Soledane - selle français (j)

ESPOIRS

Noël et son réveillon étaient passés, et si Lumi avait apprécié passer du temps avec sa famille, elle avait des obligations et aussi avait-elle repris la route le lendemain matin pour rentrer chez elle. La jeune femme était allée ranger son petit sac qu'elle avait embarqué pour ces deux derniers jours, puis elle s'était rendue au haras après avoir mis des vêtements plus décontractés. Elle avait pris avec elle les trois tonnes de pain sec qu'il restait du repas de Noël, une fondue savoyarde. Sa mère avait toujours pour habitude d'acheter beaucoup trop de nourriture lorsqu'elle avait des invités, et c'était presque deux baguettes complètes qui étaient restées intouchées. Alors, au lieu de les jeter, Lumi avait demandé à les récupérer pour en distribuer aux chevaux du haras. Peut-être que cela lui permettrait de se rapprocher un peu de Silven par la même occasion.
Elle passa les portes de l'écurie et commença à avancer dans l'allée principale. L'endroit était calme, la plupart des cavaliers devaient être en train de récupérer des fêtes. Seuls quelques-uns d'entre eux et les palefreniers s'affairaient dans les boxs. En parlant de ces derniers, Lumi ne tarda pas à repérer une silhouette familière qui sortait du box d'un poney gris au moment où elle passait. Il faillit la bousculer et se retourna vers elle. Après une seconde, il la reconnu et un sourire s'afficha sur son visage. Lumi le lui rendit.
«Tu as l'air de bonne humeur aujourd'hui., remarqua Owen. Comment se sont passées les fêtes ?
Voyant qu'il comptait la suivre, Lumi reprit son chemin dans l'écurie, d'un pas plus lent.
-Très bien, j'ai pu revoir toute ma famille., exposa-t-elle.
Le palefrenier l'écoutait tout en jetant des regards dans les boxs des chevaux pour s'assurer qu'ils ne manquaient de rien. Lorsque la jeune femme lui retourna sa question, il se contenta de hausser les épaules.
-Je n'ai pas eu de congés pour Noël cette année, alors je me suis contenté de commander des sushis et de les manger dans mon canapé., expliqua-t-il.
Alors que Lumi le devançait, il l'attrapa doucement par le bras. La jeune femme se tourna vers lui, perplexe. Pensant comprendre ce qu'il voulait, elle commença à s'excuser.
-Je suis désolée pour avant-hier. Je t'ai envoyé un message pour te prévenir que je ne pourrai pas venir, mais je crois que tu t'es trompé en me donnant ton numéro parce que je n'ai eu aucune réponse.
Owen secoua la tête.
-Non, j'ai bien reçu ton message ne t'inquiète pas. Ce n'est pas de ça dont je voulais te parler. Je veux te montrer quelque chose ... ou plutôt quelqu'un., dit-il.
Intriguée, Lumi hésita quelques instants. Puis, sous le regard insistant d'Owen, elle lui emboîta le pas. Il l'emmena dans une autre rangée de boxs, puis après une dizaine de mètres, il s'arrêta devant l'un d'eux. La jeune femme se tourna vers le cheval qui s'y trouvait. De couleur baie, il était magnifique. Dès qu'il aperçut les deux humains, il sortit la tête de son box et se tendit vers Lumi, la bousculant légèrement pour lui réclamer des caresses. La cavalière répondit à sa demande, passant sa main sur son chanfrein.
-Il est splendide !, s'exclama-t-elle.
-Elle., la corrigea Owen. C'est une jument selle français de 8 ans. Son nom est Soledane.
Les oreilles de la baie pivotèrent lorsqu'elle entendit son nom, mais elle continua à se faire caresser par la jeune femme, visiblement ravie de cette attention.
-C'est la tienne ?, s'enquit Lumi, pas encore tout à fait sûre de savoir ce qu'ils faisaient là.
Owen lâcha un petit rire.
-Non, mais j'aimerais bien. Si je t'ai amené ici, c'est parce que son propriétaire la vend. Et que c'est une jument exceptionnelle d'après ce que j'ai entendu.
Lumi ne comprenait pas où il voulait en venir. Tandis qu'elle le fixait en attendant la suite, Soledane somnolait presque sous les mains de la jeune femme. Au bout d'un moment, Owen s'expliqua.
-Je pense qu'elle serait parfaite pour toi., commença-t-il.
-Je ne cherche pas d'autre cheval. J'ai déjà bien assez à faire avec Silven., l'interrompit Lumi.
-Laisse-moi finir, s'il-te-plaît., supplia le palefrenier.
Lumi lui fit signe de continuer.
Pendant qu'il reprenait, elle prit quelques morceaux de pain sec dans son sac et les tendit à la jument, qui s'en empara avec appétit.
-Je t'ai vue sur Silven, et même si tu n'as tenu que quelques minutes, c'est déjà plus que n'importe qui dans ce haras. Je travaille ici depuis des années et je sais reconnaître un talent quand j'en vois un. Tu es peut-être un peu rouillée mais je suis sûr qu'avec un cheval comme Soledane tu pourrais accomplir de grandes choses. Et elle te permettrait de progresser et de souffler un peu entre deux séances avec Silven. C'est pourquoi j'ai une offre à te faire. Je participe financièrement à l'achat de Soledane avec toi. Mais elle sera à toi. Tout ce que je veux en échange, c'est vous entraîner.
La jeune femme le regardait, ne sachant plus du tout quoi penser de toute cette histoire. Machinalement, sans même trop s'en rendre compte, elle rendit une poignée de pain à la baie qui commença à la manger du bout des lèvres.
-Nous entraîner ?, demanda-t-elle, confuse.
Owen caressa l'encolure de la jument, qui continuait à engloutir le pain sec.
-J'aime travailler auprès des chevaux, mais j'ai plus d'ambition que de rester un palefrenier toute ma vie. Je me suis passionné pour l'entraînement des équidés et j'aimerais faire mes preuves. Soledane est une jument qui a de très bonnes dispositions en saut d'obstacle, et je pense qu'avec un peu de travail tu pourrais aller loin avec elle. Et ...
Il sembla hésiter, les sourcils froncés.
-Et ?, l'encouragea Lumi.
Il secoua de nouveau la tête et lui sourit.
-Non rien, c'est tout ce que j'avais à dire. Je sais que c'est beaucoup d'un coup et que tu ne t'attendais probablement pas à ça, alors j'ai une idée. Et si on la sortait pour une séance de test ?
La jeune femme soupira. Elle avait peur de s'embarquer dans une histoire complètement folle. Cependant, c'est avec un soupir qu'elle acquiesça. Après tout, c'était juste un test, comme il venait de le dire.
-D'accord., lâcha-t-elle.
Owen se retint de l'exprimer mais la jeune femme pouvait voir qu'il jubilait intérieurement.
-Merci !, s'exclama-t-il, et il l'aurait probablement serrée dans ses bras si ils ne se connaissaient pas à peine. Tu ferais mieux d'arrêter de la gaver de pain cependant, si tu veux qu'elle saute.»
Lumi lui donna une tape sur l'épaule, avant de refermer le sac de pain dans lequel la jument s'apprêtait à se servir. Puis, elle suivit Owen vers la sellerie.

