Pandora Hills - Terrain de cross et trec

Lumi & Soledane

Les chutes de neige de la veille avaient recouvert d'un manteau immaculé la précédente épaisseur de poudreuse. Alors qu'elle marchait vers l'écurie, la neige arrivait au-dessus des chevilles de Lumi. Heureusement, elle avait des bottes fourrées qui empêchaient l'humidité de s'infiltrer. Elle comptait profiter de l'accalmie pour aller se promener avec Soledane, mais la vue d'Owen l'attendant devant la porte de l'écurie, les bras croisés, lui indiqua qu'elle allait devoir attendre un peu.
La jeune femme salua le palefrenier, avant de désigner du menton l'objet qu'il dissimulait derrière lui, appuyé contre le mur.
«Je ne savais pas que tu étais champion de luge., le taquina-t-elle.
Il leva les yeux au ciel, faussement agacé. Puis il prit l'objet dans ses mains et le lui tendit avec un grand sourire.
-Non merci, je dois sortir Soledane., lâcha Lumi.
Owen s'interposa lorsqu'elle essaya de faire un pas de plus.
-Et tu vas la sortir., commença-t-il. J'ai retrouvé cette luge chez moi et j'ai eu une idée: la luge attelée. Sauf que je n'ai pas de cheval alors je t'ai attendu. Et puis c'est plus drôle à deux.
Lumi le fixait, dubitative. Elle avait du mal à cerner ce qu'il comptait accomplir en l'emmenant faire de la luge - sur une petite luge en plastique qui allait certainement céder dès la première traction en plus - et ce sans aucun avertissement. Cependant, elle devait s'avouer qu'elle avait bien envie de s'amuser un peu, et ça ne ferait pas de mal à Soledane de découvrir quelque chose de nouveau. Alors, comme à chaque fois qu'Owen lui proposait quelque chose depuis qu'elle avait fait sa connaissance, elle accepta. Ne sachant trop de quoi se servir pour cette activité insolite, ils allèrent chercher deux longes qu'ils attacheraient à la bride de la jument. Owen dénicha également un surfaix qui leur permettrait de répartir la charge. Lorsqu'ils allèrent chercher Soledane, le palefrenier jeta un regard amusé à la cavalière en remarquant Alfredo l'alpaga. Lumi l'ignora, un sourire menaçant cependant de briser son expression sérieuse. Une fois Soledane harnachée et les bombes enfilées, le trio se dirigea à pied jusqu'au terrain de cross du haras. Les grandes étendues leur permettraient d'avoir la place de s'exercer.
Une fois sur place, Owen posa la luge derrière la jument et tendit la ficelle à Lumi.
-On va d'abord faire avancer Soledane au pas en traînant la luge derrière elle pour s'assurer qu'elle n'ait pas peur., expliqua-t-il.
La baie renifla d'abord l'objet, puis comprenant qu'il ne s'agissait que d'un bout de plastique inoffensif, elle accepta de lui tourner le dos. Owen la mena sur quelques mètres par la bride, Lumi traînant la luge à distance respectable. Soledane tendait les oreilles en arrière, attentive au bruit du glissement de l'objet sur la neige. Puis elle se détendit et ne se soucia bientôt plus de la luge. Ils pouvaient commencer les choses sérieuses.
-Alors, qui commence ?, lança Owen, motivé.
Lumi haussa les épaules. Même si elle comptait bien sûr essayer, elle voulait d'abord voir comment se débrouillait le palefrenier afin de ne pas trop avoir l'air ridicule si il venait à avoir un talent caché pour la luge attelée.
-Tu peux y aller si tu veux. Je vais mener Soledane., finit-elle par décider.
Sans lui laisser le temps de répliquer, elle lui prit les rênes de mains en lui lançant un regard de défi, souriant vraiment désormais. Oh bien sûr elle ne comptait pas le mettre danger, mais une petite roulade dans la neige ne faisait de mal à personne. Tandis qu'il tendait les longes et s'installait sur la luge, la jeune femme caressait Soledane, la félicitant à voix basse pour son calme. Tout en flattant la jument, elle observait innocemment Owen du coin de l’œil. Puis, lorsqu'il s'apprêtait à s'assoir sur la luge pour de bon, elle ordonna à la selle français d'avancer. Sa monture, toujours obéissante, s'exécuta sans hésitation, tirant sur les longes. Lumi réussit son coup. La traction déséquilibra Owen, qui s'étala de tout son long dans la poudreuse, tête en avant. Aussitôt, la jeune femme éclata de rire. Le palefrenier se redressa. A genoux, il était couvert de neige. Il frotta son visage et secoua la tête, riant à son tour.
