Carrière - Touns

En avance sur ton cours, tu en profites pour faire le tour de la propriété au pas. Sur l'oeil, Désirée a du mal à garder cette allure, le moindre bruit ou mouvement la fait sursauter. Habituée à fouler le sable de luxe des carrières du domaine, tu te rends compte que la baie ne connait pas grand-chose d'autre. Tu tentes d'abord de la rassurer par ta voix, mais cela semble la tendre davantage, alors en désespoir de cause, tu fermes tes doigts. L'effet est immédiat, elle se met debout et fait demi-tour. Tes jambes s'enfoncent dans ses flancs, elle te répond par un coup de cul particulièrement violent. Te laissant gagner par la frustration, tu te perds dans tes aides et elle se met à reculer, tu comprends alors que tu n'obtiendras rien d'elle. Capitulant finalement, tu bifurques sur la gauche, afin de rejoindre ce qui sera votre piste de travail pour aujourd'hui. "Pfff, elle est belle la jument de complet !"

Appliquée, Désirée se met directement sur la main, tu la détends aux trois allures en obtenant déjà de très belles choses. Au galop à gauche, tu rencontres les difficultés habituelles, mais pour une fois la belle y met vraiment du sien, te pardonnant même certaines imprécisions. En équilibre, tu profites de ses foulées, en E, tu la lances sur un demi-cercle de vingt mètres, puis tu la repasses au trot en B. Dans un sourire, tu lui offres une gratouille au niveau de l'épaule. "J'ai compris, les balades ce n'est pas ton truc." Là-dessus, vous vous rejoigniez, tu préfères mille fois les sensations que l'on peut ressentir en carrière. Surtout dans le cas d'une relation fraîche comme celle-ci, lorsqu'un déclic ce produit et que tu parviens à comprendre un peu plus le fonctionnement de ta binôme. Perdu dans tes pensées, tu n'entends pas ta coach arriver. Elle laisse une barre tomber au sol, ce qui te fait sursauter. Intrigué, tu jettes un oeil à ce qu'elle est en train de vous préparer.

Un carré, tu comprends alors que vous allez faire l'exercice du trèfle à quatre feuilles. Cela t'est familier, mais tu ne protestes pas, car ce n'est pas gagné d'avance avec Désirée. Tu vas devoir jongler avec son foutu caractère et te montrer plus précis que jamais. Tu décides d'abord de lui présenter les barres au trot, elle a un mouvement d'hésitation auquel tu n'étais pas préparé, de ce fait tu perds légèrement l'équilibre. "De l'activité Adrien !" Rigolant de ta propre gaffe digne d'un débutant, tu t'exécutes. La baie passe avec souplesse et rebond, derrière, tu pars à main droite et reviens dessus, en soignant bien ta courbe. Puis tu répètes le schéma, jusqu'à dessiner un trèfle complet. Afin d'éviter cet effet anguille que peut parfois avoir la jument, tu gardes du mouvement en avant, en l'entretenant de façon discontinu avec le bas de ton corps.

Katarina a peu de commentaire à faire. Pour une fois, la séance se déroule bien. Avec Désirée vous vous comprenez , elle se laisse même prendre au jeu et t'assène des coups de cul de joie dans chaque tournant, sans pour autant changer de pieds. Le jour où tu as essayé la baie, elle t'a procuré beaucoup de sensations et cela n'a fait que s'accentuer par la suite, mais c'est la première fois où tu ressens un réel plaisir en la montant. Submergé par l'excitation, tu précipites la belle lors de son passage suivant. Prise au dépourvu et ne sachant pas vraiment comment se dépatouiller de ça, elle bondit en avant en frappant le sol de ses postérieurs. La blague ne lui a pas plu, elle rentre sa tête entre ses antérieurs et te flanque un coup de dos. De son côté, ta coach te le fait payer en te hurlant dessus, ce qui ne fait qu'accentuer son accent allemand.

