Box de Element

Ces deux derniers jours, j'avais passé l'essentiel de mon temps au Haras où j'étais nouvellement inscrite. Il me fallait choisir une demi-pension, et mon indécision naturelle s'était avérée aussi gluante qu'une sangsue dans mes réflexions. J'ai pansé et approché près de la moitié des chevaux du club, en somme tout ceux qui m'inspiraient, questionné tout  les cavaliers de passages, demandé au personnel toutes leurs petites habitudes, leurs caractères, leurs manies... J'ai bien dû passer une journée et une nuit pour faire "un premier tri". J'avais toujours été cartésienne, écoutant plus la raison que le cœur, mais j'étais aussi capable d'écouter mon instinct, et tout particulièrement pour ce qui concernait de près ou de loin les chevaux... Mais là si j'avais écouté mon instinct, la quasi totalité de l'écurie serait à moi ! Ainsi, après réflexions, mon choix s'était arrêté sur deux chevaux qui sortaient du lot à mes yeux : Elément, un pie baie peureux et tendre aux yeux de glaces, et Diamant, une réformée de club désireuse de connaitre la chance d'avoir un cavalier fixe et à la robe galaxie, comme j'aime bien appeler les appaloosas. Si j'avais écouté ma tête et ma raison, c'est cette dernière qui aurait eu droit à la belle vie avec moi. Elle me correspondait en tout, parfaite pour mon gabarit, polyvalente, pas trop compliqué, et en plus super belle, moi qui étais fan des tachues. Et puis le courant semblait bien passer entre nous. Seulement voilà, l'ironie du sort, c'est que j'ai préféré écouté mon instinct cette fois ci (en général il ne se trompe pas, j'lui fais confiance), et j'ai choisis Elément. C'est officiel depuis ce matin, le bureau fermant avant midi j'ai du précipiter les choses en matière de paperasses et autre choses chiantissimes.

Physiquement, c'est beaucoup moins mon genre, n'ayant jamais été en extase devant les robes pies, quoi que toutes les robes aient leur charme ma foie... Et puis y'avait ses yeux bleus là, sur fond de tâche baie, presque noir, on ne voyait que ça. Et les yeux trops clairs chez les chevaux, moi je trouve que ça fait peur. Ca glace le sang, ça parcours l'échine, pour peu qu'on soit un peu émotif on se croirait dans un film, à la rencontre d'un cheval possédé par le diaaable ! Bon bref, celui-là en terme de bestiole à sabots, on a vu plus terrifiant. La directrice me le décrivait comme doux, sensible et timide au début, et ma foie c'est bien l'impression qu'il m'avait laissé. Elle m'avait aussi mise en garde sur un trait de sa personnalité moins visible au premier coup d'oeil, mais qu'on peut ressentir si on fait attention quand on est près de lui : sa peur de tout. Cet argument aurait du suffir a me convaincre de choisir Diamant. Ma seule histoire avec un cheval peureux s'était soldé au bout de quelques années par un terrible fiasco, et je ne voulais surtout pas ré-itéré les mêmes erreurs... Seulement voilà, ce nounours pie dont il fallait s'occuper, et qu'il fallait guider, avait réveillé mon éternel instinct protecteur, qui ne demandait qu'à être déterrer de son sommeil profond. Ses yeux bleus avaient tellement l'air de me dire "Sauves-moi de mes fantômes, aides-moi, guides-moi et aimes-moi", à chaque fois que je croisais ce regard dans l'écurie... Je me suis dis comme ça, d'un coup, a force de ressentir toujours ce même frisson indéfinissable en passant devant sa porte, que c'était moi la cavalière dont il avait besoin, et qu'il fallait que j'agisse. Me voilà donc bien rendu, avec un cheval de DP a m'occuper qu'au final je connais à peine.