-Je dois avouer que je ne m'attendais pas à tant de méchanceté de ta part., souffla-t-il.
Lumi parvint finalement à se calmer. Elle reprit un air sérieux et se racla la gorge avant de prendre la parole, l'amusement brillant toujours dans son regard.
-Je ne faisais que tester mon professeur de luge attelée, pour avoir une idée du niveau de cet entraînement., pouffa-t-elle.
-On verra bien comment se débrouille l'élève quand ce sera son tour., rétorqua Owen.
Il se releva et Lumi le laissa s'installer correctement cette fois. Puis, lorsqu'il lui fit signe qu'il était prêt, elle avança avec sa jument. La luge sembla bloquer une seconde sous le poids du palefrenier, puis avec un à-coup, elle se mit à glisser derrière la baie. La jeune femme avançait à un rythme régulier, sa monture à sa hauteur, à l'écoute de ses ordres et attentive à son langage corporel. Au bout d'une dizaine de mètres, Owen lui signala qu'elle pouvait passer à la vitesse supérieure, et Lumi trottina aux côtés de Soledane, qui passa au trot. Ils continuèrent pendant une dizaine de minutes, en ligne droite, puis en courbe, qui s'avéra plus compliquée avec la luge. Puis Lumi fit ralentir sa jument, le souffle court, jusqu'à s'arrêter.
-Pause., haleta-t-elle en reprenant son souffle.
Courir dans la neige tout en menant un cheval pendant dix minutes s'avérait plus sportif qu'elle ne le pensait, et elle commençait à avoir chaud dans ses vêtements d'hiver. Owen se leva de la luge et vint vers elle. Tapotant le flanc de la jument au passage, il tendit la main pour que Lumi lui donne les rênes.
-Je vais prendre le relais, va t'installer, tu vas voir c'est plutôt sympa !, dit-il.
La jeune femme ne se fit pas prier et échangea sa place avec Owen. Elle prit place sur la luge et attrapa les longes, assurant une bonne prise. Puis elle hocha la tête pour indiquer à Owen qu'il pouvait avancer. Elle faillit lâcher quand l'attelage se mit en route d'un coup sec, mais tint bon et raffermit sa prise et sa position. Le pas ne représenta pas trop de défi. La luge glissait bien malgré sa piètre qualité, et la vitesse n'était pas incroyable, si bien que Lumi n'avait pas vraiment besoin de se concentrer pour rester en place. Alors elle ne s'attarda pas trop sur cette allure et demanda à passer au trot. Si elle avait un peu plus de mal à rester en place, elle trouva son équilibre. Bientôt un sourire fendit son visage. C'était plutôt sympa en effet, de glisser sur la neige derrière son cheval. Owen maintint l'allure pendant un bon quart d'heure, malgré Lumi qui lui disait qu'il pouvait s'arrêter si il était fatigué. Alors qu'elle commençait à se sentir vraiment à l'aise, elle vit au dernier moment que Soledane commençait à galoper, sous les ordres d'Owen qui la menait toujours et qui courait désormais le plus vite possible. La jeune femme s'agrippa de toutes ses forces aux longes, mais lorsque le palefrenier prit un virage, elle n'eut d'autre choix que de lâcher et se laisser tomber dans la neige, totalement déséquilibrée. Alors qu'elle se redressait, elle entendait le rire de son bourreau.
-Je t'avais dit que j'aurais ma revanche !, lança-t-il.
Lumi se releva et enleva la neige de ses vêtements. Ils dénichèrent une flaque d'eau gelée, et après en avoir cassé la glace en marchant dessus, ils attachèrent Soledane à un arbre juste à côté pour la laisser s'abreuver et reprendre son souffle.
-Alors, qu'est-ce que tu en as pensé ?, s'enquit Owen.
-Même si on est loin d'être des pros, c'était plutôt une bonne idée., avoua Lumi.
Ils marchaient côte à côte, observant le paysage.
-Cependant ..., commença la jeune femme.Je préfère faire ça !
En l'espace de quelques secondes, elle saisit une poignée de neige et la jeta sur le palefrenier. Puis elle s'éloigna en courant, craignant une nouvelle vengeance. Surpris, Owen ne réagit pas de suite. Puis, il se baissa pour commencer à former une boule de neige à son tour.
-Tu l'auras voulu !, prévint-il.