Sur les passages suivants, tu dois te redresser à la sortie de tes tournants et jouer dans tes doigts, afin que Désirée t'attende. Elle ne pardonne vraiment rien celle-là... En passant à l'autre main, le calme revient, mais peut-être est-ce davantage lié au fait qu'elle fatigue. Les traces de vos nombreux passages commencent à se dessiner dans le sable. Sous toi, tu sens l'animal qui cale, tu claques de la langue et elle s'anime de nouveau, difficilement. Cet exercice lui coûte, il y a encore un long chemin à faire avant qu'elle soit vraiment bien dans son corps et qu'elle gagne en endurance. Toutefois, comme le souligne Katarina, il y a vraiment du mieux entre vous deux, c'est ce qu'il faudra retenir le plus de cette leçon. Dans un sourire satisfait, tu t'éloignes au pas, en caressant son encolure humide.

Hier soir, tu as préparé un reprise dans ta tête. Quelque chose sans prétention, histoire d'apprendre encore un peu mieux le fonctionnement de ta binôme. Avant de troquer ton habituelle selle mixte avec celle de dressage, tu prépares la jument. Tu la bouges un peu à la longe, afin d'échauffer son dos et surtout pour qu'elle puisse vider son jus. Cela s'avère être une bonne idée, car aussitôt en piste, elle part à fond la caisse dans des ruades impressionnantes. Ton épaule est malmenée, mais tant qu'elle ne se met pas en danger, tu préfères la laisser faire. Tu ferais surement la même chose si toi aussi tu étais enfermé dans un dix mètres carré toute la journée.

Montée, elle se plonge rapidement dans le travail. Tu conclus rapidement sa détente. Tu es piste à main gauche et fais ton entrée en A au trot enlevé. En X tu te grandis, Désirée s'arrête immédiatement, tu la sens bouillonner sous toi, mais elle parvient à tenir pendant trois secondes. Tes talons reculent un peu trop lors du départ, la jument couine et part dans un trot un peu fort. Tu restes assis dans ta selle, en faisant bien descendre tes longues jambes. Tu contractes tes abdos et te concentre sur ta respiration. À main droite ce coup-ci, la belle cale son allure en fonction de tes expirations. D'un mouvement de tête, elle te ramène à l'ordre, tu desserres alors tes doigts, ainsi la danse peut commencer.

En R, tu te lances sur un cercle de douze mètres. Ta jambe interne reste à la sangle, tandis que l'externe se tient prête à intervenir si jamais la baie décide de faire l'anguille. Ensuite, tu fais un doublé dans la largeur jusqu'à E, puis en V tu refais le même cercle. À cette main, ses hanches sont plus fuyantes, mais tu corriges cela assez facilement, sans pour autant froisser ta partenaire. En A, tu prends le pas, tu en profites pour offrir une caresse à la jument. De F à X tu pars sur une cession à la jambe. Elle fuse, tu freines immédiatement son épaule gauche. Tu tiens ta rêne droite du bout des doigts et vous avancez ainsi petit à petit.

Lorsque tu la redresses de X à I, c'est un soulagement, tu la sens se détendre sous toi ou alors est-ce plutôt parce que tu étais en apnée? Tu fais ensuite une petite diagonale jusqu'à M. En C, tu reprends le trot assis et te lances sur une serpentine à quatre boucles. Tu te foires littéralement sur le tracé de la première, Désirée fait claquer sa queue et ronfle de mécontentement. Tu te ressaisis en te rattrapant sur les trois autres. Tes abdos commencent à te faire souffrir, voilà longtemps que tu n'étais pas resté assis en selle aussi longtemps. En A, tu repasses au pas, brève pause avant de reprendre votre danse.

