Une fois grimpée en selle, j’ai un pincement au cœur quand je réalise l’ampleur du cadeau de mon patron. Au-delà du matériel, il m’offre de l’espoir. L’espoir de reprendre l’entraînement assidûment. L’espoir de suivre le circuit aussi, qui sait. Je lui jette un coup d'œil à la dérobée, lui qui évolue présentement sur la piste juché sur son grand alezan. Je presse doucement les mollets dans la cage thoracique de ma complice et cette dernière prend le pas avec entrain. Bien que son allure se veut puissante, la kwpn n’en reste pas moins maniable et légère dans mes mains. Je la dirige habilement vers la piste en main gauche où je la laisse mettre ses muscles en marche tranquillement. Je lui demande plusieurs transitions dans l’allure, la forçant à rester concentrée et à l’écoute malgré la vitesse demandée. Bonne élève, Play Date se plie à mes demandes sans rechigner ou presque. Quand j’appuie faiblement ma jambe intérieure contre son ventre et que je pianote sur mes rênes, un fouettement de la queue de sa part me sort de ma transe. Les oreilles plaquées contre la nuque, je constate que Kayce se trouve tout près de nous à nous observer. Il n’en faut pas plus pour ma partenaire pour démontrer son côté dominant. Je la pousse dans un déplacement latéral afin de la remettre au travail.

Contrainte, la grise mâche son mors mais s’exécute. Lorsque nous nous éloignons du duo au centre du manège, l’attitude de la kwpn revient à la normale et elle cesse de battre de la queue. Je roule des yeux face à son comportement possessif, mais je caresse son encolure quand elle reprend son chemin calmement. Vient un moment où je la sens enfin prête à passer à l’allure supérieure. Je claque la langue faiblement et je place mon corps de manière à la garder dans cet état d’esprit stable. Sans grand succès. Play Date bondit vers l’avant, euphorique de se délier les membres. Je garde mon calme tant bien que mal et j’arrive à contenir sa joie en demeurant assise dans ma selle et en pianotant sur mes rênes. J’incurve la kwpn sur un cercle de quinze mètres, la forçant à régler son allure pour éviter de se retrouver le nez dans le sable. Disciplinée, quoiqu’un peu fâchée de perdre la main quand même, ma princesse se positionne agréablement sur le cercle, me dévoilant enfin ses allures naturelles. La jeune jument est la grâce incarnée et ses allures souples n’ont presque aucun rebond. Bien qu’elle soit dynamique, elle n’en demeure pas moins d’une élégance ahurissante à regarder. Et quand je passe devant Kayce, je vois son visage s’illuminer à notre passage. Je sais parfaitement qu’elle est agréable à l'œil et j’en retire une fierté incroyable.

Plusieurs cercles et changements de direction plus tard, j’ai besoin de souffler. La respiration de ma complice - ou est-ce la mienne? - est plus rapide et je lui accorde un temps de repos. Je la fais passer au pas et je relâche les rênes dans son encolure, lui permettant de s’étirer un maximum. Je profite de ce moment calme pour discuter avec mon patron de tout et de rien. Jusqu’à ce que je le vois mettre un pied à terre. Je fronce les sourcils tout en observant chacun de ses gestes. Quand je le vois se diriger vers l’espace où nous rangeons les barres et les chandelles, je me laisse glisser jusqu’au sol et je vais l’aider à installer quelques obstacles. Cinq minutes plus tard, un parcours de cinq obstacles est disposé dans le manège et nous remontons en selle. La respiration de Play Date a repris un rythme normal et je rassemble mes rênes avant de la pousser au galop en main droite. À l’autre extrémité du manège, Kayce fait de même avec son alezan. Chaque fois que nous nous croisons au centre, ma grise plaque les oreilles dans sa crinière et je la reprend d’un léger coup de talon. Bientôt elle n’est fait plus de cas et continue d’évoluer silencieusement sous mes ordres.

Vient enfin le temps de s’élancer sur le parcours. Je laisse mon entraîneur y aller en premier pour l’observer depuis un coin tranquille du manège. Le premier obstacle est un vertical rouge et blanc de quatre-vingt-dix centimètres placé au centre. Le duo masculin le franchit sans effort avant de se diriger vers la droite sur un second vertical. L’abord de cet obstacle se fait après une diagonale et un demi-cercle et Lead the Way avale l’obstacle sans le regarder. S’ensuit une longue galopade en piste intérieure pour franchir le vertical numéro trois. Dès la réception de celui-ci, le cavalier mène habilement son étalon dans une diagonale vers la droite où un oxer de quatre-vingt-cinq centimètres les attend. Kayce claque la langue pour encourager sa monture tandis que j’ai les yeux rivés sur eux. La croupe musclée de l’étalon selle français se contracte et les mène de l’autre côté aisément. Un virage serré vers la droite tout juste derrière l’oxer numéro sept les ramène au centre du manège pour franchir une nouvelle fois le premier vertical. Un virage à droite les dirige sur une ligne composée du vertical numéro trois et d’un oxer à cinq foulées. Je vois mon entraîneur ajuster l’allure de sa monture entre les deux obstacles pour éviter que ce dernier ne fonce sur les barres tête baissée. Ils terminent en franchissant l’oxer numéro neuf placé tout près du premier vertical. Je ne peux m’empêcher de les applaudir après ce passage qui semblait d’une facilité déconcertante.

