Oh mais c’est pas vrai, merde! Je traverse l’allée principale au volant de mon pick-up à une vitesse folle et j’en descends au bout de quelques secondes. Sans passer par la case marche, je cours jusqu’aux deux fautifs que j’ai aperçu dans une position compromettante depuis la route. Merde, merde, merde! Je siffle pour attirer l’attention de l’étalon grimpé sur ma jument noire et lève les bras dans les airs, sans ralentir ma course. Je me précipite vers eux, chassant Carlton qui prenait son pied avec Bohème. Bon, en soi ce n’est pas une catastrophe tant que ça, parce que bon j’avais prévu de les mettre ensemble… Mais pas aujourd’hui, pas maintenant! La jument est actuellement l’une de mes montures principales sur le circuit et là je devrai l’arrêter tout ça pourquoi? Parce que ce stupide étalon a défoncé la barrière mitoyenne de leur paddock pour retrouver la femelle. Moi qui pensait leur faire plaisir en offrant à tous mes chevaux un avant-midi sous le chaud soleil du Texas, je suis récompensé ainsi! Lorsque je suis enfin près d’eux, mon air déterminé fait retomber sur ses quatre membres l’étalon qui me défie du regard. Je soulève un sourcil et le bai gratte avec un antérieur, ses hormones ayant clairement pris le dessus sur son cerveau. Derrière moi, j’entends la selle français s’approcher et je me retourne d’un bloc vers elle, la chassant à l’opposé de nous. Heureusement pour moi, j’ai pensé attraper le licol et la longe de l’étalon avant de me précipiter ici.

Je réussis à séparer les deux équidés quelques minutes plus tard, menant Carlton à son box en premier lieu. Perdu dans mes pensées, je suis déjà en train de me dire que je devrai faire passer une échographie dans quatorze jours. Avec un peu de chance, la noiraude n’était pas en ovulation et tout ça ne sera qu’une histoire à raconter. Une fois l’étalon KWPN dans son box et les loquets bien fermés - même celui du bas qui lui est impossible d’atteindre - je retourne au paddock avec les outils nécessaires pour réparer la clôture défoncée. Une fois Bohème en sécurité dans son paddock et son voisin à l’intérieur, je profite de quelques minutes pour la caresser et m’assurer que l’étalon ne l’a blessé nulle part. Mis à part une égratignure sur une épaule probablement causée par un fer, elle est en parfaite condition. Je lui tapote l’encolure et tourne les talons pour prendre le chemin des écuries, soulagé. Maintenant que Carlton est rentré, aussi bien le faire bosser, peut-être que ça réduira les risques d’une future escapade. Lorsque j’entre dans le luxueux bâtiment principal, je fais un crochet par la sellerie où je récupère un bac de pansage et tout l’équipement de monte du bai foncé. Les bras chargés, je retourne au box de ma monture et dépose le tout sur le porte-selle à proximité. Je ne garde que le nécessaire pour le brosser et entre dans son box.

Je m’impose en poussant strictement le poitrail musclé de mon compagnon qui recule d’un pas pour me laisser passer. J’attrape de ma main libre son licol et mène le cheval vers l’attache dans un coin du box. Je ferme le mousqueton à un anneau sur le côté de son licol et je m’affaire à le panser. Comme il déteste les longues séances, j’écourte cette dernière en enchaînant rapidement les différents outils mis à ma disposition. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, l’équidé est dépoussiéré et ses crins sont démêlés. Je nettoie ses sabots pour éviter qu’un caillou n’y soit coincé et je termine ma petite inspection en m’assurant qu’il n’a pas de blessure après son aventure avec les clôtures. Satisfait, je sors du box et attrape l’équipement de monte. Je dépose tout d’abord le tapis, puis j’ajuste la selle derrière les épaules. Je sangle légèrement, m’assure que le collier de chasse est bien placé et après avoir mis la bride, je prends la direction des chemins de balade. Je sangle ma monture, et alors que je m’apprête à mettre le pied à l’étrier, Carlton bondit vers l’avant suite au hennissement de Bohème. Je réussis à le rattraper in extremis et je monte enfin, reprenant le contrôle de mon étalon aux hormones en ébullition. Ce que vous m’en faites vivres des émotions fortes…