Une bataille de boules de neige s'ensuivit. Comme deux enfants, les presque trentenaires riaient tout en s'envoyant des projectiles et se dissimulant derrière les arbres et les obstacles du cross pour esquiver les attaques de l'autre. Soledane les observait depuis son attache improvisée, ne comprenant pas trop ce qui arrivait à ces drôles d'humains.
Dans une ultime attaque, Owen courut vers Lumi, qui essaya de le semer. Mais il la rattrapa et essaya de la faire tomber dans la neige en l'attrapant par les épaules. La jeune femme se débattit, s'agrippant au manteau de palefrenier pour ne pas céder. Puis, soudainement, ils perdirent tout deux l'équilibre et s'étalèrent à l'unisson dans la neige, Owen écrasant Lumi de tout son poids. Il poussa aussitôt sur ses bras pour ne pas l'étouffer mais resta penché sur elle. Leurs regards se croisèrent et Lumi eut l'impression de ne plus respirer pendant quelques secondes. Puis, après une courte hésitation, Owen s'avança et l'embrassa. Surprise, Lumi se figea. Puis, elle ferma les yeux et lui rendit son baiser.
Owen se releva juste après. Il tendit la main à la jeune femme pour l'aider à se mettre debout. Lorsqu'ils furent debout, il se frotta la nuque tout en évitant de croiser le regard de Lumi, ce qui arrangeait cette dernière, car elle sentait à la chaleur de son visage qu'elle était probablement plus rouge qu'une tomate bien mûre.
-Je ... Je dois y aller, j'ai du travail. Content d'avoir pu ... passer ce moment avec toi. Salut !, bafouilla Owen.
Puis il partit d'un pas rapide, sans se retourner.
-Salut ...», chuchota Lumi en retour.
Elle resta plantée là un moment. Soledane la tira de ses pensées en renâclant, en ayant probablement assez d'attendre. Lumi sursauta et s'activa, allant détacher la jument. Elle reprit le chemin des écuries, toujours aussi perdue. Elle avait vraiment besoin de cette balade pour respirer un peu et réfléchir, seule.

Lumi & Silven

Mener Silven jusqu'au terrain de cross du domaine n'avait pas été tâche facile. Si sa cavalière avait appris après plus d'un an à ses côtés à canaliser l'énergie de l'étalon, il n'en restait pas moins surexcité, surtout lorsqu'il reconnut le chemin qu'il empruntait régulièrement depuis plusieurs mois. Lumi n'avait jamais fait de cross avant de rencontrer le paint. Mais son surplus d'énergie l'avait obligée à trouver des solutions, et si les séances de longe aidaient le cheval à être plus agréable à la monte, elle avait découvert qu'il avait un talent pour cette discipline alors qu'elle avait juste fait quelques sauts pour le faire se dépenser une fois en balade. Depuis, elle s'était intéressée de plus près au cross et depuis ce jour l'exerçait régulièrement avec Silven. Très fatigants, leurs entraînements permettaient, en plus de faire plaisir à l'étalon en le laissant se défouler, de renforcer leur lien et de travailler sans prise de tête. Lorsqu'elle avait découvert une vaste étendue semi-sauvage sur le domaine, Lumi avait aussitôt décidé de transformer l'endroit en terrain de cross.
Elle arriva bientôt sur le lieu en question et eut du mal à retenir Silven qui était déjà prêt à partir au galop. Elle tira sur les rênes et le fit tourner sur lui-même pour casser son élan et le forcer à rester au pas. Puis elle l'amena vers la zone de départ d'un petit parcours qu'elle avait créé. Ayant fait le trajet sur le dos de Silven, elle en avait profité pour effectuer la détente durant cette période et l'étalon était donc déjà prêt à se lancer. Travaillant toujours sur l'obéissance du paint, elle lui demanda cependant de se tenir en place une bonne minute afin qu'il reste sous son contrôle. Trépignant, le cheval obéit cependant et attendit le signal pour partir. Sa cavalière attendit encore quelques secondes, puis elle le talonna d'un coup.