ALFREDO L'ALPAGA

Lumi se faufilait dans l'écurie le plus discrètement possible. Elle tenait un petit paquet dans les bras, tentant de le dissimuler sous son manteau. Elle n'était pas du genre à se soucier de l'avis des autres, mais à vrai dire, elle se sentait un peu ridicule. Alors elle essayait d'atteindre le box de Soledane sans trop se faire voir, rasant les murs et jetant des regards aux alentours. Si la plupart des gens d'ici ne la connaissaient pas vraiment, il existait un palefrenier qui se moquerait probablement d'elle si elle venait à croiser son chemin avec ça. Aussi la jeune femme lâcha-t-elle un soupir de soulagement lorsqu'elle arriva devant le box de la selle français en toute tranquillité. Personne dans les environs, parfait. Elle salua la jument en la grattouillant et celle-ci se laissa faire, ravie. La séance de câlins se prolongea pendant quelques minutes, Soledane en demandant toujours plus. Puis, Lumi sortit le paquet de sous son manteau. Intriguée, la baie le renifla, collant son nez à la boîte en carton.
«Cadeau de Noël un peu en retard., chuchota Lumi.
Ouvrant la porte du box, elle se glissa à l'intérieur. Puis, elle s'accroupit en entreprit de déchirer l'emballage. Curieuse mais respectueuse, Soledane avait le regard rivé sur les mains de sa propriétaire. Parvenant enfin à ouvrir le cadeau, cette dernière se redressa. Elle lâcha le carton à l'extérieur du box et tendit l'objet qu'il contenait à sa jument.
-Je te présente Alfredo l'alpaga., annonça-t-elle.
Alfredo était une peluche d'alpaga spécialement destinée aux équidés. Il n'était pas donné, mais Lumi avait eu un réel coup de cœur pour le jouet. Le corps marron, la tête et les jambes blanches, l'alpaga en coton était adorable. La baie observa son nouveau compagnon avec curiosité, puis elle le sentit et commença à le palper du bout des lèvres. Elle entreprit de le mordiller, et le jouet contenant une bouteille écrasée émit un bruit de plastique. Surprise par le son, Soledane recula la tête et agita les oreilles. Puis elle reprit son inspection de la peluche avec beaucoup d'intérêt. Elle finit par s'en saisir totalement et hocha la tête en rythme, secouant le pauvre Alfredo qui se plaignait à grands craquements de plastique. Tentant de garder son sérieux, Lumi finit par pouffer devant le comportement de la baie.
-On dirait qu'il te plaît., constata-t-elle en se retenant de rire.
Elle laissa la jument traumatiser l'alpaga tandis qu'elle nouait une sangle solide autour d'un barreau du box. S'assurant que Soledane ne pourrait la détachait, elle lui flatta l'encolure jusqu'à ce qu'elle se calme et arrête de secouer sa peluche. Puis elle la lui reprit, négociant sa libération avec un échange contre un morceau de carotte. Tandis que la baie était occupée à mâcher sa friandise, Lumi accrocha le jouet à la sangle grâce à l'attache présente sur sa tête. Elle tira plusieurs fois dessus, et une fois sûre qu'il ne serait pas aisé de le décrocher, elle laissa Soledane y avoir accès. Visiblement ravie de son cadeau, la baie le mâchouillait et lui tirait les pattes avec énergie.
-Joyeux Noël !», lui souhaita sa propriétaire.
Soledane tourna les oreilles dans sa direction sans lâcher Alfredo. Lumi sourit et lui donna une tape affectueuse sur l'épaule avant de sortir du box. Elle jeta un dernier regard au-dessus de la porte sur le jouet déjà trempé et laissa sa jument s'amuser en paix. Le bruit de la bouteille en plastique dissimulée à l'intérieur se faisait entendre presque jusqu'à la sortie de l'écurie.