Je marche de long en large près d’une prairie un peu délabrée. Un vieil ami à mon père est décédé récemment et son fils m’a contacté pour que je récupère ses animaux. Bon. Un seul m’intéresse puisque les autres je n’en tiens pas en inventaire, mais j’ai des contacts. J’ai placé les animaux de la ferme - un veau, quelques moutons et un cochon - et je viens maintenant chercher un poulain. Un croisement particulier - probablement non désiré - entre un étalon KWPN et une jument appaloosa. Étrange. Curieux de voir le résultat, je n’ai pas pu m’empêcher de me laisser tenter par l’offre. Je récupère le poulain, je le débourre et puis quoi ensuite? Si je ne lui trouve pas d’avenir je le vends? Et puis pourquoi pas en fait. Je ne serais pas le premier à faire ça. Une berline argentée se stationne près de moi et un homme dont je reconnais les traits du visage en descend. Nous nous serrons la main poliment, et je comprends au moment où il me dit son nom pourquoi je reconnais quelques traits chez lui. Pour avoir connu l’ami de mon paternel, je reconnais son fils également. Je lui emboite le pas jusqu’à un paddock situé derrière un bâtiment qui tombe en ruine. Mon corps se serre quand je constate dans quel état se trouve le pauvre poulain.

Seul, un poulain bai erre dans son espace de vie boueux. J’en viens à me demander s’il est vraiment bai ou s’il est simplement très encrassé. Je tends doucement une main au-dessus de la barrière à moitié brisée et sans se faire prier, le croisé vient me rejoindre. Il plonge son nez duveteux au creux de ma paume et son souffle chaud me fait frissonner. Je souris faiblement, mais je suis enchanté. Il ne semble pas du tout avoir été maltraité ici. Juste négligé. Il n’est pas maigre. Mince un peu, mais pas maigre - ce qui ne l’empêchera pas de bien se développer au cours des années à venir. Je découvre sous cette couche de saleté une liste blanche un peu particulière. Après quelques caresses, je traverse entre deux clôtures et je m’impose dans l’aire de vie du poulain. Curieux, il ne s’écarte pas et me renifle des chaussures jusqu’à la taille. Je le laisse faire sans bouger d’un centimètre pour ne pas le faire fuir, et puis je désire qu’il accepte mon odeur. Nous passerons beaucoup de temps ensemble dans les prochaines années. J’en viens à lui caresser affectueusement le chanfrein, puis entre les deux oreilles. L’homme - qui était toujours accoudé à la clôture du paddock - me fait signe et me tend un licol usé. Je l’attrape d’une main et le présente à l’animal.

Le croisé plonge le nez à l’intérieur. Surpris, j’attache rapidement la têtière et m’assure que ce n’est pas trop serré. Je lance un regard interrogateur vers mon hôte qui hausse les épaules. Les animaux, ça n’est pas son fort. Bon. Il a dû être désensibilisé à ça puisqu’il n’a rien à faire de rien. Je le mène doucement vers la porte, relâchant la pression chaque fois que le bai cède à ma demande. Lentement mais sûrement, nous arrivons à hauteur de ma remorque. J’avais préalablement abaissé la rampe d’embarquement. Je tire doucement sur la longe, mais l’équidé se braque et plante ses quatre sabots fermement dans le sol mou. Il tend l’encolure, puis recule de quelques pas. Je le laisse faire sans le brusquer et j’attends qu’il revienne de lui-même vers moi. Je ne bouge pas d’un poil pendant de longues minutes. Je vois dans les yeux du poulain devant moi qu’il analyse la situation. Puis il fait un pas vers l’avant. Puis deux. Et le voilà sur la rampe d’embarquement. Je recule tranquillement jusqu’à ce qu’il monte complètement dans le van. Je l’attache de façon sécuritaire et referme tout correctement derrière moi. Je remercie l’homme qui m’a accueilli et je prends enfin le volant en direction du domaine.
***
À peine le poulain descendu de la remorque, je le mène dans une prairie verdoyante près de mes deux autres poulains. Je ne l'introduis pas avec eux aujourd’hui, mais éventuellement il les rejoindra. Je défais le mousqueton de la longe et je le laisse partir en galopant pour explorer les environs. Pendant qu’il fait ses marques dans son nouvel environnement, je fonce à la sellerie pour récupérer un bac de pansage. Je reviens quelques minutes plus tard et j’entre dans le paddock sans attendre. Le poulain me voit, relève la tête et trottine jusqu’à moi. Je souris et je lui caresse le chanfrein quand il s’arrête enfin à ma hauteur. Pour des raisons évidentes, je lui ai laissé son licol. Je remets la longe à l’anneau de son menton, mais je ne la tiens pas. Je préfère qu’il fuit s’il craint quelque chose plutôt qu’il reste et se sente piégé. Je lui donne le choix. Je commence par le tâter sur tout le corps et je soulève ses pieds un à un. Bien que cette dernière manipulation me donne un peu de fil à retordre, Elyx se plie gentiment au jeu. Je lui offre quelques friandises aux pommes en guise de récompenses qu’il attrape après les avoir reniflées quelques secondes.