Nouveau contre-changement de main, cette fois-ci, vous vous appliquez beaucoup plus. Tu devines un beau croisé d'antérieurs chez ta partenaire. En C, reprise du trot assis, puis en M tu viens chercher l'allongement dans ta diagonale. Désirée monte haut son garrot, tu te fais brasser et cela t'arrache un immense sourire. Voilà le genre de sensations pour lesquelles tu vis ! En K, tu repasses au pas, en A tu demandes le galop, mais elle part à faux. Tu replaces tes aides et redemandes, elle change de pieds immédiatement: "C'est bien fille." De B à E tu fais un demi-cercle de vingt mètres, tu joues dans tes doigts, cela ne suffit pas et tu obtiens le trot un peu après V.

Bien en appui sur son mors, Désirée te met plus en mal physiquement qu'à son habitude. Lorsque tu reprends ta diagonale en F, tu te jettes en arrière dans ton assise, afin d'encaisser son allongement. Elle ronfle et te tracte en avant, gardant, malgré tout, une grâce qui lui est propre. Anticipant ta demande, elle prend le galop à droite en C. Puisque vous arrivez sur la fin, tu décides de vous soulager tous les deux et de te mettre en équilibre. Vu ta longueur d'étriers, cela n'apporte pas grand-chose, néanmoins cela semble convenir à ta binôme qui se montre particulièrement assidue sur son cercle de vingt mètres demandé en R.

De retour en R, tu transitionnes au trot assis et en B tu fais un demi-cercle de dix mètres. En X, vous tracez tout droit jusqu'à I, où tu demandes l'immobilité qu'elle te donne bien volontiers. Particulièrement fier d'elle, tu lâches tes rênes et lui étreins son encolure humide. Elle souffle, puis se secoue, elle n'est pas habituée à ce genre de démonstration, tu n'es pas sûre que cela lui plaise vu la position de ses oreilles. Cela ne fait qu'accentuer ton amusement: "Foutu caractère va !" Elle ne t'aura pas, car tu as bien compris que sous tout ça se cache un coeur énorme. Tout compte fait, vous ne vous êtes peut-être pas trouvés pour rien...

Elle galope à fond, tu n'arrives pas à la canaliser, tu ne l'as jamais vu comme ça, elle a même réussi à faire fuir les deux derniers cavaliers de la journée. En désespoir de cause, tu tires les rênes vers toi et donne des coups de haut en bas. Ton père te hurle des instructions, cela t'agace davantage, car tu ne l'entends pas. Tu mèneras ce combat seul. Se faire cisailler la bouche ne plaît guère à ta binôme, elle prend appui sur son mors, puis cale sa tête entre ses antérieurs et part en ruade. Dès qu'elle parvient à te désarçonner, elle tente de te mettre par terre à l'aide d'un coup d'épaule bien placé. Malgré toi, tu te mets en apnée, elle va finir par gagner... La seule solution est qu'elle se fatigue avant, mais te sentir en faiblesse semble lui donner un regain d'énergie. Elle bondit en l'air, tu perds un étrier, aussitôt au sol elle saute de nouveau. Tu réattéries sur son encolure, qu'elle baisse immédiatement, tu tombes alors à plat.

Les naseaux froncés, ses yeux lancent des éclairs, elle ronfle tel un dragon et s'éloigne en donnant des coups de cul. Les larmes aux yeux, plus par orgueil, qu'à cause de la douleur, tu te relèves en regrettant amèrement de ne pas avoir de cravache avec toi. Ce qui est sûr, c'est qu'elle va le payer ! La baie te regarde avec son oeil de vache, soufflant dans ta direction, elle n'a peur de rien. Intérieurement, tu bouillonnes, dans ta tête tu visualises déjà la sanction, mais quelqu'un rattrape la jument avant toi et ça te stoppe net. Katarina. Son regard en dit long, honteux, tu le fuis. Ses yeux balayent la scène, s'attardant un instant sur ton père, puis te dis d'un air sévère, accentué par son accent allemand: "En selle." Mâchoires crispées, tu as envie de protester, mais elle pose une main sur ton épaule, la sert. D'un coup, tu es libéré de toute tension, en silence, vous vous comprenez, tu hoches la tête et mets un pied à l'étrier.

