Les rayons du soleil se faufilaient à travers les épais rideaux de la chambre du jeune homme. Sa nuit avait été courte, ayant eu du mal à trouver le sommeil car il était gagné par l'excitation d'une rencontre nouvelle. Une jeune femme lui avait tapé dans l'oeil plusieurs semaines auparavant alors qu'elle menait un cheval au paddock. Kayce avait profité de la Saint-Valentin qui approchait à grands pas pour lui transmettre une lettre avec une date et un point de rendez-vous. Alors qu'il s'ouvrait lentement les yeux, il sentit l'anxiété gonflé son torse. Actuellement, il se demandait vraiment si prendre les devants pour créer un moment de rencontre était une bonne idée. Et si elle ne se présentait pas au parc? Ou pire, si elle le voyait et qu'elle quittait sans rien demander de plus? Le jeune homme s'assied sur le bord de son lit, les deux pieds au sol et passa une main dans ses cheveux ébouriffés. Une douche était nécessaire pour lui remettre les idées en place, mais aussi pour qu'il soit propre et peigné.

À mesure que l'eau ruisselait sur son corps athlétique, le poids de l'anxiété semblait diminuer. Il profita de la chaleur de la douche pour se détendre les muscles également. Il était la douche et se sécha rapidement, avant de peigner ses cheveux et de sauter dans ses vêtements. Kayce avait choisi un jean foncé et un t-shirt pâle, qu'il agença avec une veste de lin grise. Il s'admira dans le miroir une minute, il était rare qu'il prenait autant soin de lui, préférant largement ses vêtements d'écurie usés et confortables. Il attrapa une paire de souliers colorés pour parfaire son look, ainsi qu'un chapeau de cowboy gris afin de faire ressortir l'homme du Texas de lui-même. Il était important de savoir qu'avant de se tourner vers l'équitation classique, Kayce avait grandit sur un ranch familial et qu'il avait travaillé avec les chevaux et le bétail. Une opportunité en or d'une carrière internationale lui avait été offerte et il avait sauté sur l'occasion d'aller apprendre l'équitation classique en Europe.

Toutes ces pensées le foudroyèrent alors qu'il était déjà en direction du parc, où le rendez-vous avec la belle blonde avait été donné. Son pas était léger alors qu'il ne cessait de mettre ses mains dans ses poches, puis de les enlever. Il roula les yeux au ciel, voyant bien qu'il n'avait aucune contenance. Il s'arrêta près d'un gros arbre et d'un banc de parc pour prendre une grande inspiration. Ça le calma momentanément. Puis, il l'aperçut. Ses longs cheveux blonds tombaient le long de ses omoplates à chaque pas qu'elle faisait. Son pas était régulier et rythmé, alors que son regard était vague. La jeune femme semblait perdue dans ses pensées, lorsqu'elle évita de justesse un poteau de signalisation au centre du chemin. Kayce rit, caché par l'arbre derrière lequel il se trouvait. Puis, elle sembla trouver enfin un endroit qui lui plaisait, s'asseyant sur un banc et scrutant l'horizon à la recherche d'indice.

La seule chose à laquelle le jeune homme avait pensé, c'était apporter une enveloppe similaire à celle qu'il lui avait transmise, afin qu'elle ne le prenne pas pour un fou, mais plutôt pour ce qu'il était. Kayce prit une grande inspiration et avala la distance qui le séparait d'elle de grandes enjambées. L'enveloppe dans une main, il s'assied à l'autre extrémité du banc sur lequel se trouvait son rendez-vous. Elle était encore plus belle vue de près, dégageant de la timidité et un coeur pur. Puis, elle sentit sa présence, tournant sa tête vers lui. Ses yeux se fixèrent sur l'enveloppe qu'il tenait. Kayce se râcla la gorge, il savait que c'était maintenant le moment.

- Salut, je suis Kayce, le valentin mystère.

Son sourire était éblouissant, même si clairement, il manquait de contenance. La jeune femme qui se trouvait devait moi repoussa une mèche de cheveux derrière son oreille, dégageant toute la beauté fragile de son visage. Ses yeux azurs se posèrent dans les miens, et l’espace d’un instant je crus me noyer dans l’océan qu’ils m’offraient. Puis, elle détourna le regard, détaillant les traits de mon visage discrètement, et je fis de même. Ses traits doux et sa peau pâle ne me donnaient qu’une envie, passer mes mains rugueuses sur sa joue. Puis, elle se présente à moi d’une voix basse et hésitante, ponctuée d'un rire nerveux. Ambre, son prénom résonna dans ma tête plusieurs fois, tellement que je faillis manquer le reste de sa phrase. Elle s'est dite touchée par ma petite attention.