APRÈS LA PLUIE

<-- Balade

Lumi venait de rentrer de sa balade en forêt avec Soledane et l'averse qui s'était invitée en plein milieu de celle-ci, même si elle n'était pas trop pénible, s'était révélée tout de même salissante. La jeune femme échangea ses bottes boueuses contre une paire propre qu'elle avait toujours à disposition à l'entrée du bâtiment et, les enfilant à une seule main, l'autre tenant les rênes, elle s'engagea ensuite dans l'allée pour se rendre au poste de pansage. Là, elle ôta habilement la bride de la jument pour lui enfiler un simple licol en corde, qu'elle attacha ensuite à la longe qui pendait d'un anneau dans le mur. Une fois Soledane attachée, elle s'occupa du reste de son équipement. Elle défit les sangles de la selle elle la fit glisser du dos de la baie, puis la posa sur le demi-mur qui délimitait la zone pour la laisser un peu sécher avant de la ranger dans la sellerie. Elle fit de même pour le tapis.
Une fois sa monture plus à l'aise, Lumi alla chercher sa boîte de pansage. Elle ouvrit cette dernière et se mit au travail. S'emparant d'abord de la brosse dure vu l'état de propreté de Soledane, elle la passa sur tout le corps de la selle français pour la débarrasser de la saleté. Elle frotta avec énergie tout en veillant à ne pas faire de mal à sa jument et à rester dans le sens du poil. Débarrasser le pelage de la baie de toute la saleté s'avéra être une tâche fastidieuse et Lumi y passa de longues minutes, ce qui était loin de déranger Soledane qui raffolait des longues séances de pansage et de câlin. La jument était toujours satisfaite lorsqu'on lui accordait de l'attention. Sa propriétaire, une fois satisfaite de ce premier décrassage, échangea la brosse dure pour une étrille en caoutchouc dont elle se servit pour décoller les poils encore humides. Le mouvement rotatif qu'elle exécutait détendit totalement la jument qui semblait se délecter de ce petit massage. Là encore, la cavalière prit son temps, partageant ce moment avec la baie et permettant aussi au pelage de sécher naturellement pendant qu'elle s'activait. La chaleur de l'écurie participant à accélérer le processus, Lumi put bientôt reposer son étrille. Elle prit une petite pause pour caresser la tête de Soledane et lui déposer un bisou sur le nez, avant de se remettre au travail.
Se baissant pour ramasser la brosse douce à son tour, elle refit un tour complet du corps de la selle français pour lisser son poil. Elle procéda par mouvements lents et réguliers, et aperçut avec amusement que la jument somnolait presque. S'appliquant, elle passa quelques minutes supplémentaires sur cette étape, s'assurant que le poil soit bien brillant lorsqu'elle eut terminé.
Passant sa main dans les crins de la baie, elle décida de compléter le pansage par un bon coup de peigne. La jeune femme passa l'objet avec délicatesse dans la crinière et la queue de sa monture, veillant à ne pas tirer trop fort et prenant le temps de bien démêler les quelques nœuds qui s'y étaient formés. Elle y passa plus de temps qu'elle ne le pensait mais la tâche s'avoua finalement bien nécessaire. Ce n'est qu'une fois satisfaite des poils et des crins de Soledane qu'elle passa à l'étape finale. Prenant le cure-pied, elle se plaça d'abord au niveau de l'antérieur droit de la jument. Elle demanda son pied à la baie, qui s'exécuta sans problème. Le maintenant de la main droite, la jeune femme se servit de l'autre main pour manier son outil. Elle retira à l'aide de la point tous les petits cailloux et surtout les mottes de terres qui s'étaient accumulées sous le sabot. Elle gratta avec énergie en évitant bien la fourchette, s'assurant de ne pas oublier la moindre petite saleté, puis termina son nettoyage par un bon coup à l'aide de la petite brosse du cure-pied. Puis, elle reposa doucement le pied de la jument au sol, poussant de côté ce qu'elle venait de retirer pour que la baie ne remarche pas dedans, et passa aux autres membres. Elle nettoya complètement les quatre sabots avec attention.
En ayant enfin terminé avec le pansage et le curage, Lumi rangea tout son nécessaire et posa la boîte de côté. Elle détacha la longe de l'anneau et guida Soledane jusqu'à son box tout en admirant son travail. La jument était toute propre, le poil et les sabots brillants, les crins doux. Lorsqu'elle la remit dans son box, elle lui ôta le licol et le posa sur la porte le temps d'une séance de câlin. Elle passa un bon quart d'heure à s'occuper de la selle français, lui grattouillant le nez et le chanfrein, lui flattant l'encolure et lui distribuant des caresses en continu. Soledane était ravie d'être l'objet d'autant d'attention, et la jument n'hésitait pas à réclamer plus de câlins en poussant légèrement sa propriétaire de la tête. Lumi répondait à ses demandes. Faire une balade et s'occuper ainsi de la baie lui avait permis de souffler et de profiter de sa jument comme elle ne l'avait pas fait depuis longtemps. Tout comme sa monture, elle se sentait totalement détendue et heureuse de sa journée.
La séance de caresses se prolongea pendant encore de longues minutes avant que Lumi ne sorte du box. Aussi agréable ce moment soit-il, elle n'avait pas malheureusement pas le loisir de passer sa journée à ne faire que cela. Elle déposa un dernier baiser à Soledane et agita Alfredo l'alpaga, le jouet qu'elle lui avait acheté il y a déjà plus d'un an pour Noël et qui était toujours attaché à l'intérieur du box de la baie, même si il avait un peu perdu de son superbe. La jument s'en saisit et commença à le secouer sans trop d'énergie. La balade l'avait probablement fatiguée. S'arrachant à cette scène qui lui donnait le sourire, Lumi partit ranger son équipement.

LE DÉBUT D'UNE LIGNÉE

Lorsque le vétérinaire arriva à Pandora Hills, Lumi était encore en train de se débattre avec ses vêtements en sortant de la douche. Elle ne débarqua dans les écuries que bien après la plupart des examens, mais juste à temps pour assister à celui qu'elle attendait le plus: celui de Soledane.
La jeune femme salua le vétérinaire d'un geste de la tête pour ne pas déconcentrer le vieil homme qui était occupé à palper le ventre de la jument, tout en y déplaçant son stéthoscope. Près de lui, Owen attendait avec la même tension que sa compagne. Lumi s'approcha du brun, qui l'entoura de son bras tout en lançant un regard tendre à l'enfant qui naîtrait dans un peu plus de deux mois. Lumi lui sourit, puis ils tournèrent de nouveau la tête vers le vétérinaire, qui venait de se redresser. L'homme réajusta sa veste et rangea son matériel dans sa sacoche, ayant visiblement terminé son contrôle.
«Alors ?, s'enquit Lumi, trop impatiente pour attendre une seconde de plus.
Le vétérinaire eut un léger rire.
-Tout va pour le mieux ! Votre jument est en pleine forme et le poulain va très bien. Tout est en ordre, elle devrait mettre bas au début du printemps., annonça le vieil homme.
Lumi ne put retenir un soupir de soulagement. Le poulain de Soledane serait le tout premier à naître au sein de l'élevage, et c'était un vrai bonheur de voir que tout s'était déroulé sans accros ni problème jusque là. La jument s'était montrée très calme durant la saillie avec Naughty Boy en avril, qui avait eu lieu dans le pré et en liberté pour le respect des deux chevaux, et depuis la jument avait été en pleine santé, toujours aussi câline, juste moins énergique. Mais Lumi et Owen avaient été aux petits soins pour elle et elle le leur rendait bien. Si elle continuait sur cette voix, elle donnerais naissance à un poulain robuste l'année prochaine et ferait la fierté de l'élevage avec cette première naissance.
-Merci docteur, je vais vous accompagner dans le bureau pour le règlement si vous êtes prêt., lança Owen en serrant la main du vieil homme.
Ce dernier hocha la tête et sortit du box derrière le brun. Il se tourna vers Lumi et la salua d'une petite révérence.
-Bonne journée madame, et si l'on ne se revoit pas avant cette date, je vous félicite déjà d'avance pour votre enfant., dit-il avec politesse.
Lumi sourit et le remercia pour ses paroles. Puis elle observa les deux hommes s'éloigner dans le couloir de l'écurie et reporta son attention sur Soledane lorsqu'ils fermèrent la porte du bureau.
-Comment tu vas ma belle ?, murmura-t-elle à la jument tout en posant son front contre le chanfrein de la baie.
Soledane ferma aussitôt les yeux, se délectant de l'affection de sa propriétaire. Lumi passa de longues minutes à caresser la jument, passant sa main sur son chanfrein, puis son encolure incroyablement douce après le pansage qu'Owen lui avait prodigué avant la visite du vétérinaire. La baie ne bronchait pas, savourant le moment et sans doute heureuse de partager celui-ci avec Lumi. Même si la jeune femme essayait de s'investir au maximum de son énergie dans la vie des écuries, elle ne s'y rendait plus aussi souvent qu'avant et s'en voulait de ne pas faire plus d'efforts pour ses chevaux. Elle attendait avec impatience de pouvoir de nouveau être en forme physique et surtout de pouvoir remonter à cheval, même si une voix intérieure lui disait qu'elle aurait sans doute encore moins de temps avec un bébé dont elle devrait s'occuper.
Tout en songeant à cela, elle avait continué de grattouiller Soledane, pour le plus grand plaisir de cette dernière. La jeune femme glissa sa main dans la poche de son manteau - dont elle ne parvenait même plus à remonter la fermeture - et en sortit une demi-pomme, qu'elle tendit à la baie. Soledane s'en empara avec appétit tout en restant la plus douce possible, comme à son habitude. Lumi sourit en voyant la jument mâcher sa friandise à grands coups de dents, et elle déposa un baiser sur son nez lorsqu'elle eut terminé. Au loin, elle entendit les voix d'Owen et du vétérinaire qui s'éloignaient en direction de la sortie.
Gratifiant sa jument d'une dernière caresse, la jeune femme sortit du box.
-Repose-toi bien.», souffla-t-elle à la selle français avec un dernier regard.
Puis, d'un pas lourd, elle entreprit de retourner à la maison.