Désirée est toujours remontée, hors avec les conseils de ta coach, tu parviens à la garder aux ordres. Volontairement, tu évites le coin de carrière où se situe ton père, jusqu'à ce que lancé au galop, tu n'es plus le choix que d'y passer. En équilibre, les mains en avant, la jument allonge ses foulées, puis à proximité du fauteuil roulant, elle te fait un écart si violent, que tu passes à deux doigts de te faire désarçonner à nouveau. Ton aîné fait une remarque, tu ne prends même pas la peine de l'écouter, préférant plutôt te replonger dans ton exercice, comme-ci de rien n'était. Katarina positionne deux barres au sol, placées à dix-neuf mètres l'une de l'autre. Sans difficulté, tu passes dessus en quatre foulées. Ta détente ayant été totalement loupée, tu reviens dessus à plusieurs reprises et aux deux mains. Désirée est de meilleure composition, toutefois, elle reste très nerveuse. "Elle ne te pardonnera rien aujourd'hui, alors oublie là et concentre-toi sur toi."

Redressé, tu la gardes dans un petit galop. Elle proteste en donnant des coups de tête, tu soupires longuement, mais la femme au milieu de la carrière te ramène à l'ordre. "Moins de mains !" Encore une fois, l'erreur venait de toi, tu desserres tes doigts. La belle parcourt la distance en cinq foulées. Tu la félicites, en lui grattant brièvement l'épaule. Dans une demi-volte renversée, tu entretiens son galop et lui demandes de changer de pieds. C'était ambitieux, toutefois ta binôme capitule. Elle souffle, cela lui a coûté, mais demandé de la bonne façon ça passe mieux. À main gauche, le contrat est aussi remplie. Ensuite, tu mets plus de train pour le tenter en trois foulées. Dans ta tête, il n'y a aucun doute, la jument est un avion de chasse. Ses pieds tapent fort le sol, elle avale la distance sans problème, bien que ses postérieurs viennent frapper fort contre la barre.

Katarina est plutôt satisfaite de votre séance, bien sûr, elle évite de reparler de son arrivée, il a toujours été dans sa politique de retenir que le positif. Elle te propose de sauter un vertical, pour voir comment la jument se comporte. Pour ce premier passage, tu préfères te présenter au trot, mais en arrivant au niveau de la barre d'appel, Désirée passe à l'allure supérieure. Pris de court, tu te fais devancer et nous fais un magnifique "taxi". Puisque la hauteur est bien en dessous de ce que ta partenaire saute habituellement, la barre reste dans ses taquets. Décidé, tu reviens, bien en appui sur tes pieds. Avec tes doigts, tu pianotes et lui demande de t'attendre. Cela n'amuse guère la baie de devoir garder le trot, sa queue fouette les airs de mécontentement. Elle saute plus fort que nécessaire, tu t'y étais préparé et ce coup-ci tu l'accompagnes à merveille.

Cela ne fait aucun doute, Désirée est contente de retrouver les barres. Vous restez sur cet obstacle isolé, ayant comme seul objectif de l'amener dans les meilleures conditions. La canaliser n'est pas une mince affaire, Katarina monte de cinq centimètres après chaque passage, alors la jument se prend au jeu. Tu es sorti de ta zone de confort, puisque ta partenaire est clairement mieux dans son corps, ta coach vous fait sauter plus haut que ce que tu n'as jamais fait avec elle ou avec qui que se soit d'autre. Montée sur ressors, l'hanovrien ne recule devant rien. Les oreilles en avant, elle ne montre aucun signe de faiblesse, elle saute sans se poser de question et avec autant d'aisance que si tu n'étais pas là. De ton côté, tu essayes de suivre, tant bien que mal. Le mètre trente est dépassé, Désirée te prend la main, elle te mènera de l'autre côté, coûte que coûte. "Oh là, attend-moi !" Tes mains s'avancent dans sa crinière, tu te lèves de la selle, elle fait une touchette, mais la barre reste en place. Emerveillé, tu caresses l'encolure de la baie avec frénésie, ton coeur bat à dix mille, ton sourire est contagieux, voilà de quoi finir sur une bonne note.

