Chevaux de Nighty

Le ciel est gris, plein d'une pluie qu'il retient et qu'il, je l'espère, retiendra encore un peu. Monter sous la pluie n'est pas vraiment ma tasse de thé. Ayant achevé le pansage d'Arlequin, je pose sur son dos tapis et selle pour le préparer à la leçon qui nous attend. Hélène est descendue à la carrière pour préparer la séance, sans même nous dire ce que nous allons faire. Je parie sur du saut, Romane sur des jeux. En effet, pour que notre monitrice ait besoin d'installer quelque chose, c'est forcément une de ces deux possibilités. Nous sellons toutes les quatre, et je prends mon temps pour glisser le mors dans la bouche du pie. Il résiste un moment, joueur, mais finit par desserrer les dents et me laisser glisser entre elles le morceau de fer. Je l'en félicite en souriant, plus qu'heureuse de le monter désormais à chaque cours. Hélène dit qu'il me fait progresser, ce dont je suis certaine c'est que j'adore travailler avec lui. Son petit caractère de joueur plein d'amour me plaît terriblement.

Nous détachons nos chevaux pour les descendre à la carrière. Alors que nous nous apprêtons à partir, notre monitrice arrive à grands pas et s'exclame :

- Mettez des protec ! Et vous avez toutes une dorsale ?

Nous avons, heureusement, toutes une dorsale. Heureusement parce que, si nous n'en avions pas, Hélène nous aurait prêté un de ces atroces gilets de cross dans lesquels on ne peut pas bouger ne serait-ce que le bras. Je rattache mon paint, vais enfiler ma dorsale et apporte des protections. Je place les guêtres fermées à ses antérieurs en prenant soin de les positionner correctement, puis je fais de même avec les protège-boulets. Tout est de la bonne taille, il faut croire que pour la première fois de ma vie j'ai trouvé du premier coup des protections qui vont à mon cheval. Fière de cette petite victoire, je guide Arlequin vers la carrière. En arrivant un peu au-dessus du rectangle, je le découvre vide. Je fronce les sourcils. Qu'étais partie faire Hélène ? Elle nous a pourtant dit qu'elle préparait la séance… la séance. Pas la carrière. Je me tourne vers le terrain de TREC. Quelques barres et piquets ont été ajoutés. Pas de doute, aujourd'hui, c'est TREC ! La monitrice confirme cette hypothèse en m'emmenant sur le terrain herbeux. Quand tout le monde est arrivé, je commence à marcher mon étalon en main. Au pas, nous enchaînons quelques courbes et je l'arrête parfois devant des obstacles ou des dispositifs un peu étranges pour lui laisser le temps de les sentir et de les toucher. Il ne semble absolument pas inquiet de ce terrain pour le moins étonnant bien que ce soit la première fois qu'il y vient. Nous passons donc à autre chose, je le fais trotter un peu en main, l'arrête et lui demande quelques pas en arrière ou un petit déplacement de hanches pour mettre en pratique notre dernière séance à pied. Le fait d'être en extérieur le rend toutefois encore moins attentif que d'habitude et il m'est difficile de le garder concentré au trot. Je ne peux empêcher un immense sourire de s'étaler sur mes lèvres devant cette attitude, même si je m'efforce de la modifier.