ATTENDRE

La neige tombait en gros flocons ce matin, mais comme chaque jour, Lumi traversa la cour pour se rendre aux écuries. Elle se dirigea vers le box de Soledane, tendue. La jument devait mettre bas le mois prochain et sa propriétaire n'avait pas vu le temps passer du tout. Les mois s'étaient écoulés à une vitesse incroyable et la jeune femme commençait à stresser pour la première naissance de l'élevage. Est-ce qu'elle se déroulerait sans problème ? Le poulain serait-il vivant ? Et que feraient-ils si il y avait justement un problème ? Sauraient-ils réagir à temps ? Toutes ces questions tournaient en boucle dans la tête de Lumi, et elle dût faire un effort considérable pour les chasser de son esprit en arrivant à destination.
Soledane était énorme, comme on pouvait s'y attendre de la part d'une jument à son dixième mois. Quand elle vit Lumi, la jument redressa la tête et la fixa, attendant qu'elle la rejoigne comme à son habitude. Sa propriétaire se glissa donc dans le box sans plus attendre, accueillant la jument d'une caresse sur le nez, avant de lui enlacer l'encolure. La baie ne bougeait pas, profitant de toute marque d'affection qu'on lui prodiguait. Tout en la cajolant, Lumi remarqua du coin de l’œil qu'Alfredo l'alpaga commençait à prendre la poussière, la jument ayant moins d'énergie pour s'amuser avec la peluche ces derniers temps. La jeune femme se recula d'un pas pour se replacer face à sa jument, puis elle lui tendit une carotte qu'elle avait amenée spécialement à son attention. La selle français s'en saisit délicatement et la mangea lentement sous le regard de sa propriétaire. Une fois sa friandise terminée, Soledane tendit le nez vers Lumi et lui chatouilla le visage du bout des lèvres, une habitude qu'elle avait prise ces derniers mois et qui signifiait son envie de caresses. Lâchant un léger rire, Lumi se rapprocha d'elle et entreprit de glisser sa main le long du chanfrein de l'animal. La gestation avait rendu la baie encore plus douce et affectueuse qu'auparavant, ce qui était déjà difficile à battre. Soledane s'était littéralement transformée en boule d'amour qui semblait n'avoir besoin que de câlins pour vivre. Et sa propriétaire veillait à lui accorder sa dose quotidienne d'amour. Elle flatta l'encolure de la jument, avant de passer sur son côté droit. Tout en continuant de caresser le poil incroyablement doux de la baie, Lumi atteignit bientôt le ventre rond de la jument. Elle y passa la main délicatement et lentement, sentant la respiration de Soledane. Soudain, un mouvement déforma la peau juste sous la main de Lumi, et la jeune femme tressauta, avant d'afficher un large sourire. Elle venait de sentir le poulain ! Il était bien là, bien vivant et bientôt prêt à découvrir le monde extérieur. La jeune femme sentit les larmes lui monter aux yeux, mais elle les frotta du revers de sa manche.
«Tu es prête à être maman toi aussi ?, souffla-t-elle dans l'oreille de Soledane.
La jument posa son front contre l'épaule de sa propriétaire et ferma les yeux. Une mais grattant la baie entre les oreilles et l'autre guettant d'autres mouvements de son poulain, Lumi fit de même, profitant du calme et de la magie de ce moment. Peut-être qu'avoir un enfant elle-même l'avait rendue plus sensible, mais la jeune femme ressentait un attendrissement total envers cette nouvelle vie. Elle songea aussi que cela venait certainement du fait qu'il s'agissait de sa jument, sa protégée, et que c'était ce qui la rendait plus émotive avec ce poulain en particulier. Après tout, elle avait noué un lien très fort avec la selle français, bien au-delà des simples concours. Elle ne comptait plus les heures de câlins et de soins, de balades en toute décontraction qu'elle avait réalisées avec la baie. Et si elle avait hâte d'une chose désormais, c'était de voir naître son petit et de l'accompagner dans cette toute première expérience.
-Tu verras, c'est la plus belle chose du monde.», ajouta Lumi à l'intention de la jument.
Elle resta encore de nombreuses minutes ainsi, dans le silence, en communion avec Soledane qui ne bronchait pas, visiblement heureuse elle aussi. Puis, c'est avec une petite pointe de regret qu'elle se redressa et cessa de caresser la baie. Lui déposant un dernier baiser sur le chanfrein, la jeune femme sortit du box. A son grand désespoir, elle ne pouvait passer toute sa journée ainsi.