Tu fouilles dans les affaires qui ont été vendues avec le noir. En positionnant la selle sur son dos, tu te rends compte qu'elle n'est pas du tout adaptée, elle lui compresse complètement le garrot. Tu lui mets alors la tienne, qui s'en forcément être mieux pour lui, le sera pour toi. Les selles de dressage peuvent rapidement devenir des engins de torture si on ne fait pas gaffe, il faudra que tu appelles un saddle fitter par la suite. Pour ce qui est de la bride et du Pelham, tu ne prends même pas la peine d'essayer. Tu tiens déjà à voir comment il se comporte avec un filet simple et quelque chose de plus doux pour sa bouche. Tu n'as pas grand-chose en 135, alors tu te contenteras d'un mors à olives en cuivre pour aujourd'hui. Comme avec toutes tes montures, tu ne le ressangles pas de suite. Tu pars d'abord faire le tour de la propriété en main.

Fidèle à son attitude de la veille, Black Moon se révèle être un ange. Rien ne semble le perturber, pas même les ouvriers qui sont en train de débiter un arbre mort. Des pensionnaires l'appellent, en tant qu'entier tu t'attends à ce qu'il leur réponde, mais c'est à peine s'il leur jette un coup d'oeil. Tu restes perplexe, car aussi sein d'esprit soit-il, ce comportement te paraît relativement inquiétant, il reste un animal, ce n'est pas normal qu'il ne démontre rien de la sorte. Tu n'oses pas en parler à Adam, cette nouvelle recrue est encore un sujet trop houleux. De plus, tu sais déjà ce qu'il te dirait: "Ne t'inquiètes pas, il est juste froid, puis il vient d'arriver." Au montoir, il ne bouge pas plus, tu te hisses sur son dos en toute souplesse et légèreté et tu te diriges vers la carrière.

Dès l'instant où les sabots du noir touchent le sable, il se plonge dans le travail, ramenant fort sa tête contre son poitrail. Dans un froncement de sourcils tu ouvres tes doigts et laisse courir tes rênes au maximum. Ta main frôle son épaisse encolure "Calmes-toi, on n'a pas encore fait de détente...". Rapidement, tu saisis que Black Moon n'est pas à mettre dans les mains de n'importe qui, très sensible, il réagit au quart de tour à tes demandes, les anticipant même parfois. "Tu n'es pas si froid que ça finalement." Tu le gardes rênes longues, afin qu'il mette son nez vers le bas, mais c'est un code qu'il ne semble pas connaître. Les rênes flottantes l'agacent, il donne des coups de tête, cherchant désespérément le contact. En ligne droite, tu n'obtiendras rien, alors tu tentes de l'avoir sur un cercle.

Il a un mental de guerrier, il ferait un excellent partenaire sur les carrés de dressage. Le problème, c'est que tu ne veux pas entendre parler de ça. Dans l'immédiat tu cherches une solution pour ton idiot de mari qui souhaite en faire un cheval de western. Au pas, le noir commence enfin à comprendre, il étend son dos sur quelques mètres. Tu le félicites, puis tes talons viennent frôler ses flancs. Il lâche un grognement et bondit en avant. Exaspérée, tu secoues la tête, tes mains font poulie avec les rênes. Il a encore plus de mal à te le donner, ton cercle se fait de plus en plus petit. Black Moon ne comprend pas où tu veux en venir, il commence à perdre patience, il s'arrête net et commence à reculer. Tu ne rentreras pas dans son jeu, tu te fais absente, jusqu'à ce qu'il se punisse tout seul en tapant ses fesses contre la barrière en bois.