Ce n'est que lorsque j'ai enfin obtenu un cercle au trot avec un cheval vraiment concentré que je ressangle et me mets en selle à l'aide d'un tronc couché. Arlequin s'agite un peu au montoir mais je parviens malgré tout à me m'installer correctement. Les rênes mi-longues, je me lance dans le début de la détente. L'intérêt de toujours commencer par au moins cinq minutes à pied, c'est qu'une fois en selle on passe moins de temps sur la détente au pas. Je prends tout juste le temps d'effectuer un cercle à chaque main, puis je prends le trot pour me lancer dans une détente sur deux allures. Au début, je reste sur la partie la plus plate du terrain, remontant progressivement sur mes rênes pour pouvoir agir avec plus de précision lorsque ma monture commence à être détendue. Je travaille sur des cercles et des courbes larges pour laisser à Arlequin le temps de s’échauffer tranquillement. Quelques minutes plus tard, je commence à le mener sur des côtes pour l’habituer au terrain varié. Bon cheval d’extérieur, il ne se laisse pas surprendre et s’équilibre sans peine dans les montées comme dans les descentes. Je passe bientôt au petit galop, souriant comme une idiote de l’allure relevée de mon étalon. Il sautille presque, plein d’entrain, et lâche même une petite ruade de joie. Je le reprends en le remettant en avant et il se montre docile. Je m’amuse un peu, sur quelques cercles, au galop, puis je repasse au pas et caresse fort. Ma détente est terminée, et j’ai bien l’impression d’être la dernière.

Je rejoins le groupe rassemblé autour d’Hélène pour écouter le déroulé de la séance. La monitrice nous annonce que nous allons travailler sur quelques petits parcours et nous présente le premier. Départ au trot, passer sur la butte, repasser au pas, tourner pour entrer dans la bordure maraîchère, puis reprendre le trot pour passer les branches basses. C'est tout simple, nous avons déjà enchaîné ce genre de parcours des millions de fois. Quand c'est mon tour, je serre les mollets pour indiquer à Arlequin de prendre le trot. Nous nous dirigeons vers la butte, dont je passe la montée en équilibre et la descente bien assise. L'étalon rechigne à repasser au pas quand je le lui demande, et il me faut faire preuve de fermeté. Nous passons l'étroite bordure maraîchère puis, enfin, reprenons le trot et passons sous les branches basses. Monter un petit cheval est définitivement un cadeau en TREC.

Voyant que nous nous en sortons sans mal, Hélène décide de passer aux choses sérieuses en montant l'allure et en ajoutant des sauts. Elle nous annonce vouloir nous faire travailler un peu nos transitions. Je laisse passer Clotilde et Jeanne, puis c'est mon tour. Cette fois, le départ se fait au galop. Sur une volte, je rassemble le trot de mon étalon et ce n'est qu'à la sortie que je place mes aides pour un départ au galop. Le premier obstacle est un petit tronc que nous abordons vivement. Arlequin décolle un peu maladroitement mais réceptionne sans problème. Aussitôt, je me rassieds et me redresse, les doigts fermés sur les rênes pour repasser au trot. La bordure maraîchère arrive vite et je n'ai aucune envie de me lancer dedans au galop, vu son étroitesse. Le paint repasse au trot et se laisse guider dans le passage. Quand nous en sortons, il nous faut tourner à gauche pour venir nous arrêter trois secondes dans un grand cerceau. Avec mon jeune pie, l'arrêt est plutôt compliqué et lorsqu'il s'immobilise enfin, c'est avec deux sabots en dehors du cerceau. Je le félicite malgré tout d'une caresse sur l'encolure, et me prépare pour la suite.

En sentant ce qui arrive, Arlequin redresse l'encolure et semble prêt à foncer. Tant mieux, c'est plus ou moins ce que je lui demande. Je n'ai qu'à serrer légèrement les jambes pour le voir partir au trot, puis placer mes aides pour qu'il prenne le galop. Nous abordons bien droit le petit vertical que ma monitrice a placé à côté de la stère pour nous faire commencer tranquillement. Le coup de saut de ma monture me déséquilibre et je perds un étrier. La réception est donc un peu folklorique, le paint partant en biais à cause de la mauvaise répartition de mon poids. Je m'excuse d'une caresse sur son encolure colorée et remets mon étrier dès que possible, tout en demandant une transition au trot. Nous passons sous les branches basses, tant bien que mal, applaudis par le groupe hilare. Je flatte généreusement mon petit cheval, fière de ce qu'il a fait malgré nos petits déboires.