Silven bondit en avant avec puissance. Il ne lui fallut que quelques secondes pour atteindre une vitesse impressionnante, ses sabots martelant le sol et envoyant des mottes de terre voler sur son passage. Sur la selle, Lumi s'accrochait tandis que sa monture galopait. Elle trouva son équilibre et parvint à se caler sur les mouvements du paint. Ils galopèrent sur une bonne distance, l'étalon avançant à larges foulées, et bientôt le premier obstacle se profila à l'horizon. Lumi reprit un peu de contrôle sur sa monture, dirigeant l'étalon sur la barrière. Ils arrivèrent devant l'obstacle et la jeune femme tendit un peu plus les rênes. Silven prit appui et sauta par-dessus le vertical avec énergie. Il se réceptionna et repartit aussitôt à son allure précédente. Lumi avait l'habitude d'être secouée par les sauts peu gracieux de son cheval, mais elle dût reprendre son souffle avant de se concentrer de nouveau. Elle dirigea le pie sur sa gauche et ils s'engagèrent sur un large chemin qui traversait un bois. Le prochain obstacle arriva vite à leur portée et la jeune femme fit légèrement ralentir Silven pour lui signaler le fossé, puis le laissa reprendre la vitesse avec laquelle il était à l'aise. L'étalon s'élança par-dessus le trou en bondissant vers l'avant. Tendant les membres antérieurs, il passa de l'autre côté sans problème, atterrissant même plus loin que ce qu'on lui demandait. Ils continuèrent leur parcours à allure régulière. Ils traversèrent ainsi le petit bois, qui débouchait sur une étendue d'eau dont l'accès se faisait par un contrebas. Lorsqu'ils en approchèrent, Lumi raffermit sa prise sur les rênes et fit ralentir Silven autant qu'elle le pouvait pour aborder l'obstacle. Il finit par s'exécuter de justesse mais descendit tout de même le contrebas en bondissant. Sa cavalière serra les jambes pour rester en place, et son buste heurta l'encolure du paint lorsqu'il se réceptionna brutalement. Des gerbes d'eau lui arrosèrent le visage et elle s'essuya d'un revers de la manche tout en se remettant correctement en selle et en essayant de récupérer son équilibre. Imperturbable, Silven n'avait pas ralenti une seconde et traversait le gué sans se soucier des difficultés de sa propriétaire. Cette dernière finit par reprendre le contrôle et dirigea son cheval vers la droite. Ils progressaient désormais sur une zone herbeuse et la vue de cette grande étendue vierge donna encore plus de vigueur à Silven, qui tentait d'accélérer malgré les ordres de sa cavalière qui essayait de le garder à une allure moins suicidaire. Après une centaine de mètres, le terrain se transformait en pente. Le duo s'élança sur celle-ci et Silven fut obligé de calmer un peu sa fougue, la montée présentant une difficulté supplémentaire et le forçant à pousser plus fort sur ses membres postérieurs pour progresser. Lumi se tenait en équilibre sur les étriers et penchée en avant pour aider sa monture dans son effort et bientôt ils parvinrent au sommet. Une fois en haut, une autre distance sans obstacle les attendait et Silven put récupérer son énergie sur le terrain plat. L'épreuve suivante était un double composé d'un spa et d'un vertical. Lumi laissa l'étalon prendre de la vitesse pour aborder le premier obstacle, et le paint bondit avec agilité. A la réception, il couvrit les deux foulées en à peine quelques secondes puis sauta par-dessus le vertical. Sa cavalière reprit correctement les rênes en main à l'instant où il reprit sa course, sachant quel serait le prochain obstacle. Ils exécutèrent d'abord une boucle qui les ramena vers une descente et Lumi dut mettre tout son poids vers l'arrière pour ralentir un maximum le bai dont l'idée initiale était de descendre sans se soucier du fait qu'il avait un cavalier sur le dos. Une fois en bas, elle souffla, autant de soulagement d'être toujours en selle que de fatigue à cause de l'entrain inépuisable de son cheval. Traversant de nouveau le petit bois sur un chemin parallèle, ils arrivèrent sur la plaine de départ où se trouvaient la plupart des obstacles. Lumi dirigea sa monture vers un directionnel. Elle garda un contrôle maximal sur l'étalon, maniant les rênes de façon à ce qu'il regarde bien devant lui et garde une allure constante, et serrant les jambes pour qu'il maintienne sa trajectoire. Sous elle, le paint était récalcitrant, n'appréciant pas le contrôle que tentait d'exercer sa cavalière et préférant sauter comme il le souhaitait. Mais Lumi ne le laissant pas reprendre la main, le pie n'eut d'autre choix que de suivre ses ordres ou se dérober. Et bien évidemment, il choisit la seconde option. Alors que Lumi s'apprêtait à se mettre en position pour sauter la triple brosse, l'étalon fit un écart sur le côté, prenant sa cavalière au dépourvu et réalisant un magnifique refus. La jeune femme évita la chute de justesse en enroulant les bras autour de l'encolure de son cheval. Celui-ci, gêné par ce poids, ralentit et repassa au trot, ce qui permit à Lumi de se redresser sur sa selle. Une fois en place, elle tapota l'épaule du paint avec affection, lui signifiant qu'elle en lui en tenait pas rigueur. Les obstacles de précision étaient depuis leurs débuts le gros problème de Silven. Il n'arrivait pas à réunir la concentration nécessaire pour les aborder correctement sans s'emballer ou essayer de n'en faire qu'à sa tête. Seul le temps et le travail auraient raison de cette difficulté. Pour le reste, Silven avait toutes les capacités d'exceller en cross avec un peu plus de discipline.