Tu le mets en avant et caresses en félicitant dès que son nez plonge vers le bas. Il mâchouille son mors, commençant enfin à se décontracter. Dans un coin, tu demandes le galop, aussitôt, il replonge dans son travers et s'enferme complètement. Ta jambe vient le chatouiller, afin qu'il pousse sur ses postérieurs. Continuellement dans la retenue, il n'arrive pas à allonger plus de deux-trois foulées. De nouveau, tu soupires, heureusement il n'a que quatre ans, donc rien n'est irréparable, mais le boulot n'en reste pas moins assez conséquent. D'autant que tu es en train de casser des codes qu'il faudra réinstaurer par la suite... Rênes longues, tu n'as aucun contact dans sa bouche, de lui-même il vient le chercher, allongeant son encolure sur presque une longueur de carrière. Tu le repasses au pas et le caresses longuement, ça sera tout pour cette fois. Des séances courtes, mais régulières seront la clé du succès avec lui, tu en es persuadée.

Les mains légèrement levées, tu joues dans tes doigts, afin d'inciter ta monture à garder sa nuque plus haute. Voilà quelques séances où tu répètes les mêmes gammes. Black Moon a rapidement compris où tu voulais en venir, mais il retombe rapidement dans ses vieux travers. Tu es toujours à la recherche du mors idéal, aujourd'hui tu as opté pour un double brisure en cuir. Tu es assez contente du résultat, ton binôme semble plus détendu dans sa bouche, il le traduit par de nombreux mâchouillements. Tu repasses au pas, la transition se fait brusquement, immédiatement le noir ramène sa tête contre son buste. Tu le stimules, une jambe après l'autre, puis lèves ta rêne extérieure. Tu n'as pas besoin de mots avec lui, il est assez intelligent pour réfléchir par lui-même.

Oreilles à moitié en arrière, l'entier reste focus, ce que tu lui demandes lui coûte, mais il ne rechigne pas, tu as rarement vu un cheval de cet âge avoir autant la niaque. Tu comprends de mieux en mieux son fonctionnement et tu dois avouer qu'il n'est pas de tout repos à monter. Il faut sans arrêt le garder en action, il n'est vraiment pas à mettre dans les mains de n'importe qui. Tu conserves la poussée de ses postérieurs, ainsi Black Moon se montre léger dans son avant-main et tu t'aventures sur de nouveaux terrains. Dans une diagonale, tu demandes l'allongement dans son trot. Si le sable ne s'envolait pas sur son passage, on ne devinerait pas que ses pieds touchent le sol. Son dos se mouve avec grâce, tu ressens des sensations depuis longtemps oublié. Dans le tournant, tu le ramènes au trot moyen, de nouveau il cherche à s'enfermer, mais dans un claquement de langue tu l'en dissuades.

Tu jongles entre les différentes allures, le pas restant son pire ennemi. Parfois, il se braque, faisant mine de ne pas comprendre, mais tu restes de marbre. Au galop rassemblé, tu pars sur une volte de vingt mètres, il ronfle, sa queue fouette les airs, il sait que tu ne laisseras rien passer. Tu as conscience que c'est difficile, cette méthode de travail est encore nouvelle pour lui, mais plus vite tu refourgueras le bébé à ton mari, mieux ça sera. Vous retombez dans l'allure inférieure, l'entier à un mouvement de tête vers le bas, mais immédiatement il se heurte à tes mains. Arrêt, au pas et de nouveau le galop. Tu ne lui laisses aucun répit, privilégiant une constante mise en avant. Dans l'ensemble, Black Moon est bon élève, tu en connais plus d'un qui t'auraient déjà envoyé paître. De l'écume s'est formée à la commissure de ses lèvres, son encolure est trempée, tu te rends compte qu'une bonne heure s'est déjà écoulée.