Je passe donc à l’étape la plus importante de ma journée - le brosser. Je m’accroupis près du bac de pansage et je présente tranquillement les brosses une à une au croisé. Lorsque ceci est fait, j’attrape l’étrille en caoutchouc et entreprends de décoller toute la boue séchée dans son poil. À l’aide de petits mouvements circulaires sur toutes les parties charnues de son corps, j’en viens à bout près de dix minutes plus tard. Sous mes doigts, je commence à sentir les poils souples de la robe du poulain. Je poursuis en attrapant la brosse dure, que je passe également sur toutes les parties charnues de son corps, venant officiellement de mettre fin au règne de la boue sur son petit corps. Je fais briller sa robe avec la brosse douce que je passe partout. Elyx s’est bien tenu durant toute la séance. Une bosse suspecte sur sa croupe attire mon attention et je pousse les poils pour voir la source de mon étonnement. Un petit point rouge au centre de l’enflure m’indique qu’il a dû se faire piquer par un moustique. Je retourne vite à mon bac de pansage et vérifie que j’ai une pommade anti allergique sous la main. Quand je la trouve enfin, j’en mets sur le bout de mes doigts et crème la petite piqûre. Je vérifie la totalité de son corps pour m’assurer qu’il n’y en aurait pas ailleurs et je soigne ce qu’il y a à soigner.

Puis, je brosse ses crins. Sa queue est si mêlée que j’ai beau faire très attention, je tire malencontreusement sur ces derniers jusqu’à le faire réagir. Il pivote et fuit au petit trot. Je ne pars pas à sa poursuite, je reste plutôt bien en place et j’attends qu’il ne vienne me rejoindre une nouvelle fois - ce qu’il fait au bout de trois minutes de patience. Je le caresse longuement dans l’encolure et sur le chanfrein. J’attrape un démêlant dans mon bac et j’en mets sur les dents de ma brosse. Je parviens à démêler sa queue sans qu’il ne fuie cette fois et je fais la même chose à sa crinière. Heureusement pour moi, celle-ci est encore très courte et très peu épaisse. Je vois rapidement le bout et je passe enfin au nettoyage des quatre sabots. Encore une fois, il me donne bien ses pieds et je peux enlever la boue collée dans sa sole. Je dépose le dernier sabot au sol et je me recule enfin d’un pas pour admirer mon œuvre. Sous cette épaisse couche de crasse, je vois enfin la petite merveille qui s’y trouve. Elyx possède une très belle conformation pour un croisement inusité et son avenir est prometteur. Je ramasse mes outils de pansage, retire le licol et la longe au poulain et quitte enfin pour faire autre chose. Je le laisse profiter des rayons de soleil de la journée dans son nouvel environnement.

Il était à 03/25 en débourrage, j’ai donc essayé de cumuler les 7 pts nécessaires à son pré-débourrage.