Enfin bon, il faut bien commencer quelque part ! C'est en soirée, vers 18h alors que le soleil commençait a baisser et que l'air se montrait plus doux, que je décidais de lui rendre visite. Alors que j'approchais de son box, je l'entendis bouger dans la paille, aux aguets de mes pas et de mes intentions. Comme je suis parfaite et que je pense toujours a tout, je cherche au fond de ma poche de veste d'été les morceaux de carottes coupés soigneusement préparés ce matin. Quant c'est la rentrée et les bonnes résolutions, on fait toujours les choses bien ! Je tendis ma main ouverte au dessus de sa porte. Avec ma petite taille, c'est tout juste si je le voyais sans me mettre sur la pointe des pieds, mais je distinguais suffisamment de choses. Il était au fond de son appart 1pièce, me montrant une demi-fesse et me fixant avec des yeux exorbités, comme si il venait d’apercevoir le pape. Mais non mon vieux, ce n'est qu'une pauvre petite femelette toute démuscler et sans intérêt qui vient te voir ! Faut pas se faire trop de films hein... Comme si il lisait dans mes pensées (mais c'est surement plutôt dû à l'odeur alléchante de la carotte, dommage car c'est toujours flatteur de se laisser croire qu'on a juste trop le feeling avec les chevaux !), il tend les oreilles et s'approche de ma main. Il renifle longuement les morceaux de carottes en dilatant ses naseaux et finit par les lécher, comme un chat lècherait son arrière-train en toute élégance. On ne sait jamais, ça pourrait être empoisonné tout ça, autant prendre son temps... Enfin, il mange, et semble se détendre. En tout cas, il me laisse entrer dans sa propriété sans donner signe de désaccord.

Doucement, je le masse avec la brosse dur. Aussitôt il semble sursauter légèrement et me regarde avec encore ses yeux écarquillés. Chacun de mes gestes est épié avec la plus grande attention, je sens son corps sous tension... mais il se laisse faire sans broncher. Simplement un besoin de vérifier ma bienveillance, peut-être. Ou que l'objet que j'ai en main ne soit pas une bombe. Mais au bout de 5 minutes, il semble commencer a comprendre qu'une brosse, ba ça reste une brosse et qu'il est difficile d'y cacher un explosif dedans. Il finit même par se désintéressé de moi, et il entâme alors une longue mastication de paille, histoire de se détendre. Une fois finis les deux côtés, je fais une tentative pour brosser ses crins. Je déteste cette partie du pansage, nous autres humaines nous avons déjà bien assez a faire avec nos cheveux pour pas nous emmerder avec ceux des chevaux ! Mais bon là, cette crinière est clairement en pagaille depuis des lustres, un moment ou un autre il faudra bien remédier au problème alors, autant régler ça de suite. Quant il aperçoit le peigne, brusque levé de tête. Je rigole quant je vois pendouiller son brin de paille au coin de la bouche, avec son air tout béa c'est assez peu crédible... Mais à peine je commence a m'attaquer à sa crinière qu'il baisse la garde à nouveau, et rebaisse la tête pour reprendre cette activité passionnante qu'est le mâchonage de foin. Je sens que ça l'emmerde un peu plus quant je passe à la queue : comme par hasard, cette dernière restée strictement immobile tout le long du pensange, se met à bouger PILE quant je commence a brosser là. Mais quelle coïncidence ! Bon, je ne bronche pas, je vais pas faire ma chiante avec lui dès le départ. De toute façon, j'ai finis, alors je lui redonne des bouts de carottes, histoire qu'il remarque que je m'en aille, et lui parle en rangeant mes affaires.

- Bon et ben Elément, j'espère que tu m'as aimé, parce que tu vas être obligé ! Tu vas te coltiner bibi pendant toute une demi-pension, c'est à dire pendant... Ba c'est un CDI, contrat à durée indéterminée alors, bon courage ! Bon, je tâcherais de passer te voir dès que j'ai du temps libre... Ne m'oubli pas entre temps, ça serait dommage que tu ai peur de ta propre cavalière hein...

Alors même que je renouais tout juste contact avec les chevaux, et que je venais de signer les papiers pour avoir Elément en DP avec le Haras, un tas d'évènements s'étaient enchainés depuis le début de la semaine dans ma vie personnelle et m'avaient freinés pour venir aux écuries. Après une soirée plus qu'agité hier, je m'étais précipité au box d'Elément. Même si je ne le connaissais pas encore, j'étais sur de tout oublier en m'en occupant. Et ça tombait bien, ce matin j'étais largement assez en forme pour le prendre sous la selle. Pour ne pas le surprendre, je l'appelais avant d'entrer.

- Hey, salut Elément ! Motivé pour un peu de sport aujourd'hui ? On va débuter tout doucement... Viens mon grand.