Voulant terminer la séance sur une note positive, Lumi talonna de nouveau Silven et le dirigea sur un simple vertical. Cette fois, le cheval sauta sans hésiter et se réceptionna même plutôt bien pour une fois. Sa propriétaire le laissa encore galoper sur quelques mètres avant de le ralentir au pas. Elle le félicita et commença à prendre le chemin du retour. Les flancs de l'étalon se soulevaient avec un rythme rapide après cet effort, et c'est au grand soulagement de sa cavalière qu'il marcha calmement jusqu'aux écuries. Lumi elle-même reprenait son souffle. Malgré le froid hivernal, elle transpirait et son rythme cardiaque était plus élevé à cause de l'adrénaline.
Lorsqu'elle mit pied à terre devant les écuries, Owen sortit du bâtiment. Il la regarda de haut en bas, s'arrêtant sur son pantalon trempé et boueux.
«Je vois que tu es toujours vivante., blagua-t-il.
Passant à côté de lui, la jeune femme le bouscula d'un coup d'épaule pour l'embêter.
-Tu commences à avoir le même caractère que ton cheval, fais attention !, lança son compagnon.
Cette fois-ci il écopa d'un coup de poing dans l'épaule.
-Viens m'aider au lieu de dire n'importe quoi., dit-elle en secouant la tête.
Ils travaillèrent ensemble pour desseller Silven et le panser, car malgré son épuisement le paint avait toujours un tout petit peu d'énergie en réserve pour s'impatienter lorsqu'on l'empêchait de bouger ou le mettait à l'attache plus de cinq minutes. Puis Lumi le mit un peu au box pour ne pas qu'il attrape froid, au grand désespoir de l'étalon qui renâcla lorsqu'elle ferma la porte en sortant.
-J'ai besoin d'un bon bain et d'un chocolat chaud., dit Lumi à Owen tandis qu'ils quittaient l'écurie.
-Je peux te préparer ça.», répondit l'homme.
Puis il passa son bras autour des épaules de Lumi et ils rentrèrent chez eux pour se réchauffer et se reposer.

Le derby

Durant tout le trajet, Lumi n'avait cessé de se répéter que c'était de la folie. Encore plus lorsque, une fois arrivée à destination, elle avait sorti un Silven surexcité du van. En cette chaude journée de juillet avait lieu le derby annuel de la région, et c'était à l'endroit où il se tiendrait cette année que Lumi et Silven se trouvaient. De nombreux participants ou membres de l'organisation se hâtaient déjà pour régler les derniers préparatifs, tandis que la jeune femme tentait tant bien que mal de calmer un peu son étalon. C'était la première fois qu'elle participait à ce genre d'évènement avec le paint horse et elle ressentait une certaine appréhension quand à son bon déroulement.
Voyant que le pie semblait agacé par cette immobilité, Lumi décida de le faire marcher. Tout en croisant les autres participants, elle les saluait d'un hochement de tête, ne pouvant s'empêcher d'admirer le comportement exemplaire de la plupart des autres chevaux tandis que Silven tentait de lui arracher les bras tous les trois mètres. Lumi aurait aimé qu'Owen soit avec elle, mais tout deux avaient préféré ne pas infliger une journée complète dans le bruit et la chaleur à la petite Ellie, ainsi son compagnon était-il resté à la maison avec leur fille. La jeune femme devrait donc se débrouiller seule pour tirer le meilleur de cette expérience et tenter de ne pas se ridiculiser devant la centaine de personnes se trouvant sur place.