Mon cœur se serre quand j’arrive près du paddock dans lequel se trouve mon grand étalon bai. Ses brûlures sont plus ou moins importantes, et principalement du côté gauche de son corps. Malgré que ce soit majoritairement superficiel, quelques marques plus profondes sont présentes principalement sur sa croupe. Appuyé sur la barrière du pré, je siffle doucement entre mes dents pour attirer l’attention de mon partenaire. Bien que mal en point suite aux événements des derniers jours, Gentleman in Disguise n’a rien perdu de sa bonne humeur et de son amour des humains. D’ailleurs, la confiance qu’il a en moi semble seulement s’être amplifiée. Il me rejoint près de la barrière d’une démarche naturellement gracieuse et je lui caresse affectueusement le chanfrein. Je m’introduis dans son paddock et glisse doucement un licol sur son nez. Sans plus attendre, le kwpn baisse sa tête pour que je puisse passer la têtière au-dessus de ses oreilles. Je boucle le sous-gorge dans l’anneau en laiton de son licol de cuir et lorsque fin prêt, je mène le cheval à l’aire de pansage extérieure que j’ai aménagée temporairement près des paddocks. À peine attaché, le grand bai manifeste déjà son impatience et son désir de se trouver ailleurs. C’est parce qu’il sait ce qui s’en vient.

Je soupire profondément et je m’accroupis pour récupérer la pommade antiseptique que j’ai achetée et placée dans un bac de pansage tout neuf. Je récupère deux gants en latex que j’enfile, puis je prends une généreuse quantité de pommade. Je tente de calmer Gentleman qui bouge de droite à gauche, redoutant le moment. Ses yeux exorbités montrent toute sa terreur face au soin à venir. Et je m’en veux. Je m’en veux terriblement. Je prendrais toute sa douleur pour revoir le cheval doux et calme que je connaissais avant. En plus, il est encore plein d’énergie débordante et je ne peux canaliser celle-ci lors d’entraînements puisque l’équipement risquerait de le brûler à vif. Je caresse tendrement son encolure et je me déplace lentement vers son flanc gauche. J’entends sa respiration s’accélérer, mais il a cessé ses mouvements erratiques. Sa tête haute et ses naseaux dilatés témoignent de son appréhension. Et je regrette. Je regrette instantanément d'être obligé de lui infliger ce supplice deux fois par jour. Mais c’est pour son bien. Après avoir pris une grande inspiration, je me lance. Je tends ma main gantée et pleine de produit vers son flanc et j’applique la pommade sur les brûlures profondes. J’évite de justesse un coup de pied balancé vers moi. J’essaie d’apaiser l’étalon d’une voix douce, mais je n’y parviens qu’à moitié.

Gentleman in Disguise fouette de la queue sans cesse pendant les quelques minutes dont j’ai besoin pour enduire ses plaies d’antiseptique. Aussitôt ma tâche terminée, je retire les gants dont je dispose près de mon bac de pansage et j’offre une multitude de friandises à mon partenaire. Je jette un coup d'œil à ma montre et je réalise qu’il est temps de le faire monter dans la remorque pour le voyage vers le domaine du Valhalla prévu pour les deux prochaines semaines. Je sais déjà quels seront les deux autres étalons qui m’accompagneront et il est temps de les préparer également. Pendant que j’y suis, je pose les protections de transport toutes neuves aux quatre membres de l’étalon bai. Son attitude change aussitôt les bandes installées, et je sens en lui son désir de s’en sortir. L’accident lui a causé des lésions tout autant externes qu’internes, mais il n’en demeure pas moins vif et avec une force incroyable. Celle-ci se reflète dans son désir de vivre et dans la luminosité de son regard. Après une dernière caresse sur le chanfrein, je détache le grand bai et le mène vers la remorque. Il y monte sans hésitation, et alors que je referme la séparation sur lui, je le vois déplacer son poids vers la droite pour éviter de toucher l’aluminium du côté gauche. Je soupire et descend de la remorque pour aller chercher Flagrant Délit et Lead the Way.