△ Le domaine des Doges.

L'allure des rois

#4 Krampus & Toi
Débourrage (2/3) - longer aux trois allures

☾☾ La porte s’ouvre sur ce qui sera, le temps d’une séance, votre arène. Krampus se redresse. La tête haute et les oreilles tendues, son regard sans fond semble s’embraser. Il est prêt à en découdre mais tu ne sais pas encore s’il t’a désignée toi comme son ennemi ou s’il en veut tout simplement au monde entier. Tu hausses les épaules et tu fais simplement pression sur la longe. Le mâle te suit et s’engouffre dans le rond de longe. S’il balaye les lieux de son regard sombre, il ne semble pas plus inquiet que cela. Tu souris et, vocalement, tu le félicites. Tu marches un tour à ses côtés. Comme lorsqu’il était encore poulain, tu marques plusieurs fois l’arrêt et tu répètes l’exercice jusqu’à ce qu’il accepte ton autorité sans te provoquer. Tu flattes finalement son encolure et tu le ramènes au centre du rond. Tu vérifies une dernière fois son sanglage et enfin, tu enfiles tes gants.

L’heure des comptes semble avoir sonné. Tu restes bien au centre du rond et tu l’envoies sur la piste. Vif, le bel Hanovrien noir ne se le fait pas dire deux fois. Il marche bien, même un peu trop rapidement. Tu agis le moins possible et tu te contentes de lui parler doucement. Il précipite un peu ses foulées mais, après quelques tours à marcher, il se détend de lui-même. Il redescend dans son attitude et ses naseaux sont enfin orientés vers la piste. Tu souris et félicites. Tu le laisses marcher ainsi quelques minutes, la chambrière tout à fait baissée. Elle le suit de loin, se confondant presque avec le sol. Tu l’invites alors à prendre le trot, toujours à la même main. Provocant, Krampus joue au sale gosse. Il rentre soudainement sa croupe vers l’intérieur et jette deux belles ruades. Tu sais qu’il joue avec toi : il ne le fait pas par violence ni parce qu’il veut réellement en découdre. Il te montre simplement qu’il estime que tu n’as pas autorité sur lui.

Tu souris, carnassière. Avec fermeté, tu le remets dans le droit chemin. Le mâle résiste une ou deux fois mais avec toujours moins d’assurance. Il ne le sait pas encore mais il commence d’ores et déjà à perdre la bataille des apparences. Tu le connais sans doute mieux qu’il ne le voudrait. Krampus se remet finalement en ordre de marche et tu obtiens un trot régulier et généreux. C’est ce qui fait ta force : tu as comme un don pour désarmer les chevaux que tu rencontres et, surtout, tu ne t’énerves jamais. C’est un peu comme si, au-delà de Krampus lui-même, tu respectais le peuple cheval dans son ensemble. C’est ce qui te retient, à chaque fois, de mal agir. Et toi, tu ne cèdes jamais aux faiblesses de l’âme humaine lorsque des équidés sont en jeu. C’est ce qui est étonnant. Tu saccages ta vie sociale et affective mais tu parviens à tisser des liens étroits avec ces étonnantes créatures. Tu n’étais peut-être pas faite pour cette vie ni pour ce monde, finalement.

Krampus trotte bien et peu à peu, il se sent plus à l’aise. Il se déplie et avance ses membres loin devant lui. Il semble prendre ses marques et bientôt, il enroule son encolure, prêt à bondir. Tu tends fermement la longe et à l’aide de ta voix, tu l’invites au calme. Le mâle secoue sa jolie tête presque trop bien dessinée. Tu souris et ton regard se braque sur son corps. Cette fois, tu contiens ses démons. Tu le laisses trotter jusqu’à ce qu’il retrouve une allure calme et posée puis tu le remets au pas. Tu le laisses s’arrêter de lui-même et tu le rappelles à toi. Il se montre hésitant et résiste pour la beauté du geste. Tu ne te démontes pas. Tu n’es pas pressée et cela mettra le temps qu’il faut. Il cède le premier, agacé de cet attentisme. C’est encore une victoire. Petite, mais une victoire tout de même. Tu le caresses furtivement et tu changes la longe de côté puis tu le renvoies sur la piste.

Cette fois, tu le fais marcher un peu moins longtemps et tu l’invites à prendre le trot. Le mâle avance bien mais ne résiste pas à la tentation cette fois. Il lance deux joyeuses cabrioles et ne résiste pas à la tentation de galoper mais il rencontre alors ta main. Ta réactivité l’agace mais il se fait étonnamment respectueux. Tu dissimules ta surprise. Tu le cernes de mieux en mieux et tu devines que le mâle aime apprendre. Tu pourras t’en servir pour contre-carrer son sale caractère. Tu le fais trotter de belles minutes mais comme il est encore jeune, tu préfères ne pas tirer de trop sur son corps.