DES SOINS BIEN MÉRITÉS

Le temps était gris en ce milieu de matinée. Lumi se dirigeait vers les écuries, observant le ciel et priant pour des éclaircies cet après-midi. Jusqu'à ce jour, le printemps n'avait pas été particulièrement chaud et elle priait pour que l'été soit plus agréable, sans pour autant souhaiter une canicule comme l'année précédente. La jeune femme pénétra dans le bâtiment où la plupart des chevaux du domaine se trouvaient en ce moment et fit une ligne droite jusqu'aux boxes de poulinage. Dans le premier se trouvait Soledane et son poulain, Higher than Hope. Le petit bai était âgé de deux mois désormais et Lumi commencerait bientôt le pré-débourrage du selle français. Mais aujourd'hui ce n'était pas lui qu'était venue voir la jeune femme, mais bien la jument qui l'avait mis au monde. Celle-ci, l'ayant bien compris, passait déjà la tête hors de sa stalle lorsque Lumi arriva à son niveau. Elle caressa lentement le chanfrein de la baie, heureuse de pouvoir lui accorder un peu de temps. Puis, s'emparant d'un licol et d'une longe, Lumi équipa Soledane et ouvrit le box afin de la faire sortir. Docile, la selle français la suivie sans la moindre hésitation. Collée à son flanc, son poulain ne la lâchait pas d'un sabot.
Lumi guida la jument à l'aire de pansage, où elle l'attacha à un anneau dans le mur avant d'aller chercher son matériel. Soledane n'était pas particulièrement sale, mais elle aimait que l'on prenne soin d'elle et méritait amplement cette attention particulière pour son travail avec son petit. De plus, Lumi avait envie de passer un bon moment avec sa jument et pour cela, rien de tel qu'un bon pansage. La jeune femme amena donc sa boîte contenant son nécessaire, puis elle l'ouvrit et se mit au travail. Elle s'empara tout d'abord de son étrille en caoutchouc, remarquant au passage que la jument avait peut-être bien besoin de ce nettoyage finalement. Procédant par mouvements rotatifs réguliers, la jeune femme massait la baie tout en l'étrillant, et bien vite cette dernière ferma les yeux à moitié, détendue. Malgré l'avancement de la saison, Soledane perdait encore beaucoup de poils et semblait toujours en mue. Lumi passa donc un long moment à la débarrasser de tout ce surplus, alternant avec une étrille métallique qui lui permettait de retirer plus de poils morts. Tandis qu'elle terminait un flanc et passait de l'autre côté de la jument, elle se trouva face à Higher than Hope, qui, dans un calme incroyable, se contenta de se pousser pour aller vers la tête de sa mère lorsque Lumi arriva à son niveau. La jeune femme sourit face à la docilité du poulain, puis elle reprit sa tâche. C'est un quart d'heure complet qui passa avant qu'elle ne repose l'étrille.
Observant la baie, sa propriétaire jugea qu'elle n'aurait pas besoin d'un trop gros décrassage et s'empara donc directement de la brosse douce. Avec celle-ci, elle passa sur l'ensemble du corps, faisant voler la poussière restée dans les poils de la jument et ôtant le reste de la mue qui avait résisté à l'étrille. Après ce premier passage assez rapide, elle en refit un second avec la même brosse. Cette fois, Lumi prit son temps pour bien lisser chaque zone du corps de Soledane. A gestes lents et précis, elle donna du brillant à la robe de la jument, qui de son côté avait atteint le summum du bien-être, les yeux toujours mi-clos et les muscles totalement relâchés. Higher than Hope ne lâchait pas Lumi des yeux, suivant ses moindres faits et geste avec un regard curieux. Il ne manifestait aucune crainte et il semblait à sa propriétaire que rien n'effrayait le jeune poulain. Elle se reconcentra sur Soledane et, après avoir vérifié qu'elle n'avait oublié aucune zone, rangea la brosse douce pour l'échanger contre le peigne.
Le démêlage des crins de la baie se révéla absolument nécessaire. Lumi n'avait pas pour habitude de réaliser cette étape régulièrement et elle s'en mordit les doigts lorsqu'elle découvrit tous les nœuds qui s'étaient dissimulés dans la queue et la crinière de la jument. Elle se mit au travail en soupirant et, petit à petit, démêla chaque nœud et coiffa les crins de la selle français. Il lui fallut près d'une demi-heure pour venir à bout de cette tâche fastidieuse, mais elle eut la satisfaction de voir à la fin que la crinière de sa jument était bien lisse et douce désormais. Profitant d'être au niveau de la tête de la baie, Lumi enchaîna avec l'éponge, qu'elle appliqua autour des yeux et des naseaux de Soledane après l'avoir humidifiée. Elle procéda doucement, sans trop appuyer, pour nettoyer le pourtour des orifices. La jument, habituée à ce genre de manipulations et totalement désensibilisée, ne broncha pas pendant que sa propriétaire la nettoyait. Elle rouvrit cependant les yeux, cette partie du processus étant la moins agréable pour elle, et secoua la tête lorsque Lumi eut terminé.
Il ne restait plus que les sabots à entretenir. Lumi fit une petite pause pour flatter l'encolure de la jument et lui déposer un bisou sur le nez, puis elle s'empara du cure-pied. Se mettant en position près de l'antérieur droit de la baie, elle glissa sa main le long du membre pour lui demander de le donner et la jument s'exécuta, levant le pied. Sa propriétaire le coinça entre ses genoux, plaçant une main en support sur le paturon, puis entrepris de nettoyer le pied. Elle retira les saletés s'étant logées dessous à l'aide de la pointe du cure-pied, veillant bien à ne pas taper dans la fourchette, puis peaufina le nettoyage à l'aide de la petite brosse, dépoussiérant totalement le pied. Elle fit aussi le tour du sabot pour qu'il soit le plus propre possible, avant de s'emparer du pot de graisse qu'elle avait laissé à sa portée et d'en appliquer sur toute la surface à l'aide d'un gros pinceau. Lorsqu'elle fut satisfaite du résultat, elle accompagna le pied de la jument pour le reposer au sol et s'avança vers le membre postérieur, emmenant ses outils avec elle. Lumi répéta le processus. Elle prit la jambe de la jument, cura le sabot, graissa le contour, le tout en gestes précis. Puis elle passa de l'autre côté de l'animal et fit de même sur les deux autres pieds.
Lorsqu'elle reposa le dernier membre au sol, Lumi recula pour avoir une vue d'ensemble de la jument. Les crins soyeux, la robe brillante et les sabots graissés, Soledane était plus étincelante que jamais. Son poulain, curieux, reniflait les pieds de sa mère, se demandant ce qu'on leur avait fait. Soledane tourna le tête vers le petit et lui ébouriffa les crins du bout des lèvres. Voyant qu'Higher than Hope commençait ensuite à chercher à téter, Lumi se hâta de détacher la jument pour la ramener dans son box afin qu'elle soit en paix pour cela. Elle traversa le couloir, la longe dans les mains, et ne put s'empêcher de sourire en entendant le claquement des minuscules sabots qui se hâtaient à leur suite pour ne pas perdre maman de vue. Lumi eut à peine le temps de retirer le licol et de refermer la porte du box que le poulain était déjà en train de se nourrir. La jeune femme passa quelques minutes à l'observer, tout en caressant Soledane, lui grattouillant les joues. Puis, elle les laissa finalement en paix et retourna à l'aire de pansage. Elle devait encore ranger son matériel et passer le balai dans la zone qui était jonchée de poils et de crins.