Je ne réfrène pas mon sourire en rassemblant mes rênes. Je suis convaincue qu’au niveau où nous sommes, nous y arriverons également sans problème. Bien que j’ai beaucoup moins d’années d’expérience derrière la cravate, je me considère naturellement douée. De plus, je suis couplé à une jument surprenante et mon entraîneur est de niveau professionnel. Aucune crainte à avoir. Je pousse Play Date dans un cercle à main droite pendant que je suis dans le haut du manège. Je la mets sur la piste et rendu au centre du manège, je la mène habilement vers le premier vertical. Au dernier moment, je fais dévier ma monture de sa trajectoire, la ramenant sur un cercle. La kwpn a encore la fâcheuse habitude de charger les obstacles et cette fois il n’était pas question que je la laisse s’en tirer. Frustrée, la jument secoue la tête dans tous les sens pendant que je ramène subtilement mes rênes vers mes hanches pour la faire ralentir. Quand son attitude revient au beau fixe moins de trois minutes plus tard, je m’élance à nouveau vers le vertical rouge et blanc. Cette fois, la grise évite de charger l’obstacle. Un claquement de langue à l’abord et je sens ses postérieurs nous propulser haut. Trop haut. Pendant la réception, je sens mes cuisses décoller de la selle et je pressens aussi que je vais tomber.

Pourtant, l'atterrissage se fait tout en douceur et j’arrive à rester en selle malgré le saut avec une marge énorme qu’a fait ma monture. Je me ressaisis pour diriger habilement Play Date vers la droite, entre les deux oxers et mon cerveau va à cent à l’heure. Je réalise à quel point finalement ce ne sera pas aussi facile que je pensais. Je fais décrire un demi-cercle à la kwpn pour la mener en ligne droite sur le second vertical. Cette fois, je ne claque pas la langue avant l’obstacle, me contentant de presser les mollets au bon moment. La grise bondit au-dessus des barres, cette fois avec une marge bien moins impressionnante. À la réception, je me sens revigorée, prête à affronter le reste du parcours. Je lève les yeux à la recherche de l’obstacle numéro trois qui se trouve tout en bas du manège, à ma droite. Nous franchissons celui-là également sans problème et je permets à ma partenaire d’augmenter un peu l’allure à l’atterrissage. Je bifurque légèrement vers la droite pour la mener vers notre premier oxer de la série. La jument conserve son allure rapide et s’élance dans un bond élégant au-dessus. Pendant la réception, je modifie subtilement ma position pour que la jument fasse un changement de pied, ce qu’elle exécute avec une facilité étonnante.

Je lui caresse affectueusement la base de l’encolure tout en la menant avec une dextérité calculée vers le premier vertical que nous abordons de l’autre côté. Je réalise que je suis crispée quand deux foulées avant l’abord Play Date soulève son postérieur pour signifier son mécontentement. J’ai à peine le temps de me ressaisir que nous voilà de l’autre côté. La moitié du parcours est terminé et je me sens pousser des ailes. Les deux prochains sont une ligne composée d’un vertical et d’un oxer à cinq foulées. Je m’y engage avec appétit. Appétit que je partage avec ma monture qui, les oreilles pointées vers l'avant, galope avec entrain. Un sourire plaqué au visage, je me positionne pour ne pas nuire à ma princesse et nous avalons le vertical sans effort. Je m’assois dans ma selle pour conserver une allure régulière et cinq foulées plus tard, je suis propulsée dans les airs et nous volons au-dessus de l’oxer. Je laisse la kwpn rejoindre la piste au fond du manège et au coin je lui fait faire une diagonale pour rejoindre l’oxer numéro huit. À la réception de ce dernier, la grise fait un changement de pied et je la laisse galoper régulièrement le long de la piste en main gauche pour finir le parcours en faisant une diagonale en H pour rejoindre le tout dernier oxer. Cette fois par contre, je dois claquer la langue pour encourager ma partenaire qui commence à s'essouffler.

L’abord de l’obstacle est moins puissant - du moins je le ressens moins dans le bas de mon dos - et j’entends les postérieurs de ma monture cogner contre la seconde barre. À la réception, je fais quelques foulées de galop avant d’enfin faire repasser Play Date au trot, puis au pas, les rênes longues. Quand je passe devant le dernier oxer, je constate avec bonheur que la barre n’est pas tombée bien que nous l’ayons accrochée. Je caresse sans retenue l’encolure de la grise qui tente tant bien que mal de reprendre le contrôle de sa respiration. Alors que je me glisse au sol, entièrement satisfaite du déroulement de cette séance, Kayce nous rejoint flanqué de son étalon alezan. Cette fois, la jument n’a que peu faire de sa présence, bien trop fatiguée par toute cette agitation. Vous êtes prêtes. Ces trois mots me réchauffent le cœur et je lève des yeux scintillants vers mon entraîneur qui quitte le manège sans rien demander en retour. Je passe enfin les rênes au-dessus de la tête de la kwpn et j’entreprends de la faire marcher à mes côtés, des rêves plein la tête.

Visuel du parcours: