Norah se cala sur le siège du traîneau où elle était perchée, se tendant un peu en sentant une violente secousse annoncer le départ au trot des chevaux qui tiraient son embarcation. Elle était allée voir Belle Iliade un peu plus tôt dans la journée, vite fait, avant de rejoindre son amie pour faire une balade dans un traîneau tiré par des chevaux, une activité proposée par un ami de son actuelle voisine de siège – au final, le haras était assez petit, et avec le temps qu’y passait la jeune fille, elle y connaissait plus ou moins tout le monde. L’idée de cette promenade un peu originale – l’attelage était malheureusement pas la discipline la plus répandue – lui avait beaucoup plu et elle l’avait rejoint avec plaisir. Le traîneau n’était pas du coup confortable mais à vrai dire, elle s’en fichait un peu : elle était là pour profiter du paysage. Il était un peu dommage que la neige ait fondu dans la nuit car cela enlevait un brin de magie aux alentours, bien qu’ils soient déjà magnifiques ainsi. Il fallait reconnaître que les chemins de balade du coin étaient plutôt sympathiques, quoique pas tout à fait adaptés au passage d’un traîneau entier tiré par deux chevaux : les secousses étaient plus que fréquentes, et parfois Norah décollait un peu de son siège. Cela n’empêchait pas les discussions d’aller bon train cependant. Le meneur était sympathique et le courant passait bien ; le reste de la promenade serait sans doute intéressant puisqu’il semblait avoir beaucoup de choses à leur apprendre.
Une bougie d’anniversaire, une pièce dans la fontaine, une étoile filante, un numéro palindrome… tant de manières de formuler un vœu. Si Norah n’était pas convaincue par cette théorie, elle aimait pourtant fermer les yeux et penser à ce qu’elle souhaiterait ; sa manière préférée de le faire cependant, était de le faire en trouvant un trèfle à quatre feuilles. C’était bien plus rare et bien plus précieux à son goût, un peu plus authentique aussi ; il fallait chercher un peu pour l’obtenir. Mais au fond, elle n’aimait pas garder les secrets, ni attendre d’obtenir ce qu’elle voulait. Le bonheur qu’elle pouvait demander à un trèfle à quatre feuilles, elle préférait le chercher elle-même : car elle ne souhaitait pas grand-chose d’autre, au fond. Rien que d’être heureuse.
L’année était passée à une vitesse folle. Norah avait un peu de mal à accepter que le décompte pour le nouvel an ne serait d’ici que quelques dizaines de minutes désormais. Sa coupe de champagne à la main, elle balaya du regard la pièce : elle n’avait invité que ses plus proches amis, histoire de passer la soirée ensemble, sans trop sortir non plus : si elle était sociable, elle n’aimait pas franchement les grandes fêtes bondées de monde ou quoi que ce soit. Elle ne s’ennuyait pas cependant : tout le monde discutait avec tout le monde et l’entraide pour les petits fours était de mise. Bientôt, ils pourraient s’embrasser et se fêter bonne année, suivi des habituels vœux de bonne santé de chacun. Norah trinquerait en espérant que 2021 lui offre de nouvelles opportunités.
Aux yeux de Norah, la famille était quelque chose de très important – peut-être plus important encore que le bonheur, ou selon ce que certains pouvaient penser, l’argent ou la réussite. La jeune fille ne voyait pourtant pas en la famille que les liens du sang – elle savait considérer ses plus proches amis comme tels, et n’aimait pas placer la famille biologique sur un piédestal indestructible. Non, au fond, lorsqu’elle regardait ses amis dormir sur son canapé, fatigués et ayant probablement un peu trop bu de la soirée précédente, elle savait qu’elle les considérait comme un membre de sa famille à part entière. Elle était sans doute un peu naïve, mais c’était après tout comme ça qu’elle voyait les choses : elle ne savait voir que le positif, et ce qui lui était cher. Elle soupira, posa son verre vide sur la table à côté d’elle. À trop réfléchir, elle aussi se sentait un peu pompette. Elle n’osa pas se lever, mais un sourire tendre vint étirer ses lèvres à la vue du petit monde avachi dans le salon. Norah s’enfonça un peu dans le fauteuil et déverrouilla son portable, ouvrant sa messagerie pour voir et répondre aux messages de bonne année, en commençant par ses parents. Ce serait la moindre des choses à faire avant de se laisser aller dans les bras de Morphée.
Norah referma sa porte d’entrée à l’aide de son pied et déposa son sac dans l’entrée. Son chocolat chaud à la main, et une fois débarrassée de son manteau, elle se dirigea vers son bureau où elle déposa sa boisson avant de s’installer sur sa chaise, reprenant ses révisions. Avoir de quoi boire l’aidait un peu, et la chaleur que dégageait la tasse en carton vert et blanc était bienvenue : il faisait particulièrement froid ces derniers temps. Avec un léger soupir, la jeune fille reprit son stylo et se remit à la tâche. Les mots semblaient un peu tous se ressembler, bien que ce soit sans doute un effet de la fatigue et aussi parce qu’elle était sur le sujet depuis un moment ; elle prit une gorgée de chocolat et décida de changer. Elle reviendrait sur cette leçon plus tard.
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