ENTRE MÈRE ET FILLE

Lumi entra dans les écuries en tenant Ellie par la main. Dans un mois, sa fille aînée allait fêter ses deux ans et elle n'en revenait toujours pas. La petite fille marchait à ses côtés, d'un pas qui manquait encore un tout petit peu d'équilibre mais déjà bien assuré pour son âge. L'hiver prochain, elle apprendrait à monter à cheval. Pour l'instant, ses contacts avec les chevaux du domaine s'effectuaient toujours en présence d'un parent, et aujourd'hui Ellie avait insisté pour accompagner Lumi. La jeune mère rendait une petite visite à Soledane. Elle arriva devant son box et la baie sortit aussitôt la tête pour accueillir ses visiteurs. Lumi s'accroupit et prit Ellie dans ses bras pour la hisser au niveau de la jument. Elle assit le bambin sur la porte et la selle français vint la renifle. Ellie tendit ses petites mains vers l'avant et caressa le nez de la baie, qui se laissa faire sans broncher. Soledane s'était toujours montrée douce avec la fille de Lumi, et elle adorait observer les interactions entre elles. La jument était encore plus affectueuse en ce moment, attendant son second poulain. Le ventre de la baie s'était bien arrondi et elle était presque à la moitié de sa gestation désormais.
«Bonjour Solane !, s'exclama Ellie.
Lumi sourit et secoua la tête. Le nom de la jument était l'une des choses que la petite n'arrivait pas à prononcer correctement, mais elle continuait d'y croire et cela n'enlevait en rien l'affection que portait le bambin à la baie et inversement. Les oreilles de cette dernière pivotèrent d'ailleurs en direction de l'enfant au son de sa voix aigüe. La jument poussa un tout petit hennissement à son intention, ce qui fit rire Ellie. Sa mère l'embrassa sur la joue, avant de caresser à son tour Soledane. La jument, comblée par tant d'attention, ferma les yeux à ce contact.
-Soledane va bientôt avoir un bébé, quand le beau temps sera de retour., souffla Lumi à sa fille.
Ellie se tourna vers elle avec de grands yeux, avant de reporter son attention sur la jument.
-Vrai ? Un bébé cheval ?, demanda-t-elle.
Sa mère acquiesça.
-Oui, un bébé cheval. Un poulain. Tu crois que ce sera une fille ou un garçon ?
Ellie prit un air pensif, observant avec insistance le ventre de la baie comme si elle pourrait voir à travers avec un peu de concentration. La petite haussa d'abord les épaules et sa mère crut qu'elle avait abandonné sa question, mais elle finit par lui répondre.
-Une fille ! Comme Claire !, piailla-t-elle.
Soledane rouvrit les yeux, un peu surprise par cette exclamation soudaine, mais elle retomba vite dans un état semi-conscient tandis que sa propriétaire était passée aux grattouilles entre les oreilles, lâchant un grand soupir de bien-être au passage. Lumi l'admira un moment. Si Ellie avait raison et qu'elle avait une pouliche, la jeune femme était sûre et certaine qu'elle serait son portrait craché, aussi douce et parfaite au niveau du caractère. Et si il s'agissait d'un autre étalon ... et bien Higher than Hope s'était révélé être un poulain adorable et doué jusqu'à maintenant, et elle savait que le second suivrait le même schéma. Dans tous les cas, elle aimerait ce nouveau poulain de tout son cœur et assisterait la jument avec plaisir dans l'éducation de celui-ci, même si Soledane avait déjà prouvé qu'elle se débrouillait à la perfection toute seule. Cela permettrait aussi à Lumi de se concentrer davantage sur l'autre poulain à venir, celui de Sex Appeal. Ce serait sa première progéniture et sa propriétaire devrait donc veiller à ce que tout se déroule pour le mieux. Mais elle avait encore le temps de se préparer à tout cela. Elle allait y arriver, tout comme elle arriverait à s'occuper de Claire malgré son handicap. Lumi était confiante et bien déterminée à se démener pour sa famille et ses chevaux. Mais pour l'instant, elle profitait de ce petit moment en tête-à-tête avec Ellie et Soledane.
-Tu veux lui donner une carotte ?, proposa la jeune femme au bambin.
Ellie s'agita tout de suite, excitée à cette idée.
-Oh oui !, répondit-elle.
Lumi sortit la dite friandise de sa poche et la tendit à sa fille. Ellie s'en empara mais sa mère ne lâcha pas tout de suite.
-Comment on donne à manger à un cheval ?, demanda-t-elle à la petite fille.
Cette dernière lâcha la carotte pour mimer le geste, tout en l'expliquant du mieux qu'elle le pouvait.
-Main plate. Et on pose dedans. Puis on donne., énonça-t-elle avec un air tout à fait sérieux.
Sa mère hocha la tête et, satisfaite de sa réponse, la laissa enfin prendre la friandise et la donner à Soledane. La petite fille agit comme elle l'avait dit et la jument vint chercher avec douceur la carotte dans la main tendue de l'enfant, lui chatouillant la paume du bout des lèvres, ce qui fit glousser Ellie. Lumi ne pouvait être plus fière de l'enfant que son bébé était en train de devenir. Curieuse, toujours joyeuse, elle était son petit rayon de soleil. Toutes deux regardèrent Soledane manger sa carotte et, quand elle eut fini, Lumi reprit Ellie dans ses bras.
-Tu lui dis au revoir ?, dit la mère.
-Au revoir Solane !, s'exclama Ellie tout en lui faisant coucou de la main.
Sa mère la reposa au sol et lui donna de nouveau la main.
-Allez, on va voir si papa t'as préparé un chocolat chaud pour le goûter.», proposa Lumi.
La petite fille laissa échapper un cri de joie et suivit sa mère en faisant des petits bonds, impatiente de goûter et heureuse d'avoir pu passer du temps avec les chevaux. Oui, Lumi était fière de ce qu'était sa vie et ne l'échangerait pour rien au monde à ce moment précis.