Rênes longues, tu le laisses galoper une dernière fois. Son nez plonge vers le bas, il étend son dos et tu ne peux lui en vouloir. De ton côté, tu tentes de lui soulager au maximum en restant en équilibre, enfin autant que le permet la selle de dressage. Fière de son attitude, tu lui offres une gratouille à l'épaule, puis le passe au trot. Tu fais un doublé dans la longueur, afin de changer de main. L'encolure basse, il avale les mètres sans problème. Ta jambe intérieure reste à la sangle, l'autre recule légèrement. Il reprend l'allure supérieure, allongeant même sur quelques foulées. Cet enthousiasme est contagieux, il parvient à te décrocher un léger sourire. Ton mari a eu un coup de coeur, ça tu peux l'entendre, mais plus le temps file, plus tu trouves cela regrettable que Black Moon devienne un cheval de western. Certes, il pourrait se montrer très bon dans ce domaine, ça tu n'en doutes pas, mais il n'empêche que le lusitanien est clairement un crack du dressage. Tu n'as pas encore testé toutes ses capacités et à vrai dire, tu ne veux pas trop t'y aventurer...    

Comme dans tous concours, c'est la guerre dans le paddock de détente. Tu essayes de rester dans ta bulle, mais c'est difficile quand il faut sans arrêt anticiper les actions des autres cavaliers. Le grand prix de cent quinze centimètres, compte plus de quatre-vingt-dix partants et tu es en plein milieu de l'épreuve. Tu quittes la piste et te diriges vers l'oxer, comme tu viens juste de l'annoncer en criant. Oreilles en avant, Désirée est attentive, tu te présentes bien au milieu, elle frappe fort le sol et saute avec aisance. Lors de la réception, les choses se gâtent lorsqu'un couple vous coupe littéralement la route. Mécontente, ta jument se cabre, de ton côté tu insultes fort ce cavalier du dimanche. Katarina te fait revenir à l'autre main, tu en profites pour frôler ton nouvel ennemi et le plaquer contre la barrière. La baie rentre dans ton jeu, elle fait claquer ses dents à quelques centimètres de l'équidé, avec un sourire mauvais tu continues ta détente, sous les cris réprobateurs de ta coach.

Tu rentres dans la carrière et te diriges immédiatement vers les soubassements les plus regardants, afin de les présenter à ta partenaire et éviter de mauvaises surprises. Le parcours n'est pas difficile en soit, mais de par la disposition des obstacles, il est long, puis il y a beaucoup d'oxer, de quoi cramer un cheval si on joue trop le chrono. D'ailleurs, le couple avant vous s'est fait avoir, ils sont partis trop fort, pour au final ne plus avoir de souffle dès le neuvième et faire une barre en sortie de courbe sur le dix. Tu caresses ta jument, elle est particulièrement chaude, sa queue fouette les airs et elle veut déjà prendre le galop. Elle couine, monte en l'air et donne un petit coup de dos. Tu joues dans tes doigts, afin de garder le trot, la belle donne des coups de tête, afin de t'arracher les rênes, sans succès. Huit points de pénalité, ton coeur s'accélère, tu déglutis difficilement. "Désirée de Pado au départ, montée par Adrien..." C'est comme-ci un rideau de fer tombait devant tes oreilles, tu entends la cloche et tu t'élances, ayant bien en tête la reconnaissance faite il y a bien une heure de ça.

