Guilty Eyes - poney français de selle (é)

Giulia et son frère s’affairaient dans le bureau. On a besoin de renouveler la cavalerie Augusto, c’est non négociable. Il est hors de question que je surmène mes poneys. Popeye approche de la vingtaine, il serait grand temps de lui trouver un remplaçant. Le débat semblait durer depuis des heures et la jeune femme paraissait déterminée à obtenir le mot de la fin. Elle planta ses yeux dans ceux de son frère et posa ses mains sur le bureau bien décidée à négocier. Tu convaincs papa d’acheter un nouveau jeune poney et je te remplace pour la prise en charge des centres de loisirs la semaine prochaine. Augusto esquissa un sourire, Giulia détestait plus que tout les cours débutants mais elle aurait vendu son âme pour une nouvelle recrue prometteuse. T’es sûre ? C’est intéressant comme proposition, si on fait ce deal, tu promets de ne pas revenir en arrière ? En guise de réponse, elle lui serra la main, le sourire aux lèvres.

Quand Fernando débarqua quelques minutes plus tard. La tension était visiblement descendue et ses enfants s’affairaient aux tâches administratives. Giulia glissa un coup d’œil appuyé à son frère Vas-y, demande-lui ! L’intéressé fit mine de ne pas l’entendre et ne leva pas les yeux de ses factures. Le paternel observait la scène avec un air dépité, ces deux-là ne se comportaient toujours pas en adulte. Il déposa sa veste usée sur un porte manteau et s'adressa à son fils aîné  Augusto, tu te souviens du poney dont je t'ai parlé la semaine dernière ? Le trois ans dont l'éleveur veut se débarrasser car il manque de sang ? Il arrive dans 5 minutes, on le met dans quel paddock ? Ah et Giu, tu l'ajoutes à ta liste de poneys à bosser pour la semaine prochaine, s'il ne convient pas, autant le savoir tout de suite. La jeune femme lança un regard noir à son frère, il savait parfaitement qu'un autre poney allait débarquer et il avait quand même accepté leur stupide accord. Ensemble mais en silence, ils sortirent préparer l'arrivée du nouveau venu.

Le véhicule se posa dans la cour sans un bruit, ni hennissement, ni coup de pied, juste un bruit de portière et un timide bonjour pour indiquer la présence de celui qu'on attend. En ouvrant la porte du camion, Augusto se permit une blague de circonstance :  Vous êtes certain que vous n'avez pas oublié le poney chez vous ? Le nouveau était si calme qu'il était impossible de deviner qu'il était attaché dans le transport. Comme je le disais à votre père, je le gardais pour la reproduction, mais il est presque trop calme, j'ai besoin d'un cheval plus démonstratif pour faciliter la vente des paillettes sur vidéo. Alors je me suis dit que vous pourriez être intéressé, ce sera un très bon poney de club, j'en suis sûr. Giulia observait la scène de loin, la fourche à la main, même si son aîné était plus timide qu'elle, le premier contact passait toujours mieux avec lui, plus posé, moins pressant. L'alezan descendit le pont avec une sérénité déconcertante, son physique plutôt sportif laissait penser à un entier sanguin et impétueux, mais il n'en était rien. Il vint frotter délicatement le pull d'Augusto afin d'y chercher une friandise que le jeune homme lui offrit avec plaisir. En effet, il n'avait pas grand-chose de l'étalon démonstratif. Approches Giu, il va te plaire !

C'est vrai qu'il lui plaisait. D'habitude, les chevaux qu'on lui confiait au travail ressemblaient plutôt à des poneys de club au dos creux et à l'œil blasé. Lui n'avait rien de cela, son état général était correct, il manquait de muscle mais rien d'alarmant compte tenu de son activité, son œil était coquin et une certaine douceur semblait émaner de lui. Je vais le mettre au box pour lui défaire ses protections de transport, je vous laisse discuter des détails ensemble, mon père est dans le bureau si besoin lança la jeune blonde en s'éloignant avec son nouveau protégé.