Le pie sortit brusquement la tête du box en emportant avec lui une grosse touffe de foin qui tomba dans l'allée. Aussitôt qu'il me vit, il recula au fond du box, l'air agité. Avec une voix plus douce, je continuais de lui parler, en approchant l'air de rien. Il se laissa faire mais non sans coucher les oreilles. Après quelques chuchotements dans son oreilles, et des massages dans la nuque moyennement appréciés, je partit chercher mes brosses, en commençant classiquement par l'étrille sur son épaule, puis sa croupe, et ce des deux côtés, puis je passais le bouchon longuement, très longuement... A la brosse douce, il semblait enfin apaisé.

Je lui passais le licol pour le sortir du box et l'attacher devant. Je saisis le cure-pied et lui demande son sabot avant gauche. Bonne patte (c'est le cas de le dire !) il le donne tranquillement, sans s'appuyer. A l'arrière aussi, il est mignon et ne s'appuie pas trop. Je le caresse pour lui montrer mon contentement puis je vais chercher ses affaires dans la sellerie. Ici, même les tapis sont exclusifs à chaque cheval. Celui d'Elément est marron, ça va bien avec sa robe. Alors que je le sangle, il bouge, par désagrément je crois. Pourtant je m'y suis prise avec tact, il semble un peu chatouilleux.

- Holà grand doucement, y'a quelque chose qui t'as contrarié ?

Je vérifie quant même qu'il n'y ai pas de problèmes plusieurs fois car je trouve ça bizarre mais non, aucun quartier retourner, pas d'étriers qui pendouillent et tapent sur ses flancs... Bon... Je lui passe enfin le filet, où il est beaucoup plus "sage" que pour la selle, il ouvre même tout seul la bouche à la vu du mors. Je mets ma bombe et nous sommes parés pour nous rendre sur le terrain pour un peu de dressage tout les deux.

Aujourd'hui, c'est déterminé que j'arrivais en milieu d'après-midi vers les écuries, ma boîte de pansage fermement tenue à la main, telle une guerrière prête à en découdre. Avec la pluie qui m'avait imbibé dans le cours trajet entre ma voiture et les boxs des chevaux de club, ça faisait encore plus sérieux. Une gueule digne des films d'horreur, assombris par la tempête au dehors et le hennissement strident des chevaux... Non bon ok, l'écurie était plutôt calme, ils avaient tous l'air de piquer un petit roupillon, y compris le mien, Elément. Toujours au fond du box, il avait les yeux demi-clos, ne laissant apparaitre qu'une petite fente bleu qui s'ouvrit toute grande à mon arrivée à la porte. Ses oreilles laissés en arrières s'agitaient déjà, toute son attitude brillait l'intelligence...

- Oh oui mon beau, on va retenter notre chance ! J'espère que t'es motivé !

Je posais mes affaires dans le couloir, me saisis de l'étrille et abordait le pie par la gauche. Pour une fois, il était tout mou, même si mon arrivée avait déjà capté son attention de cheval qui a peur de tout. Sauf que cette fois, il ne prit pas la peine de me sniffer de partout et préféra se rendormir. Le laissant à son demi-sommeil, je poursuivais le pansage avec la brosse dur. Allez savoir pourquoi, aujourd'hui Elément avait décidé d'être sale, et si ses plaques baies passaient discrètement pour quelque chose d'assez correct, les parties blanches rappelaient bien que cette "propreté" n'était que vulgaire illusion. Du crottin, de la paille, il avait du se coucher juste après un passage toilettes... Je redoublais d'efforts pour faire partir tout ça en insistant sur le passage de sangle et le garrot.

- Boudiou, t'aurais pas pu rester propre, comme tu fais d'habitude ? T'es quant même bien cracra là !