Je lui souris en retour, alors qu'elle fuyait mon regard. Ma seule envie présentement était de relever son menton pour qu'elle arrête de se cacher. Mes yeux se plissent à cette pensée, alors que les siens se relevaient enfin. Un sourire enchanteur plaqué au visage, je voyais ses traits se détendre au fur et à mesure que les minutes passaient, alors que je sentais la chaleur me monter aux joues. Encore cette voix… Cette fois, elle était beaucoup plus sûre d'elle et ça me déstabilise complètement. J'enlevai mon chapeau de cowboy pour passer une main nerveuse dans ma chevelure rebelle, tentant tant bien que mal de me concentrer sur sa question. J'étais obnubilé par ses lèvres généreuses et je dus me pincer une cuisse pour me ressaisir. Sa question était fort simple, et pourtant je cherchais mes mots pour lui répondre.

- En fait, je n'ai été que très peu de temps au haras, car j'ai acheté un ranch juste à côté.

Ma voix avait conservé sa contenance, ne laissant pas paraître mon feu intérieur, tantôt rongé par l’angoisse, tantôt plein d’inexplicable séduction. Ambre était toujours assise à l’autre bout du banc et cette distance me semblait à des milliers de kilomètres. Je me tournai donc légèrement vers elle, mes genoux frôlant les siens. Je sentis une décharge d’adrénaline parcourir ma colonne vertébrale et la chaleur monta finalement jusqu’à mes joues. Un petit frisson hérissa les poils sur mes bras, malgré mon veston et le soleil qui nous réchauffait. Je lui devais des explications sur ma lettre et sur la façon dont elle m’était tombée dans l’oeil, j’en étais bien conscient. Une profonde inspiration plus tard, je me lançai enfin.

- Ambre, son nom roulait si bien sur ma langue que j’aurais pu le répéter vingt fois, tu m’es tombée dans l’œil alors que j’avais un cheval à aller entraîner au haras il y a plusieurs jours de cela. Je cherchais le moyen de t’aborder, mais tu semblais tellement loin dans tes pensées, que j’ai cherché une autre méthode. J’espère que tu ne m’en veux pas et que je n’ai pas été déplacé.

Je repris enfin mon souffle après avoir débité ma tirade. Je me sentais tout à coup beaucoup plus léger et serein, maintenant que le chat était sorti du sac. Mes épaules se décrispèrent et je pus enfin appuyer mon dos contre le dossier de bois, plongeant mes yeux foncés dans les yeux clairs de ma comparse.

Ce rire. Il résonnait en moi comme une douce mélodie, j'en aurais pris pendant des heures. Sa voix me sortit de mes pensées alors qu'elle me disait que j'avais bien fait d'user de ruse pour l'aborder. Mon coeur fit un triple salto avec le clin d'oeil qui appuyait ses dires. Regrettable était le mot qu'elle avait utilisé pour mettre l'emphase sur cette attention de ma part. Alors que son corps semblait décider pour elle, il réduisait imperceptiblement la distance qui nous séparait. Ses yeux d'une profondeur sans fin étaient rivés aux miens, qui étaient eux, rivés sur sa bouche alors qu'elle me demandait si je possédais des chevaux. Cette phrase acheva de me ramener à la réalité et je repris conscience de mes capacités. D'un haussement d'épaule et d'une voie grave, je lui répondis.

- Oh, je suis propriétaire de trois chevaux adultes et d'une pouliche de trois ans actuellement. Je prévois en acheter quelques-uns encore pour pouvoir élargir mes horizons. Je possède également une section western dans mon domaine qui est gérée par une amie.

J'évoquai vaguement Alex, la gérante du bâtiment consacré aux activités d'équitation western. Cette conversation en surface me refroidit un peu, ce qui me permit de reprendre mes moyens, revêtant mon air mystérieux. La tête légèrement penchée sur mon épaule droite, je me permis d'observer attentivement les détails de son visage et de ses épaules. Son sourire était honnête et détendu, elle semblait confortable en ma présence, et Dieu savait que je l'étais également avec elle. J'avais abandonné mon côté inaccessible et j'avais laissé la place au soleil de rayonner.

- Quel âge as-tu?

La question s'était échappée de mes lèvres avec un petit rire nerveux. Ma voix était franche, profonde, elle m'avait moi-même étonnée. Je plantai mes iris noirs dans les creux des yeux d'Ambre, cherchant la vérité. Une femme trop jeune ne pourrait pas comprendre toute la souffrance de ma vie passée, toute la douleur que j'ai ressentis à la perte de ma mère. Ce besoin d'amour que je ressentais en sa présence, j'avais essayé de le terrer au fond de moi depuis ma plus tendre enfance, enchaînant les relations sans lendemain. La peur d'accorder ma confiance à quelqu'un pour qu'il la brise ensuite me suivait chaque jour. Chacun des sourires que m'offrait la belle femme qui se tenait devant moi semblait atténuer cette peur. Ambre avait une lumière intérieure si forte, qu'elle émanait d'elle et illuminait tout autour. J'attendais sa réponse avec impatience, allongeant mon bras gauche sur le dossier du banc de parc, allant jusqu'à frôler son épaule droite du bout des doigts.