La matinée était déjà bien avancée quand l'heure du départ de Lumi arriva. Silven était sellé, la jeune femme avait mis sa bombe et des protections pour ses bras nus avec la chaleur. Elle alla se placer au départ lorsqu'on l'appela et mit le pied à l'étrier. Avec l'aide d'un membre de l'organisation qui tint Silven par les rênes, Lumi se hissa sur le dos du paint, remercia l'homme et tapota l'épaule de l'étalon. Tous les muscles du pie étaient tendus, prêts à se mettre au travail et à le propulser en avant dès qu'il en recevrait l'ordre ou aurait atteint les limites de sa patience. Lumi affermit sa prise sur les rênes et s'installa correctement sur sa selle. Sous elle, Silven piaffait. Le public semblait retenir sa respiration tout comme le duo s'apprêtant à partir. Les secondes s’égrainaient dans un silence que seul perturbait les renâclements du paint. Le monde sembla s'arrêter de tourner puis, soudainement, le drapeau se baissa, donnant le top départ. Lumi allongea ses rênes et talonna l'étalon qui, désormais plus libre de ses mouvements, bondit en avant. En quelques foulées seulement, le paint prit une vitesse remarquable, galopant avec détermination, libérant toute son énergie. Sa cavalière tint bon, crispée sur sa selle pour cette première ligne droite, laissant sa monture foncer à toute allure tant qu'il le pouvait. Lorsqu'ils approchèrent de la première courbe, la jeune femme reprit la main, raccourcissant les rênes de nouveau et faisant ralentir un peu Silven dont la vitesse était beaucoup trop dangereuse pour la suite. Malgré quelques coups de tête de protestation, le pie finit par obtempérer et prendre un galop plus régulier et contrôlé. Ils suivirent le parcours jusqu'à l'abord de premier obstacle qui était un simple oxer. Lumi dirigea sa monture sur la bonne trajectoire et lui laissa un peu plus de rênes pour sauter. Silven prit appui sur ses membres postérieurs et se propulsa par-dessus l'oxer, qu'il franchit avec succès. Dès qu'il toucha le sol de l'autre côté, il repartit de plus belle, gardant la même énergie pour la suite. Progressant sur la plaine, ils firent face à une montée qui demanda beaucoup d'effort à Silven. L'étalon ne se découragea pas cependant et il gravit la pente en poussant sur ses muscles. Sur son dos, Lumi s'était levée sur ses étriers pour l'assister et l'encourageait sans faiblir. Une fois en haut, c'est cette fois sans protester que l'étalon reprit un rythme plus lent le temps de récupérer son souffle. Fatigué par cette épreuve, il arriva un peu trop lentement sur le vertical suivant et fit tomber une barre lorsqu'il sauta du mieux qu'il put. Sa cavalière ne le laissa pas s'attarder sur cet échec et le poussa en avant. Silven reprit un peu de détermination et accéléra légèrement.
Après quelques minutes de plat, ils arrivèrent face à une descente se présentant sous la forme d'un piano. Lumi tira sur les rênes, faisant ralentir Silven avant qu'il ne se jette comme un fou en avant. L'étalon repassa au petit galop juste avant de parvenir au premier contre-bas. Il rassembla ses membres et descendit avec une prudence que sa cavalière n'avait encore jamais vue chez lui. Puis, il fit de même pour la seconde marche. A la troisième et dernière cependant, Silven sembla se rendre compte qu'il était trop appliqué pour son image et c'est avec un saut de mouton qui manqua de désarçonner Lumi qu'il parvint au dernier niveau du piano. Se rééquilibrant sur sa selle et reprenant la main à l'atterrissage, la jeune femme pesta intérieurement contre Silven et se reconcentra sur le parcours. Ils en étaient à la moitié désormais, Lumi les ayant inscrit au plus simple des trois parcours proposés. Leur prochaine épreuve était un gué, que le paint traversa sans la moindre hésitation. Les gerbes d'eau qu'il souleva rafraîchirent sa cavalière qui commençait à transpirer à cause de l'effort et du soleil écrasant. S'ensuivit ensuite un long chemin sinueux traversant un petit bois, qui obligea le duo à ralentir pour ne pas terminer dans un arbre. Un spa les attendait à la sortie de la zone, que Silven sauta sans faire de faute. Bientôt Lumi aperçut un attroupement plus important, lui indiquant qu'ils arrivaient sur la dernière ligne droite. Elle talonna sa monture pour lui faire reprendre de la vitesse et ils rejoignirent la plaine de départ. Galopant à vive allure, le pie se dirigeait vers le dernier obstacle les séparant de la ligne d'arrivée. Sa propriétaire décida de lui faire confiance sur celui-ci et ne réfréna pas ses mouvements. Lorsqu'il arriva face à la haie, Silven prit une puissante impulsion qui le propulsa par-dessus l'obstacle. Ses sabots effleurèrent le sommet de la haie mais aucune faute ne fut comptée et c'est avec sa brutalité habituelle que l'étalon se réceptionna de l'autre côté. Reprenant immédiatement sa foulée, il prit plaisir à donner le maximum de lui-même sur le sprint final, ses sabots martelant le sol dans un grondement sourd. C'est à toute vitesse qu'ils franchirent la ligne marquant la fin du parcours, et Lumi fit ralentir progressivement sa monture.