Avant de le galoper, tu lui proposes de repasser au pas pour souffler un peu. D’autres ont utilisé le rond et un slalom a été monté sur les lignes droites. Tu souris : c’est le moment de s’amuser un peu. Tu laisses deux mètres entre Krampus et toi. Doucement, tu l’invites à prendre le pas. Il te regarde longuement, se demandant sans doute pourquoi tu te tiens si proche. Il avance droit sur le premier plot. doucement, à l’aide de ta chambrière que tu gardes baissée, tu le pousses vers l’extérieur. Tu n’as pas besoin de le toucher : il dégage promptement ses épaules lorsqu’il devine l’esquisse de son geste. Tu le laisses franchir le plot puis tu l’invites à se rapprocher de toi. Il se tend un peu et résiste mais pas bien longtemps : ta patience a encore une fois raison de lui. Tu souris, satisfaite. Vous répétez ainsi l’exercice pour passer les plots suivants. Il se dissipe un peu sur la fond et s’arrête devant l’avant-dernier obstacle. Gauche ? Droite ? Il semble te tester. Il porte en lui quelque chose d’arrogant. Mais de nouveau, il fait face à ta solide patience.

Vous vous en sortez finalement. Ce n’était pas des plus fluides mais ce n’est pas horrible non plus. De toute évidence, vous n’allez pas vous lancer dans l’équifeel demain. Tu souris et tu t’approches de lui afin de le caresser. Il semble étonné d’une telle attention et tente de n’en rien montrer. Ton rire cristallin s’élève alors. Il tend ses oreilles en avant mais les rabat immédiatement. Il n’aime pas montrer qu’il lui arrive d’être heureux. Serait-il aigri avant-même d’avoir entamé sa vie ? Tu soupires et hausses les épaules. Tu es sûre qu’un coeur énorme se dissimule sous ce paquet de colère. S’il n’éclot pas avec toi, il se donnera à un autre cavalier. Après tout, seul compte son bonheur à lui. Toi, tu as déjà connu le cheval de ta vie et il n’est plus.

Ton visage s’assombrit et tu rejoins de nouveau le centre du rond. Krampus doit sentir ta nervosité. Il se remonte et s’agite un peu. Le départ au galop est brutal et le mâle lance ses antérieurs furieusement en avant de lui. Il explose en plein vol : il bondit avant de donner de violents coups de reins. Il semble plein de colère et inarrêtable. Tu ne prends pas peur : il ne se rapproche à aucun instant de toi. Tu renonces à te battre contre lui : tu sais que cela ferait plus de dégâts qu’autre chose. Tu tentes de le canaliser et de l’éloigner des parois du rond afin qu’il ne se blesse pas de façon idiote. Les secondes te semblent interminables mais, enfin, le noiraud cesse de lui-même, fatigué de son propre comportement.

Tu soupires, soulagée. Tu l’invites à rester au galop. Cette fois, sa cadence est plus régulière. Il te laisse entrevoir de belles allures. Jeune hanovrien, il avait reçu la visite du Stud-book allemand lors de leur tournée estivale et avait obtenu de très belles notes, ce qui lui promettait un avenir tout tracé. Tu souris : ces gens se trompent rarement. Véritable écrin noir, Krampus galope déjà avec manière. Il a beau n’être qu’au début de sa vie, il a bien conscience de lui et de son corps, ce qui est agréable. Tu souris enfin, tu l’invites à repasser au pas. Vous changez une ultime fois de main. Cette fois, le bel étalon prend le temps d’entrer dans son galop. Sa foulée est régulière et il se montre calme. Tu souris, satisfaite. Tu équilibres le travail puis tu le laisses redescendre doucement dans les allures.

Tu le rejoins et le caresses puis vous marchez côte à côte. Les naseaux dilatés, Krampus respire un peu fort. Il a fourni un bel effort et tu ne peux pas le nier. Pour la première fois depuis bien longtemps, le mâle marche à tes côtés les oreilles tendues, comme si toute sa colère s’était enfin évanouie. Tu en profites pleinement : tu le connais trop bien désormais pour te laisser berner. Ce n’est qu’un instant de faiblesse et il retrouvera bien vite sa naturelle hostilité. Néanmoins, ton coeur se serre : tu ne peux être que touchée de ce qui ressemble à un instant de grâce dans votre tumultueuse relation.