La cabine de jury est à l'opposé du départ, tu arrives à main droite, en tentant de canaliser autant que possible Désirée, car le parcours du combattant ne fait que commencer. Redressé, tu prends ton tournant en la contenant à fond, la jument ne comprend pas, elle est à deux doigts de s'arrêter, lorsque finalement tes talons la pousse à y aller. Tu te cognes presque contre son encolure, ses postérieurs touchent la barre, mais par chance celle-ci reste dans ses taquets. Dès la réception, l'Hanovrien part en sauts de mouton, tu entends vaguement la voix de Katarina. Tête entre les épaules, tu parviens avec difficulté à redresser ta binôme, qui semblait bien décider à te faire payer ton action. Tu la connais, elle te prépare un écart, tu fermes la porte et l'oblige à se présenter au milieu, elle saute fort, même pour un oxer, mais cela aussi tu t'y étais préparé. "Allez, désolé, on se ressaisit, tous les deux !"

Tu frôles le douzième obstacle pour gagner quelques foulées et te présenter sur le troisième que dame Désirée franchit sans rechigner. Vous vous comprenez de nouveau, la ligne brisée qui suit ne lui pose aucun problème, vous remplissez votre contrat jusqu'à l'entrée du double. Ton regard se porte déjà sur le cinquième, elle change pieds. Tu la félicites, tes talons viennent chatouiller ses flancs et elle reprend de la vitesse. Ta jambe intérieure soutient son épaule, vous tournez assez sec, mais ça passe sans problème. Le numéro six est un vertical avec des soubassements roses en forment de fleurs, tu la sens ralentir sous toi. "Ce n'est rien ma belle." Tu formes un couloir entre tes jambes et tes mains, en gardant bien en tête les maîtres mots de Katarina "toujours au milieu". Jusqu'au dernier moment elle hésite, de nouveau tu fais une magnifique Georgette. Cela ne fait que confirmer que commencer sur une cent quinze centimètres était une très bonne idée.

Une fois le sept passé, tu te mets en équilibre, afin de faire souffler ta binôme. Désirée profite de la grosse courbe pour étendre son dos. Si tu te fies au chrono, vous pouvez vous permettre cette baisse de régime, la souplesse naturelle de la jument t'a permis de prendre de belles options. Vous êtes face à un double oxer, tu calcules mal tes foulées, Désirée tente de vous sauver sur le huit b, mais elle se prend la barre en plein dans les genoux. Cette dernière vole plus loin, elle se casse net à cause de l'impact. La jument donne des coups de tête réprobateurs, qu'est-ce que tu as pu être bête ! Tu t'en veux tellement que tu perds ta concentration, la musique du concours te pète soudain les tympans, tu abandonnes un peu ta partenaire à son triste sort. Cette dernière fait un mouvement d'épaule bien placé, tu reviens à toi juste à temps pour un vertical, que pour le coup vous franchissez totalement de biais, ce qui vous fait perdre de précieuses secondes, puisque vous partez sur la droite, alors qu'il faut aller à gauche.

Comme de nombreux chevaux avant elle, Désirée fatigue, toutefois, tu sais qu'elle saura se montrer vaillante jusqu'au dernier obstacle. Le dixième oxer est coriace, en sortie de courbe avec deux têtes de cheval en guise de décoration sur les chandeliers. Étonnamment, la baie ne les regarde même pas, elle frappe fort le sol, son sabot touche une barre, sans pour autant que celle-ci bouge. Elle souffle comme un boeuf, ses mouvements sont plus lents, tu la pousses dans ce qui sera votre dernier double. Celui-ci ne pose pas de problème, tu l'as bien préparé et tu l'accompagnes bien dans ses sauts. Certainement qu'elle sait compter, car la jument retrouve un regain d'énergie. Elle avale les mètres jusqu'au douzième obstacle à une vitesse folle, tu tentes de la ramener dans un plus petit galop, mais au final, tu dois te débrouiller comme ça. Tu te prends un taxi en restant bien assis dans ta selle. Les joues rouges, tu as le coeur qui bat la chamade, tu es content que cela soit terminé. Tu caresses l'encolure de ta partenaire, ce tour n'était pas parfait, toutefois, il y a quand même de belles choses à en tirer.