Lorsqu'elle mit pied à terre, Lumi était épuisée. Ses muscles endoloris protestèrent tandis qu'elle menait un Silven haletant à l'abreuvoir le plus proche. Tandis que l'étalon se désaltérait, elle en profita pour retirer sa bombe et laisser sa tête respirer un peu.
Ils passèrent l'après-midi sur l'évènement, Lumi observant les autres passages depuis son van tandis que Silven, que le derby avait vidé de ses forces, se reposait à l'ombre du véhicule, un seau d'eau fraîche à sa portée. Lorsque les classements furent annoncés vers dix-sept heures, c'est avec une agréable surprise que Lumi découvrit qu'ils s'étaient placés en quatrième place sur les neuf participants de leur catégorie, ratant de quelques secondes seulement le podium. Après avoir salué et remercié les organisateurs, la jeune femme fit monter le paint dans le van et ils reprirent la route de la maison.

Le repos du guerrier -->

Chute et incertitude

Le temps était idéal pour un entraînement. Owen avait besoin de se défouler, et Orléans aussi. Cela faisait un moment que le brun n'avait pas profité d'une séance de travail moins conventionnelle avec son étalon, trop occupé par la gestion du domaine et de sa petite famille. Mais avec l'arrivée de Sasha pour les aider, le couple avait pu récupérer un peu de temps libre pour souffler avant l'arrivée de leur deuxième enfant. Et si Owen avait passé ses journées à s'occuper d'Ellie jusque là, il avait décidé pour une fois de s'accorder un moment seul avec l'alezan. En voyant la météo, le brun avait d'abord songé à partir en balade puis, se rappelant qu'il avait récemment nettoyé le parcours de cross après l'hiver, il avait été pris d'une soudaine motivation pour le tester avec Orléans. Il était donc allé chercher le selle français, l'avait sellé, puis était parti sans plus attendre vers sa destination. La petite marche qui y menait servait de détente et ainsi ils pourraient se lancer dès leur arrivée sur le parcours. Owen n'avait jamais fait de cross, tout comme Orléans d'ailleurs, et tous deux semblaient impatients de s'initier à cette discipline.
C'est donc complétement échauffés et déterminés que le duo arriva sur place. Owen observa les premiers obstacles qui étaient dispersés dans la clairière. Rien que sa monture ne puisse sauter jusque là, et si il venait à avoir un doute sur un obstacle, il se contenterait de dériver de sa trajectoire pour esquiver celui-ci. Alors, sans plus attendre, Owen talonna son cheval. Docile, Orléans accéléra sans se faire prier, atteignant rapidement le galop. Son cavalier le guidait d'une main ferme mais sans excès. Depuis le dos de l'alezan, Owen se sentait immense et les obstacles lui paraissaient ridiculement bas. Cependant, lorsque le selle français sauta le premier, il se rendit compte qu'ils étaient d'une hauteur plus élevée qu'il ne l'avait imaginé, à en juger par l'effort fourni par Orléans et la secousse à l'atterrissage. Le jeune homme ne se laissa pas déconcerter par si peu et il fit accélérer davantage sa monture pour lui permettre de prendre plus d'élan sur le prochain saut. Sous la selle, l'étalon était concentré sur ses foulées et regardait droit devant lui. Avec ses longues jambes, il progressait à une vitesse incroyable et survolait presque le terrain. Lorsqu'il passa par-dessus la seconde barrière, Owen eut l'impression qu'il ne toucherait plus jamais le sol. Il aida sa monture en suivant son mouvement dans le saut et la réception de l'autre côté fut plus agréable que la première fois. Owen jubila. Ils commençaient à être en rythme et à vraiment entrer dans le parcours. Un vent léger faisait onduler la crinière d'Orléans, qui s'élançait avec détermination vers l'obstacle suivant. Ils sautèrent un muret, puis s'engagèrent dans une pente ascendante. L'effort demandé par l'angle de la pente obligea l'alezan à ralentir un peu la cadence. Son cavalier le poussa vers l'avant et Orléans mit toute sa force dans ses foulées, grimpant la pente sans faiblir. Une fois sur un terrain de nouveau plat, l'étalon haletait mais était heureux de pouvoir de nouveau galoper à sa vitesse initiale. Il s'élança sur la suite du parcours, Owen le dirigeant vers le prochain obstacle. Orléans parvint à gérer sans problème l'abord d'un contrebas, pour la plus grande fierté d'Owen qui n'avait jamais entraîné l'étalon sur ce genre de chose. Il relâcha un peu de longueur sur les rênes pour laisser au selle français plus de liberté, remarquant qu'il gérait de manière admirable son parcours.