Pourtant, dans la lumière tamisée du box, elle lui trouva des défauts. En laissant glisser la boucle de son licol, elle remarqua qu'il arborait de nombreuses zones sans poils sur la tête, certaines étaient à vif, il semblait s'être cogné ou s'être frotté à quelque chose. Puis en découvrant ses membres, elle remarqua des chaleurs, elle s'imagina d'abord qu'il s'agissait de simples piqûres d'insectes, mais en les observant de plus près, elle les identifia plutôt comme des molettes tendineuses. Elle continua son inspection plus minutieusement encore. Légères blessures à l'éperon, un petit bobo au passage de sangle, la présence de poil blanc sur la croupe, témoignage d'une ancienne blessure à la cicatrisation difficile, queue abîmée, blessure au garrot et trous dans la crinière. Non, ça n'allait pas se passer comme ça, ils allaient garder ce poney sur qui on avait visiblement déjà trop tiré. Bien qu'elle espérait reprendre un jour la structure familiale, elle accordait beaucoup d'importance au développement de ses chevaux et à leur croissance. Celui-ci semblait déjà avoir été bien attaqué et il était hors de question qu'elle l'abandonne à son sort, elle allait convaincre son père de le garder coûte que coûte.

Elle lui prodigua un pansage complet pour s'assurer qu'elle n'aurait pas d'autres surprises. L'alezan montra son inconfort lors du passage du bouchon, il frémissait et finit par s'éloigner de Giulia pour qu'elle ne le touche plus avec cette brosse. Attentive, elle changea d'équipement pour une brosse plus douce et plus large qui contraria moins sa nouvelle monture. Lorsqu'elle lui prit les pieds, elle s'aperçut qu'ils étaient dans un état douteux, depuis quand n'avaient-ils pas été parés ou même graissés ? Avant de le laisser profiter de l'herbe du pré, elle appliqua de la crème cicatrisante sur ses plaies et lui fit les pieds. Elle ne voulait surtout pas laisser cet éleveur peu scrupuleux s'en tirer comme ça. Elle emmena l'alezan dans le pré de quarantaine, le paddock temporaire qu'il allait occuper avant de rejoindre définitivement - ou non - la cavalerie du club. Il fit quelques foulées de trot puis s'arrêta pour brouter l'herbe encore bien verte. Giulia s'approcha de lui pour lui offrir quelques carottes avant de le laisser profiter de sa nuit dehors.

Elle ouvrit violemment la porte du bureau alors que son père, son frère et l'éleveur discutaient autour d'un café. On le garde dit-elle avec toute l'assurance du monde. On l'achète tout de suite, on le revendra plus tard s'il ne convient pas pour le club, mais il ne retourne pas chez vous. Sa critique à peine masquée laissa l'éleveur éberlué. Fernando, inquiet de voir sa fille dans cet état d'hystérie, resta sans voix : il venait de discuter d'un accord intéressant avec l'homme en face de lui, il lui prêtera des terres pour ses retraités si ses enfants acceptent de prendre des chevaux au travail de temps en temps, les paroles de Giu pourraient venir tout remettre en cause. Je vais chercher un contrat pour le confiage déjà, la vente on verra après dit Augusto en tirant sa sœur par le bras. Mais tu ne comprends pas, il a des marques partout ! Ce type ne prend clairement pas soin de ses chevaux ! Le poney ne retournera pas chez lui, c'est hors de question. Giulia avait les larmes aux yeux, cette histoire la rendait malade. Augusto la prit par les épaules et lui exhorta de se calmer : Giu, il vient de nous dire que c'était un cheval fragile, tu ne peux pas l'accuser sans raison. Il a déjà prévenu le maréchal qu'il devrait venir ici dans deux semaines pour faire ses pieds, c'est un gars bien. Le poney a montré des signes de stress en ta présence ? Tu peux me prouver ce que tu avances ? Tu sais quoi ? Si jamais les mauvais traitements sont avérés, on fera le nécessaire, en attendant, tu t'occupes de lui à cent pour cent, tu ne délègues à aucun autre salarié, et s'il présente d'autres blessures alors qu'il est sous ta responsabilité alors tu t'excuseras auprès de ce monsieur pour ton comportement inapproprié. Augusto n'avait que trois ans de plus que sa sœur, il avait toujours été un garçon mature ce qui tranchait radicalement avec l'impulsivité de sa cadette. La blonde s'essuya le nez avant de s'éloigner en bougonnant. Il s'appelle comment déjà ? Guilty Eyes, je savais qu'il te plairait répondit son frère en souriant.