- Tu t'en es pas mal sortie, me félicite Hélène. Il faut juste que tu arrives à mieux l'encadrer sur ses sauts, c'est là qu'il a vraiment du mal. Et puis la transition au trot avant la bordure maraîchère, c'était un peu de la dernière minute… et évidemment ton arrêt est à revoir. Mais c'est bien, je suis contente de ce petit gars, il est parfait pour la maison, un vrai cheval d'extérieur !

Elle sourit et caresse le chanfrein d'Arlequin, qui semble ravi par cette attention. Je le laisse marcher un peu le temps que Romane passe, puis que les deux autres fassent un second passage. Je remonte alors sur mes rênes et nous repartons à l'assaut du parcours. Le départ au galop se fait évidemment sans mal, et je prends garde à bien me placer à l'abord du saut pour encadrer au mieux ma monture de mes jambes et de mes mains, tout en remettant bien en avant quand je sens qu'elle ralentit ou se mélange les pinceaux. Nous passons le tronc plutôt correctement, et je repasse au trot dès la réception. Nous passons dans la bordure maraîchère, et je fais bien attention de préparer l'arrêt plus tôt que la fois précédente. Nous nous immobilisons dans le cerceau et, ravie, je flatte l'encolure du pie. Malheureusement, il en profite pour se remettre en mouvement avant les trois secondes règlementaires. Je grimace et l'arrête à nouveau, en dehors du cerceau mais tant pis. Ce n'est que quand nous avons fait nos trois secondes que je demande le galop. Arlequin se permet une petite ruade de joie qui met à mal mon équilibre, mais je tiens bon. Nous franchissons un peu précipitamment le vertical et j'ai bien du mal à faire repasser mon cheval au trot avant les branches basses.

Je reviens vers les autres au petit trot en flattant chaleureusement l'encolure claire et finement musclée de l'entier. La monitrice vient me dire que mon passage était mieux que le précédent et relever mes petits défauts à corriger, tout en observant le passage de Romane et Gracieuse.

Nous terminons la séance par un dernier parcours comportant slalom, sauts et butte. Nous commençons par le même tronc que précédemment, toujours au galop, repassons au trot pour le slalom puis au galop pour la butte, dont la montée comme la descente doivent se faire en équilibre. Enfin, nous terminons avec le franchissement d'un petit fossé. C'est typiquement le genre de parcours que j'aime en TREC. De la vitesse, des sauts, de la maniabilité, de la difficulté. Un sourire aux lèvres, je me propose pour passer la première. Arlequin semble plus qu'enthousiasmé par cette séance, je pourrais presque le sentir bouillonner sous moi. D'une pression des mollets, je le fais partir au galop. Nous passons à nouveau ce tronc que nous commençons à connaître, mais au lieu de tourner à gauche à la réception nous partons légèrement sur la droite. Je me rassieds et ferme mes doigts pour repasser au trot et nous lancer dans le slalom. Les cônes sont serrés et, Arlequin fonçant, nous en manquons un. Je ne lui en tiens pas rancune. Arrivés à la fin de l'exercice, je redemande le galop. Il s'élance en avant, ses petites oreilles rivées vers l'avant. Il dévore la montée de la butte en quelques bonds mais est déséquilibré dans la descente, par son entrain et par ma position d'équilibre qui n'est pas des plus solides sur ce genre de relief. Je monte mes mains pour l'inviter à poser son poids sur ses hanches. Docile, il me laisse le guider et nous arrivons relativement sains et saufs en bas. Enfin, le fossé est avalé d'un joyeux bond désordonné.

Je caresse pour féliciter l'étalon. Nous repassons tranquillement au pas et j'écoute attentivement les conseils de ma monitrice pour notre second passage. Nous l'exécutons avec plus de rigueur et de retenue que le premier, même si ce ne sont pas vraiment nos maîtres-mots ni à Arlequin ni à moi. Après ce passage réussi, je le laisse marcher rênes longues avant de le remonter dans la cour pour un pansage bien mérité. Bien qu'il ait été d'une ardeur exemplaire au travail, c'est avec joie qu'il va retrouver ses amis au pré.

C'était très complet, j'ai adoré (:

+1 en confiance
+5 en TREC

+8