Lorsqu'il s'était élancé sur la piste de cross, Owen s'était imaginé en pleine galère, avec un étalon pas du tout familier de ce genre d'obstacles. Il n'avait pas songé un instant qu'ils s'en sortiraient aussi bien. Et en voyant ce petit miracle, le brun était devenu confiant, peut-être trop même. Il relâcha son attention, préférant profiter des sensations qu'offraient le parcours et laissant Orléans mener. Mais si l'alezan s'était débrouillé jusque là avec des obstacles relativement visibles, il arriva face à quelque chose de totalement nouveau et qu'il ne sembla même pas remarquer. Le petit fossé était traître. Dissimulé dans une pente, seul un cheval habitué au cross aurait pu le remarquer et l'aborder correctement. Ce qui n'était pas le cas de l'alezan. Il continua sur sa lancée, galopant à vive allure, regardant droit devant lui. Lorsque son cavalier se rendit compte que sa monture n'avait pas vu le fossé, il se précipité sur les rênes pour tenter de le faire ralentir ou dévier de sa trajectoire. Trop tard. Orléans était trop rapide et il ne parvint pas à réagir à temps. Ses antérieurs descendirent brusquement dans le trou et l'avant de son corps bascula. Ses postérieurs partirent en l'air, presque à la perpendiculaire du sol, et malgré ses efforts pour s'accrocher, Owen se sentit glisser de la selle. Ses pieds quittèrent les étriers et il alla s'étaler au sol de l'autre côté du fossé. Le brun roula sur lui-même et, désorienté, mis quelques instants à reprendre ses esprits et réaliser ce qu'il venait de se produire. Il secoua la tête et se redressa lentement, s'attendant à ressentir une douleur soudaine dans l'un de ses membres. Rien. Il ne s'était pas fait mal. Un hennissement plaintif lui fit faire volte-face.
Orléans venait de se hisser hors du trou. Il était sale, recouvert de terre. Mais Owen se fichait de cela. Il y avait plus grave à l'instant présent. L'étalon ne posait plus l'antérieur gauche.
«Merde, merde, merde ..., pesta Owen.
Il s'approcha du selle français, qui ne chercha pas à s'éloigner. Les oreilles en arrière, Orléans semblait penaud. Son propriétaire s'empara des rênes et tenta de le faire marcher lentement. L'alezan avança et révéla une boiterie bien prononcée. Au bout de quelques pas, il renâcla et s'arrêta. Owen se passa une main sur le visage, réfléchissant à toute allure. Il était impossible de faire venir le van jusqu'au terrain de cross. Cependant, il pouvait couper le bois pour rejoindre la barrière délimitant le domaine. Un large chemin la longeait à l'extérieur et permettrait d'y faire passer un véhicule. Il devrait faire un trou dans la clôture pour passer, mais il n'avait pas de choix. Orléans ne tiendrait pas à pied jusqu'à l'écurie.
Tandis qu'il sortait son téléphone d'une main, Owen caressa le chanfrein de l'étalon de l'autre.
-Ça va aller, on va s'occuper de toi.», rassura-t-il le cheval.
Une fois en ligne, il exposa la situation à Lumi, qui envoya immédiatement Sasha à leur secours avant de raccrocher pour contacter le vétérinaire. Et pendant qu'il menait lentement mais sûrement Orléans vers le chemin, Owen ne cessa de se morfondre. Il n'avait pas été prudent et allait le payer au prix fort. Tout ce qu'il espérait désormais, c'était que la blessure ne soit pas trop grave. Si il avait mis fin à la carrière d'Orléans à un si jeune âge, jamais il ne pourrait se le pardonner. Il ne lui restait plus qu'à attendre le diagnostic du vétérinaire et croiser les doigts. Mais une chose était sûre: la confiance d'Owen en ses capacités venait d'être brisée.