Cinq heures trente. Giulia s’affaire déjà dans le jardin. Un couteau aiguisé dans la main droite, elle découpe des fruits par dizaines. Des noyaux de cerises, d’abricots et de pêches jonchent la table en bois. Depuis le début des vacances, elle n’a que peu de temps à consacrer à Guilty Eyes. Entre les enfants qui demandent une surveillance constante, les chevaux qu’il faut préparer, les cours qu’il faut encadrer, la jeune femme n’a plus une minute pour s’occuper de son protégé. Ce manque de temps la peine et fait grandir en elle un sentiment de culpabilité intense. Bien que Marcia semble avoir oublié qu’elle voulait monter Guilty Eyes, Giulia s’en veut profondément de ne pas passer plus de temps avec celui qu’elle s’est approprié.

Pour se faire pardonner, elle a fait sonner son réveil un peu plus tôt afin de préparer une belle salade de fruit à l’étalon alezan. Une fois le seau rempli aux trois quarts, elle court jusqu’à la sellerie pour y ajouter une dose de compléments alimentaires ainsi qu’une poignée de grain. Guilty Eyes est le seul cheval de l’écurie à vivre au box durant les beaux jours. Si Giulia a fini par s’habituer à découvrir tous les jours de nouvelles égratignures, elle n’ignore pas pour autant que sa monture qui ne tolère pas les piqûres d’insectes est tout aussi bien dans les écuries. En s’approchant de son box, la blonde fait quelques appels de langue afin de ne pas surprendre l’alezan. Celui-ci à déjà la tête a la porte, prêt à recevoir sa ration.

Elle est un peu spéciale celle-ci, lui glisse sa cavalière en ouvrant la porte. Elle dépose le seau au sol et observe attentivement son poney. L’alezan prend quelques secondes pour renifler l’intégralité du seau. Il entame très franchement un morceau de carotte. Un peu frustrée Giulia soupire, elle a ajouté des morceaux de carotte uniquement pour inciter Guilty Eyes à manger les fruits qu’il ne connait pas. Finalement, l’étalon croque dans un morceau de pastèque, le jus dégouline sur ses vibrisses et l’alezan secoue fièrement la tête. Il réalise un tri pour ne choisir que les morceaux de ce fruit rose si sucré. Convaincu, il plonge une nouvelle fois la tête dans le récipient pour engloutir les morceaux de pêche, d’abricot, et de melon. Ces nouvelles saveurs l’incitent à réaliser un beau flehmen. La jeune femme jette un coup d’oeil à ce qu’il reste de la ration. Les compléments, les grains et les fruits plutôt traditionnels ont été avalés, en revanche, les fruits rouges ne rencontrent pas le succès escompté. Giulia insiste en lui présentant une fraise à la main, l’étalon la goûte timidement. En revanche, la framboise et la cerise ne semblent pas lui plaire, aussitôt qu’il croque dedans, il les recrache.