JOUR 1.1

Une nouvelle année commençait, et Lumi était déterminée à tirer le meilleur de celle-ci. D'un pas rapide, elle se dirigeait vers le box de Soledane. La jument avait enfin retrouvé son confort personnel, sa pouliche étant désormais assez âgée pour avoir son propre box, collé à celui de sa mère. Tandis que Lumi se rapprochait de sa destination, la tête de la selle français sortit par-dessus la porte. Soledane fixait sa propriétaire avec attention, sachant qu'elle venait pour elle. Lumi arriva à sa hauteur et flatta l'encolure de la jument, qui ferma les yeux, appréciant cette attention.
«Comment tu vas ma belle ? On va reprendre le travail aujourd'hui ?, souffla Lumi.
La baie souffla de bonheur, continuant de bénéficier des caresses de sa propriétaire. Après quelques grattouilles supplémentaires, Lumi finit par se reculer. Elle devait d'abord nourrir les chevaux avant de sortir qui que ce soit. La jeune femme alla préparer les rations de chacun, puis ressortit avec une brouette remplie de seaux de granulés. Elle donna la ration de Soledane en premier, afin qu'elle ait le temps de manger tandis qu'elle servait les autres chevaux. C'est avec joie que la jument reçut son repas, et elle mit la tête dans le seau aussitôt celui-ci accroché dans son box. Tandis qu'elle commençait à mâchouiller bruyamment sa nourriture, Lumi entreprit de finir sa tournée. Elle vérifia aussi les abreuvoirs et compléta ceux qui commençaient à manquer d'eau, avant de revenir devant le box de la baie. Comme elle l'avait calculé, Soledane avait terminé sa ration et elle put donc passer à la suite.
S'emparant d'une étrille, la jeune femme ouvrit la porte du box et pénétra à l'intérieur. La jument aurait droit à un pansage plus complet après le travail, mais pour l'instant, sa propriétaire se contenterait de la dépoussiérer un peu avant de la sortir. Avec son étrille, elle donna donc un bon coup sur toute la robe de la baie, en ôtant un maximum de saleté. Tandis qu'une main maniait l'étrille, l'autre distribuait des caresses occasionnelles à la jument, qui se tenait tranquille. Ce pansage rapide prit tout de même un bon quart d'heure à Lumi, ce qui laissa le temps à la jument de digérer son repas. Après avoir rangé l'étrille, Lumi vérifia rapidement les sabots de la jument. Un à un, elle lui demanda ses pieds afin de s'assurer qu'aucun caillou ou autre objet dangereux ne se soit coincé en dessous, ce qui aurait pu lui causer une douleur ou une gêne par la suite. Les sabots de Soledane étaient propre, et Lumi la laissa donc tranquille. Il était temps de seller la baie désormais. Si l'éleveuse avait prévu une séance en longe aujourd'hui, elle avait quand même décidé de mettre tout le harnachement, afin de réhabituer Soledane à celui-ci et ayant aussi pour idée de l'emmener en balade suite à leur entraînement. Elle commença donc par aller chercher la bride, se glissant de nouveau dans le box pour l'enfiler à la jument. Une fois cette première pièce en place, elle sortit Soledane dans le couloir et l'attacha devant son box pour procéder à la suite. Elle plaça un tapis épais sur le dos de la baie, avant de venir y ajouter la selle. Elle dût faire quelques ajustements au niveau des sangles, la selle français ayant pris un peu de poids suite à sa gestation et son manque d'activité de ces derniers mois. Ne comptant pas monter tout de suite sur son dos, Lumi remonta les étriers et les sangla au plus près de la selle pour éviter qu'ils ne gênent la baie en venant lui taper dans les flancs pendant son entraînement. Elle ne mis ni bandes, ni guêtres. Les exercices seraient légers et ne nécessitaient pas autant de précautions. Une fois la jument bien équipée, Lumi lui tapota l'épaule. Elle échangea l'attache du box pour une longe, et fit reculer Soledane de quelques pas, afin de la positionner vers la sortie des écuries.
-Allez, on y va !», lança-t-elle à la jument.
D'un claquement de langue, elle ordonna à la baie d'avancer, et toutes deux commencèrent à se diriger vers la sortie, Soledane suivant docilement Lumi.