En lui râlant dessus (en toute amitié bien sur), je passais au cure-pied. D'habitude je préfère sortir le cheval du box, mais vu l'état des choses, j'en étais pas à ça près. Un nettoyage du box s'imposait de toute façon aujourd'hui, mais ça attendrait la fin de notre séance. Je soupirais en voyant toute cette masse de crotins tomber pour laisser, enfin, apparaitre la fourchette de mon bel équidé. Au moins, il était sage et donnait bien les pieds. Je partis à la sellerie chercher le meilleure tapis, le même marron que l'autre fois en fait, et commença a le sangler en vérifiant bien que tout soit en place, pour ne pas qu'il se fasse mal. Agité de la même façon que l'autre fois pour le sanglage, je crois juste qu'il n'aime pas ça. Il gonfle d'ailleurs pas mal le ventre, mais je finis par y arriver. Je finis de me préparer, mets ma bombe, et au dernier moment, je lui met le filet pour l’emmener dans le manège...

Assez fatiguée, j'avais quant même bien envie de monter mon beau Elément aujourd'hui, et j'avais décidé de l'essayer un peu à l'obstacle. Un concours de dressage se préparer au sein du haras, je ne savais pas si j'allais y participer mais ça me ferait une bonne excuse pour sauter avant de m'entrainer sérieusement sur le plat. Mon etit pie commençait a me reconnaitre maintenant quant je venais le voir, a force de passer presque tout les jours ne serait-ce que pour le sortir au pré. Car pour le monter, j'avais un peu moins de temps, mais il fallait que j'en profite un peu avant la rentrée. Il ne couchait plus les oreilles maintenant quant j'approchais, et ne se terrait plus au fond du box en me voyant.

Il restait plus ou moins indifférent ou, parfois, se montrait un peu curieux et se plaisait a laisser sa tête contre moi, juste comme ça, sans rien faire. Il était vraiment trop mignon. En plus aujourd'hui, il était déjà presque tout propre. Je me contentais de passer un coup de bouchon sans le reste, et de "brosser" ses pieds avec les poils du cure pied, pour enlever la paille et le peu de saleté qu'il avait sous les sabots. Bon, toujours aussi chiant au sanglage, il essaya quand même de me mordre mais c'était du grand bluff, alors je fis comme si de rien était en sachant maintenant qu'il ne me mordrait pas. Je lui enfile le filet et hop, c'est partit pour un petit tour... dehors ! Oui oui, on ré-essaye...

Depuis ma rentrée du 1er octobre, j'avais été débordé par toute la paperasse administrative que cela nécessité, et donc je n'avais pas pu m'occuper dignement de ma demi-pension, Elément. J'en étais sincèrement attristée, il me manquait ce bon vieux pie ! Mais enfin j'étais en vacances, et je profitais de ce premier week end pour accourir aux écuries. Il était bien là, en mode "demi-sieste" dans son box spacieux et douillet. Il sembla regagner en intérêt et en énergie quant j'entrais pour lui gratouiller l'encolure. Il dressa les oreilles et ouvrit ses yeux tout en grand. Il me snifait de partout, c'était super mignon, et il ne semblait même pas craintif : il se souvient de moi le loulou, ouf !
Je lui donne un petit bonbon à la pomme et je prépare Elément en le brossant bien partout, avec vérif des pied et tout ce qu'il faut pour qu'il se détende bien sans s'endormir ! Je l'arnache et c'est partie pour le manège.

Aujourd'hui, pas le temps de monter, mais je voulais vraiment rendre visite à mon pie, alors je ne me privais pas pour faire un saut au Haras de Pado ! A l'heure où j'arrivais, le soleil commençait à se coucher, et je voulais en faire profiter Elément. J'entrais dans son box, il réagissait maintenant avec un certain enthousiasme à mes visites puisqu'il commençait a me connaitre et s'habituer à moi. Je lui passais le licol pour le faire sortir de l'écurie, et là je sentais le stress revenir un peu en lui. Ah ba oui c'est sur que dehors c'est moins sécurisé que le box ! Alors qu'il scrutait les alentours, je le fis marcher jusqu'au cross, à 5 minutes du Haras. Là-bas, j'attendis qu'il se détende et qu'il broute. Monsieur mis un certain temps a se décider, plus inquiété par son environnement qu'attiré par sa gourmandise, mais comme j'étais là pour surveiller, il finit par céder à la tentation XD Moi, je profitais de l'instant et de ce soleil couchant avec mon cheval... Lorsque le soleil disparu derrière le plus petit des bosquets, je commençais a rentrer : dans 10 minutes il ferait nuit, juste le temps de le remener aux écuries, lui curer les pieds en vitesse avec coup de brosse et hop, dodo !