Déçue, mais pas fâchée, la jeune femme laisse le seau dans un coin du box et s’affaire à brosser sa monture. L’alezan est équipé d’une couverture anti-mouche lorsqu’il passe la journée au pré. Pour qu’elle soit efficace, Giulia réalise un pansage complet et vaporise du produit anti-insecte sur la robe et les crins de Guilty Eyes. Habitué, il ne bouge pas lorsqu’on lui enfile la combinaison en toile. Elle applique de la crème solaire sur les zones sensibles puis termine en l’équipant d’un masque anti-insecte et anti-UV. Avec sa combinaison de cosmonaute, l’étalon est paré pour passer la journée à l’herbe. Giulia ferme la boucle de son licol et emmène sa monture jusqu’au champ qu’il occupe. Lorsqu’elle le libère, l’alezan marche doucement vers le fond de sa pâture. La jeune femme reste le regarder quelques minutes. Il n’est plus le petit entier chétif qu’il était au début, il est fragile mais son corps est puissant. Et c’est elle qui a construit tout ça.

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Giulia avait programmé le matin même un stage de complet dans l'une des plus grosse structure équestre du pays. Elle était ravie d'avoir trouvé une place, mais le peu de temps qu'elle avait pu accorder à Guilty Eyes pendant ces dernières semaines lui donnait le sentiment de devoir se préparer dans l'urgence. La journée était terminée, les derniers enfants quittaient le centre équestre avec leurs parents. La jeune femme se trouvait enfin seule. Augusto était en vacances en Italie, elle devait assumer presque seule les colonies de vacances et les touristes de passage. Il lui restait deux semaines pour remettre son poney en condition, mais les journées interminables qu'elle vivait ne lui laissaient pas la force de monter.

Bien que Giulia n'ait pas le temps de travailler Guilty Eyes, elle continuait de veiller sur lui et sur ses multiples petites blessures. Son rituel n'avait presque pas changé depuis les premiers jours, elle nourrissait son alezan le matin, vérifiait qu'il ne s'était pas esquinter, lui enfilait sa protection contre les insectes et le laissait profiter de son pré jusqu'à la tombée de la nuit où elle réalisait l'opération en sens inverse. Si jusqu'ici l'étalon était parvenu à garder les mouches à l'écart de ses yeux, depuis quelques jours, Giulia avait remarqué que sa monture avait la tête parsemée de piqûres. Par précaution, elle avait investi dans un masque anti-mouche qu'elle venait à peine de recevoir. Comme toujours Guilty Eyes se montrait doux et facile à attraper au pré. Son mode de vie semblait lui convenir parfaitement, bien que la jeune femme aurait préféré lui offrir une vie entièrement au pré. Le retour au box était toujours un moment privilégié. Seuls dans les écuries, l'alezan et sa cavalière profitaient d'un moment à deux.

Giulia débarassa l'étalon de sa chemise contre les insectes pour commencer un pansage pas vraiment nécessaire. Un peu précieux, Guilty Eyes était presque toujours propre. Toujours sensible, l'alezan préférait amplement les brosses souples aux étrilles américaines et autres brosses en métal. La brosse douce de sa cavalière était si agréable qu'il s'endormait souvent lors de ses soins. La jeune femme ajouta une bonne dose de démêlant à la quantité déjà présente sur les crins de sa monture. Le produit donnait une odeur de pomme au poney. Bien entretenus, ses petits sabots ronds étaient parfaitement graissés et en parfait état. Une fois que son poney fut dépoussiéré, Giulia appliqua un baume répulsif afin d'éloigner les insectes. Elle termina par l'essayage du masque à mouche. La taille convenait parfaitement à l'alezan, l'arceau qui devait protéger ses yeux était à la bonne place, ses oreilles avaient assez d'espace pour être mobiles et le filet pour naseau était bien ajusté. Cet achat était une réussite. Le petit alezan sera désormais équipé pour lutter contre les mouches. Giulia laissa son cheval profiter de la ration qu'elle venait de lui distribuer. Demain ou après-demain, elle se fera violence pour le travailler de nouveau, mais pour le moment, elle préférait prendre soin de sa monture à pied.


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