattouilles de nez, ses favorites. La jeune fille répondit à son attente, et après deux minutes de pur bonheur pour l'étalon, elle finit par entrer dans le box. Même si elle faisait entièrement confiance aux palefreniers du haras, elle vérifia par pur automatisme si le cheval avait bien du foin et de l'eau fraîche. Une fois assurée de cela, elle fit un check-up rapide de Whiplash, et remarqua très vite quelque chose lorsqu'elle posa sa main sur l'encolure du bai. Le cheval tremblait comme une feuille.
«Tu as froid, n'est-ce pas ?, s'enquit-elle.
Elle n'avait pas pensé une seconde que la coupure de chauffage aurait affecté aussi les chevaux, et elle se sentit stupide de le réaliser seulement maintenant. Les couvertures du club avaient probablement été distribuées pour les chevaux leur appartenant, mais Whiplash était son cheval et donc sa responsabilité. Heureusement, Xari avait acheté une couverture flambant neuve, qu'elle aurait aimé offrir à son cheval pour Noël, mais qui serait utile dès maintenant.
-Je reviens tout de suite !, lança-t-elle en ressortant du box.
Elle courut jusqu'à la salle où se trouvaient les casiers, et ouvrit le sien. Elle s'empara du cadeau déjà emballé et retira hâtivement le papier, qu'elle jeta aussitôt à la poubelle. Tant pis pour la surprise, elle trouverait autre chose d'ici là. Elle sortit une couverture d'un bleu profond, et repartit vers le box de l'anglo-arabe. Quand elle rentra pour la seconde fois, le bai s'intéressa immédiatement à ce qu'elle avait dans les mains tout en tremblant. Xari se hâta de poser la couverture sur son dos, et elle régla les attaches. Quand elle eut fini, l'étalon semblait avoir cessé de frissonner, et il réclama de nouvelles caresses. L'adolescente passa un moment à lui donner de l'affection, heureuse d'avoir eu cette couverture sous la main. Whiplash aurait moins froid comme cela en attendant que la chaufferie soit réparée, et elle-même était rassurée d'avoir pu remédier à ce souci.
-Et voilà, paré pour le grand froid de l'écurie !», souffla-t-elle à son cheval.
Puis, comme elle en avait toujours l'habitude, elle se laissa tomber dans la paille et sortit un bouquin de son sac à dos, qu'elle se mit à lire, le tenant d'une main, l'autre servant à caresser le front de Whiplash qui, tête basse, somnolait près d'elle.

ENNUI

Frustrée. C'était le mot parfait pour décrire l'état d'esprit de Xari en ce moment précis. Celui de Whiplash aussi, qui regardait vers l'extérieur avec envie. Mais si l'on baissait les yeux, on voyait directement le problème. Le verglas avait couvert les alentours de l'écurie, tellement vite que Xari avait à peine eu le temps de se préparer avant de s'en rendre compte. L'adolescente soupira, tenta de mettre tout de même un pied dehors. Elle dérapa et remercia son bon équilibre de lui avoir épargné une chute gênante. Mais elle devait se raisonner. Il était impensable de sortir à cheval sur cette surface. Le risque de chute et de blessure était de presque cent pour cent. C'est donc avec un second soupir que la jeune fille fit volte-face, l'anglo-arabe sur les talons. Elle le ramena près de son box et le fit entrer à l'intérieur, lui ôtant son licol. Puis, elle entra à son tour dans le box, et se laissa tomber au sol, le dos contre le mur. Whiplash la regardait avec espoir, s'attendant à ce qu'elle change d'avis et l'emmène tout de même travailler, mais sa propriétaire n'avait aucun moyen de lui expliquer pourquoi ce n'était pas possible. S'emparant d'un brin de paille, elle se mit à le faire tourner entre ses doigts, dépitée d'être ainsi bloquée à l'intérieur. Bientôt, son cheval tendit le cou et attrapa le brin de paille du bout des dents, avant de le laisser tomber en se rendant compte que ce n'était pas la nourriture qu'il espérait. Le bai rapprocha sa tête de l'adolescente, qui entreprit de le caresser pensivement. Après de longues minutes, elle se redressa et reprit le licol en main. Les yeux de l'étalon se mirent à briller quand sa propriétaire le lui enfila de nouveau. Xari le refit sortir, et, le menant à une allure tranquille, commença à le balader dans les couloirs de l'écurie. C'était un concept, la balade intérieure, mais une opportunité pour l'anglo-arabe de voir ses congénères d'une autre manière aussi. La jeune fille le mena devant les boxes des chevaux qu'elle connaissait et en lesquels elle avait confiance. L'étalon allait les saluer et échangeait quelques bisous du bout du nez avec certains. A leur propre rythme, ils continuèrent ce speed-dating de l'ennui, et Xari put voir que son cheval semblait apprécier cette activité un peu particulière. Après un quart d'heure de socialisation, le bai eut l'air de commencer à se lasser de toutes ces présentations cependant, et Xari préféra ne pas insister. Elle le ramena vers son propre box. En revenant dans l'aile destinée aux chevaux de propriétaire, Whiplash dressa la tête, oreilles en avant, pour observer un autre congénère. Il émis un petit hennissement, traduisant son avis d'aller à sa rencontre. Sa propriétaire le fit donc avancer vers une tête grise qui dépassait dans le couloir. Une fois face à face, les deux chevaux se reniflèrent et Xari remarqua que l'étalon faisait le fier, démontrant toute son élégance face au gris. Elle en déduis donc qu'il s'agissait d'une jument, et un rapide regard sur la fiche d'informations attachée à son box confirma son intuition. Enchanted Ivory était magnifique, il fallait l'avouer, et en plus de la même race que le bai. Xari secoua la tête devant l'attitude un peu ridicule de l'étalon, puis après lui avoir laissé quelques minutes supplémentaire d'échange avec la jument, elle l'incita à revenir vers son propre box. Elle parvint enfin à lui faire entendre raison et après un dernier câlin, décida de rentrer chez elle. Whiplash, lui, n'avait d'yeux que pour la jument grise, qu'il fixait avec intensité.