JOUR 2.1

En cette fin de février, le grand jour était arrivé. Il était plus que temps pour Soledane de se remettre à l'obstacle avec un cavalier. La jument allait sur ses quatorze ans le mois prochain, et Lumi savait, à sa grande tristesse, qu'elle atteignait lentement mais sûrement la fin de sa carrière. Penser à la retraite de Soledane était quelque chose de dur pour l'éleveuse. La baie avait été son tout premier selle français, celle qui avait changé sa vie en la faisant se lancer dans l'élevage, la première poulinière de celui-ci aussi. Sur les terrains de concours, elle avait été la première à porter Lumi au niveau international, et ces instants resteraient à jamais gravés dans la mémoire de la jeune femme. Mais le temps passait et Soledane vieillissait indéniablement. Oh elle avait encore une énergie débordante et un superbe coup de saut, et c'était pour cette raison que Lumi l'entraînait en vue de cette nouvelle saison. Elle s'était posé comme objectif et limite de tirer encore deux belles années de concours de la jument, avant de lui offrir sa pré-retraite bien méritée. Alors elles devaient s'entraîner dur pour finir leur chemin sur des victoires et la gloire.
Se dirigeant vers le box de la baie, Lumi la salua en lui procurant nombre de marques d'affection. La jument lui rendait son amour, posant sa tête contre l'épaule de sa propriétaire. Celle-ci glissa une main dans sa poche et en sortit un morceau de pomme, qu'elle tendit à Soledane. La jument s'en empara délicatement et le mâchouilla tranquillement tandis que Lumi allait chercher son licol. Lorsque l'éleveuse revint, elle enfila l'équipement à la baie et ouvrit la porte du box pour l'en faire sortir. Soledane s'exécuta et laissa sa propriétaire l'attacher dans le couloir. Une fois en place, elle eut droit à un pansage expéditif, avant que la jeune femme ne la laisse seule quelques minutes supplémentaires le temps de récupérer son harnachement. Lumi déposa tout d'abord un tapis sur le dos de la baie, qui se laissait faire sans broncher. Elle le positionna le mieux possible, avant de s'emparer de la selle. La jeune femme déposa l'équipement en cuir par-dessus le tapis, s'appliquant pour ne pas trop faire bouger ce dernier. Elle réalisa les derniers ajustements avant de s'emparer des sangles pour les resserrer. Elle tira et Soledane expira, ce qui lui permit de bien régler la boucle. Une fois la selle bien mise, Lumi régla la longueur des étriers à sa taille. Puis, elle s'occupa des membres de la jument. Elle l'équipa de guêtres de saut, et la baie se tenait bien immobile tandis que sa propriétaire s'appliquait. En quelques minutes, les guêtres étaient bien installés. Passant à la toute dernière étape, Lumi retira le licol de Soledane et lui présenta aussitôt son filet. La jument l'enfila sans protester, et Lumi laissa pendre les rênes devant la tête de la jument de manière à pouvoir la mener dans un premier temps. Puis, elle s'équipa elle-même d'une bombe. Enfin prête et sa jument harnachée, la jeune femme s'empara des rênes. Avec un claquement de langue encourageant la baie à la suivre, elle commença à se diriger vers le manège.

JOUR 1

Lumi en avait eu assez de voir la moitié de son matériel tomber au sol dès qu'elle ouvrait la porte de la sellerie. Elle avait trop de choses, qui s'entassaient dans cette petite pièce et la rendait complètement désordonnée et impraticable, et l'éleveuse avait donc décidé qu'un tri s'imposait. Elle avait d'abord mis tous les équipements dans des caisses en fonction de leur nature, et s'attelait désormais à faire l'examen approfondi de chaque pièce, avant de décider de ce qu'elle allait en faire. En cet après-midi de septembre, elle avait changé de décor, laissant la sellerie encore poussiéreuse pour s'installer dans le couloir de l'écurie. Là au moins, elle pouvait avoir la compagnie de ses chevaux et avoir davantage de place. La jeune femme prit place en face du box de sa compagne de toujours, Soledane. Dès qu'elle aperçut sa propriétaire, la baie sortit la tête par la porte et se mit à l'observer tandis que Lumi sortait divers filets et brides d'un gros carton, en estimant l'usure. Beaucoup de ces équipements étaient soit trop vieux, ou appartenaient à des chevaux qui n'étaient plus au domaine. La jeune femme eut un pincement au cœur en retrouvant le filet de Silven, son paint horse. Elle n'avait plus de nouvelles de l'étalon depuis un moment désormais, et espérait qu'il était heureux chez son nouveau propriétaire. Lumi observa la pièce d'équipement longuement, passant doucement sa main dessus, comme si elle pouvait encore sentir le poil du paint. Devait-elle s'en séparer pour tourner définitivement la page ? Elle n'arrivait à s'y résoudre. Elle posa soigneusement l'objet de côté, avec les autres pièces qu'elle comptait garder. Peu de temps après, elle tomba sur un autre souvenir, moins mélancolique cette fois: le premier filet qu'elle avait acheté à Soledane. Le cuir était usé, la couleur ternie par les années, et l'objet était tout juste bon à être jeté, mais Lumi sourit.
«Tu crois qu'il te va encore ?, lança-t-elle à la jument.
L'intéressée la fixa avec interrogation, ses oreilles pointées vers sa propriétaire. Lumi se leva et s'approcha de la selle français. Elle lui caressa d'abord le chanfrein, lui offrant quelques minutes d'affection, avant d'approcher le filet de la tête de la jument. Soledane se laissa faire sans broncher, docile, tandis que Lumi glissait l'objet derrière ses oreilles. Comme elle s'y attendait, bien sûr, il était parfaitement adapté à la baie, et pendant quelques secondes, Lumi put revoir la Soledane de l'époque, avec moitié moins d'années de vie qu'aujourd'hui, énergique et inarrêtable. Une jument déjà talentueuse dont les capacités n'attendaient que d'être exploitées. Sa cavalière se souvenait encore de chaque minute de leur premier concours ensemble, avec ce filet alors flambant neuf, et de comment elles s'étaient classées avec brio, formant déjà un duo solide et harmonieux.
Sous l'air confus de la baie, qui s'attendait à aller travailler après avoir été équipée de la sorte, Lumi lui retira finalement l'objet, avant de lui offrir d'autres caresses.
-On était jeunes et libres à l'époque.», souffla-t-elle à la jument, avant de lui déposer un baiser sur le nez.
Lumi songea avec nostalgie au chemin parcouru depuis. Soledane avait pris sa retraite après une grande carrière et donné naissance à de merveilleux poulains. Quand à elle-même, elle avait développé l'élevage et eu deux magnifiques filles. Si Lumi n'avait pas encore de cheveux blancs, la jument commençait doucement à grisonner. Mais elle était encore vive et Lumi préférait profiter de chaque moment plutôt que se morfondre sur le passage du temps. Elle retourna donc à sa place, garda le filet abîmé mais à la grande valeur sentimentale, et continua son tri. Il lui fallut une bonne heure pour venir à bout du carton, heure ponctuée par quelques essais sur sa jument, qui jouait le jeu avec sérieux. Au final, Lumi parvint tout de même à réduire son effectif de filets de moitié. Seuls quelques-uns, inutilisables ou cassés, furent jetés, le reste mis de côté pour être vendus ou donnés. Avant d'aller ranger le tout, la jeune femme offrit une dernière caresse à sa jument, puis reprit le chemin de la sellerie.